L’interprétation.

Nous arrivons au moment délicat que Jean Claude KAUFMANN appelle “la fabrication de la théorie”. Moment difficile, comme dans l’acte chorégraphique, car il est la signature personnelle, celle qui engage dans son originalité et sa cohérence et qui se soumet en même temps à l’épreuve des faits. Nous ne devons plus hésiter, continuer malgré les interrogations présentes, affirmer une réflexion à partir d’une modélisation qui montre aussi ses faiblesses dans les investigations. L’interprétaion engage son auteur souvent au-delà de ses ressources premières. L’interprète de données de recherche est “quelqu’un qui déchiffre et communique des significations” ; il doit rester “‘un exécutant qui met en action des matériaux qu’il a sous les yeux de manière à leur donner une vie intelligible’” 50. Il ne devient pas l’oeuvre comme le danseur-interprète. Cependant, nous savons que l’interprétation est une activité qui met à jour les subjectivités.

Nous mesurons à ce moment comment le recueil de données et l’élaboration théorique se sont construits simultanément et de ce fait, ont manqué de décalage dans le temps pour obtenir un traitement satisfaisant. Ceci s’applique surtout pour les élèves, à qui nous aurions pu proposer un questionnaire plus pertinent au sujet de leur appréhension de la danse. Nous avons procédé à des interprétations en fonction des trois relevés de données. Puis nous avons tenté de rechercher les liens qui unissaient ces différents modèles culturels tous vivants et présents au collège. Cette interprétation s’appuie sur l’analyse des modèles, au regard de leur dynamique et de leur équilibre entre les cinq éléments (valeurs, motricité, sensibilité, sociabilité, intelligibilité). Elle essaie de mettre à jour les cohérences ou confusions des modèles, elle utilise enfin la comparaison entre les modèles pour lire les éventuels échanges, métissages possible.

Notre méthode d’investigation nous entraîne à regarder les textes, les enseignants, les situations d’enseignement et les élèves comme autant de modèles singuliers plus ou moins sous influence.

Nous relevons dans un premier temps, les modélisations proposées dans les textes officiels et les influences des courants culturels sur les approches éducatives. Notre compréhension des volontés institutionnelles et leurs évolutions nous incitent à nous questionner sur leur clairvoyance éducative ou leur soumission à des pratiques de terrain.

Les enseignants sont envisagés à travers les modèles culturels qu’ils véhiculent, modèles plus ou moins conscients et cachés vis à vis des élèves. L’impact des modèles institutionnels est analysé.

Les élèves, à travers leur création de danse et leur discours montrent des modèles en formation plus ou moins en conformité avec l’enseignant.

Pour chacun de ces traitements nous ne recherchons pas une typologie, mais des modes de combinaison entre les pôles du modèle et les valeurs, et les liens qu’ils entretiennent entre eux au moment de la recherche.

Tous les modèles mis à jour doivent ensuite être mis en relation pour faire émerger les liens qui unissent institution, enseignants, élèves.

Nous voulons alors comprendre la situation scolaire à travers la communication des différents agents culturels. Pour cela nous cherchons à découvrir ce qui influence le plus les modèles observés. Est-ce le niveau des éléments ? Leurs combinaisons ? Les valeurs ? Existe-t-il une anticipation, une soumission des agents entre eux ? Y a t-il des mélanges heuristiques de modèles ? Peut-on parler d’une élaboration libre et consciente de modèles culturels ?

L’interprétation de résultats nous permet à la fois de donner une certaine image de la réalité de la danse scolaire, et de questionner notre modèle de “pratiquant culturé”. Les hypothèses émises le concernant sont -elles validées ? Nos catégories sont elles exhaustives et bien réparties selon les quatre pôles ? Quelless sont les nouvelles questions et les implications pédagogiques qu’elles sollicitent ?

Notes
50.

STEINER. (G). “Réelles présences. Les arts du sens”. NRF essais.Paris. 1991. 26 p.