Quel modèle va nous permettre de lire les textes, entendre les discours des enseignants, repérer les intentions des élèves ?
Prenons l’exemple d’une partie du discours d’une enseignante “experte”.
‘ “Qu’est ce que je garde de toute mon expérience personnelle de danse ? Il faut dépasser tout ce qui est technique, peut-être parce que j’en ai mangé beaucoup ? Tu te détaches, et c’est ça qui est important. C’est BAGOUET qui m’a le plus apporté ... Le bagage technique, c’est plus facile de dire que j’en ai pas besoin quand on l’a, que l’inverse. ça permet un détachement ... En EPS, tout est codifié. En danse c’est toi qui invente les codes. La création ouvre la possibilité de trouver des contenus. Le champ est libre. Si tu ne parles pas de technique, c’est tout ouvert ! C’est le démarrage qui est important. C’est une phase toujours difficile. Si on réussit bien son entrée, ça va être logique, et ça va bien s’enchaîner. Pour certains enfants, il faut rentrer par la technique, et leur imposer. Avec d’autres, il faut leur faire découvrir. Je rentre souvent de la même façon, avec des élèves turbulents. Je rentre par la rythmique ... Ce qui manque le plus, c’est les images, les représentations de la danse. Mon collègue dit qu’il se sent libéré quand il a fait le clown avec ses élèves. Il a cassé son image et fait comprendre que lui aussi s’investit dans quelque chose ... Danser c’est un rapport au corps particulier, c’est sortir de sa gestuelle quotidienne, aller dans un même sens d’esthétisme avec les autres, pas seul. Mais tout ça, ce sont des obstacles à l’enseignement. Pour moi, danser c’est s’exprimer, inventer, et aussi plus largement se montrer, plutôt que de réaliser un spectacle.”’Dans un premier temps, nous recherchons la ou les valeurs implicites accordées à la danse. La valeur artistique est privilégiée et semble articuler quatre éléments explicitement décrits:
Le premier se réfère à plusieurs niveaux de lecture du corps : la technique de la danse n’entraîne pas une perception imagée du corps ressemblant à celle qu’il donne à voir dans la vie courante. La technique est une forme qu’il convient d’apprendre, pour mieux s’en détacher ensuite. L’enseignante imagine que l’acte de création n’implique pas l’usage de techniques, mais elles restent pour elle une support indispensable. Elle élargit son propos en laissant entendre que danser met en jeu des rapports au corps singuliers, éloignés de la gestuelle quotidienne.
Dans ce discours, la motricité organisée en techniques s’accompagne d’une approche plus générale concernant la gestuelle ou le corps ;
Le deuxième élément se réfère à l’entrée dans l’activité danse par la rythmique, et donne priorité à une perception auditive dans la recherche d’accord avec les élèves. Accord dans le temps, ensemble. L’entente et le partage d’une esthétique, d’une sensibilité à certains codes de la beauté semblent plus difficile à réaliser ;
Le troisième élément développé est celui du registre des relations sociales : danser implique montrer, s’investir, échanger avec les autres. L’enseignante insiste là sur l’engagement personnel qu’impose l’acte de danser, c’est à dire sur une socialisation fondée sur l’affirmation de soi par rapport à un groupe qui coopère.
Le dernier point rappelle les intentions de la danse, créer, inventer, se représenter, avoir des images .... L’activité réflexive sur la danse que l’on pratique. Nous notons qu’elle donne une référence artistique à sa pratique : un chorégraphe contemporain.
Nous recherchons un modèle théorique qui puisse intégrer tous ces aspects d’une réalité d’acte d’enseignement en danse exprimée par les enseignants, et rendre lisible la complexité sans la réduire.
GALLOTTA. (JC). “Les yeux qui dansent”. Actes Sud. Arles. 1993.13 p.