D’UN ITINERAIRE PROFESSIONNEL A UN ITINERAIRE DE RECHERCHE “Mise au pas”

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Arrêt sur image (problématique et hypothèses)

Troisième étape : Composer : Faire des choix. Choisir de garder ou de rejeter. De tout ce matériel émergeant de l’improvisation, que va-t-on utiliser, valoriser, exploiter ?.... Acte décisif par excellence qui relève du “je-ne-sais-quoi” qui fait qu’une chorégraphie ne se résume pas à une simple succession de mouvements”

Notre recherche a d’abord une visée compréhensive. Nous voulons observer, analyser une certaine réalité de la danse scolaire. Le contexte de cet enseignement, est complexe et nous tentons de ne pas le réduire, mais plutôt de l’envisager à travers un miroir grossissant afin de percevoir sa cohérence.

L’objectif de rendre intelligible une complexité s’accompagne d’une considération particulière en direction des enseignants qui sont au coeur de notre problématique, un point stratégique du système observé. Nous imaginons la possibilité d’offrir, par une meilleure compréhension des pratiques de la danse au collège, des voies d’innovation et de transformation. Si nous choisissons de parler de voies, c’est que notre intention n’est pas de formaliser des propositions de formation, mais plutôt des axes de réflexions.

Nos intentions ainsi clairement exposées, nous reprenons, comme tout acte de création chorégraphique, les éléments qui constituent notre recherche, nos “morceaux choisis”, nos petites phrases gestuelles qui, par leur répétition et leur énergie, colorent le propos et le rendent donc singulier. Ils sont au nombre de quatre.

  • Nous avons transformé notre première interrogation concernant l’enseignement de la danse en la situant dans une relation culturelle contextualisée ;

  • Nous avons soulevé les questions des choix culturels en rapport avec des valeurs éducatives et des valeurs sociales ;

  • Nous tentons de comprendre comment les apprentissages en danse permettent des appropriations originales d’ingrédients culturels n’ayant pas toujours de liens entre eux ;

  • Nous avons enfin envisagé la création d’un modèle culturel de référence qui permet de lire une réalité complexe et diversifiée.

Nous pouvons maintenant clarifier notre problématique :

Quel modèle peut faciliter la compréhension de la transmission culturelle qui s’opère en danse au collège et quelles en sont les conséquences didactiques ?

Nous répondons, à la suite de nos investigations en retenant trois principes.

Le premier principe interdit toute référence à un idéal de passation culturelle. Le collège est un lieu d’échanges culturels plus ou moins explicites, où l’institution et les différentes personnes engagent de façon singulière leur appartenance culturelle, favorisant ou non une transmission d’éléments culturels de qualité.

Le second principe attribue un sens culturel à toute posture corporelle. Nous lisons les formes de corps comme autant de symboles incarnés, témoignages d’appropriations culturelles originales en lien avec toutes les ressources du sujet. La danse engage les personnes dans des expériences corporelles expressives et donne à voir, donc communique immédiatement ses relations à la culture.

Enfin, le troisième principe valorise les situations d’enseignement qui permettent aux élèves et à l’enseignant de reconstruire les savoirs des actions dansées et participent ainsi à la création de la culture scolaire. Cependant, celle-ci est hétérogène car chacune des personnes mobilise sa culture d’origine et projette des significations pour agir, ce qui provoque des échanges inédits qui peuvent donner lieu à des incompréhensions comme à des rencontres fusionnelles.

Ainsi notre question centrale sur l’enseignement de la danse s’inscrit dans une réflexion plus large, questionnant la danse comme pratique culturelle particulière, et cristallisant les rapports au corps, aux autres et à l’environnement. Le modèle, que nous envisageons de créer, doit nous permettre d’observer cette réalité mouvante d’échanges et d’appropriations personnalisées qui passent par des apprentissages mettant en jeu la motricité.

Nous voulons observer ce qui s’enseigne dans un démarche qui tente de prendre en compte la complexité. Nous tentons de conserver la dynamique de l’acte d’enseignement qui n’est pas un discours sur les savoirs formalisés, mais une mise en jeu vivante, parce qu’intégrée, d’un ensemble de conventions.

La danse met le corps en mouvement, attise des perceptions singulières, réanime des relations humaines et incite à de nouvelles approches réflexives. Nous voulons conserver cette vision globalisante de l’activité culturelle, et nous avons donc recherché à construire un modèle incorporant toutes ces données permettant une lisibilité sans défense.

‘“Qu’est ce qui fait que quelque chose est beau ? ... Pour moi, la clé de la beauté , c’est la lisibilité, une qualité qui permet au beau de pénétrer dans l’oeil de l’observateur ... La danse est une forme de communication à laquelle incombe une responsabilité” 46 .’

Ce modèle nous l’imaginons, s’imprégnant de l’ensemble des connaissances que nous avons construites à partir de nos pratiques d’enseignement et de nos rencontres avec les artistes. Il prend donc l’image d’une personne, pleinement ouverte aux différentes danses, capable d’emmagasiner des expériences diverses et tout à fait poreuse aux échanges. Il nous semblerait important au départ que ce modèle soit une personne vivante, idéale (?), facile à imaginer et à posséder. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il devient un contrsens par rapport à nos investigations.

Le modèle doit être formel et ouvert aux modèles singuliers très divers que nous rencontrons. Ce modèle doit favoriser la lecture et la prise de conscience des intentions de danse, des images et des émotions, des techniques corporelles et des relations sociales.

Notre hypothèse est la suivante :

Le modèle culturel que nous proposons doit intégrer tous les éléments constitutifs de l’acte dansant aujourd’hui, afin que chaque personne puisse identifier un agencement original d’ingrédients culturels. Agencement qui met à jour une danse reconnaissable comme telle par notre société. Ces éléments charpentent, à l’image de toute activité humaine, une structure mouvante et flexible autour d’une motricité, d’une intelligibilité, d’une sensibilité et d’une sociabilité en acte.

Notre observation sommaire de la réalité nous permet d’envisager la transmission culturelle en danse au collège comme un passage culturel en échec, dû essentiellement à l’impossibilité donnée par l’institution aux enseignants et aux élèves, d’exprimer un modèle cohérent et simultanément singulier.

Notes
46.

NIKOLAÏS. (A). “ Nikolaïs et la composition”. in, Nouvelle de danse . Contredanse. Bruxelles. n° 36, 37. 1998. 71 p.