Partie II : LES TEXTES OFFICIELS

Comprendre. Décider une pose, stopper l’action, figer le temps pour écrire, décrire, raconter la danse scolaire et l’évolution des enjeux de la formation. La décision de prendre du recul vient avec le doute. Doute sur les savoirs à transmettre, sur le sens des apprentissages à mener. Doute qui s’installe, insidieusement au quotidien, lorsque les adolescents contestent le fait que les enseignants puissent être des références culturelles possibles. Comment faire le point pour poursuivre autrement, si ce n’est peut-être, de regarder à distance les textes qui organisent les références ?

Il nous a semblé incontournable, pour appréhender la danse scolaire d’aujourd’hui, de la situer dans un contexte historique évolutif. Georges Vigarello¹²² analyse l’évolution des techniques corporelles et affirme que l’histoire sert à relativiser, à indiquer des orientations dans les transformations, à comprendre les obstacles et les résistances à la création d’un geste.

En reprenant ces intentions, nous désirons connaître et cerner mieux les mouvements récents qui affectent la danse scolaire à partir de la genèse des idées. Car il s’agit bien d’idées, d’idéologie concernant les corps, l’éducation, l’art dans la vie culturelle et sociale. L’histoire est d’abord celle, chronologique, des orientations institutionnelles. Nous allons lire et relire en utilisant notre grille de lecture, les textes officiels, les intentions de l’institution concernant l’enseignement de la danse au collège. Nous analyserons ces textes en tenant compte du contexte à la fois culturel (danseur influent de l’époque) et du contexte pédagogique de l’EPS (témoignages des enseignants d’EPS).

L’ étude découpe l’histoire de l’enseignement de la danse en quatre grandes périodes qui correspondent aux quatre séries de textes officiels qui structurent l’enseignement de l’éducation physique. Nous débutons l’étude par la période des instructions de 1945 et de leurs compléments en 1959. Elles organisent l’enseignement jusqu’en 1967 et sont les premiers textes à régir les collèges et à mentionner l’enseignement de la danse.

Puis, les instructions de 1967 marquent une étape importante. Elles clarifient les supports de l’action éducative. Elles restent en vigueur jusqu’à celles de 1985. Ces dernières sont complétées et réorganisées en 1996, par de nouveaux programmes.

Nous ne voulons pas reconstituer une histoire “linéaire et progressive” dont l’objet serait de déterminer de façon un peu simpliste des contenus d’enseignement liés à une période, sans tenir compte des influences durables des idées concernant le corps, la danse, l’éducation. Nous reprenons à notre façon le questionnement d’Isabelle LAUNAY envisageant une histoire de la danse : “‘Comment s’est formée une expérience spécifique des pratiques et des pensées du corps en mouvement à travers lesquelles des individus se sont reconnus, déchiffrés et avoués comme danseurs’” ¹²³.

Nous aspirons à découvrir le processus de formation de la danse scolaire, discipline d’enseignement, à travers les grandes intentions qui la structurent et qui reflètent des choix culturels correspondant à un contexte particulier.

Nous réorganisons les contenus d’enseignement et leurs objectifs pour faire exister notre modèle d’élève éduqué et actif dans ses rapports avec la culture.

Cette connaissance historique est aussi le résultat d’une subjectivité à l’oeuvre. D’autant plus que la période envisagée est celle de notre vie, dans le champ de l’école, et que les souvenirs de nos pratiques corporelles sont vivaces, et donnent un sens plus personnel aux discours étudiés.

L’étude historique doit nous permettre d’envisager, pour chaque période, le modèle culturel proposé, en accord ou non avec les deux contextes considérés : celui de l’EPS et celui de la danse.

Elle nous permet de comparer les différents modèles, d’isoler les éléments qui assurent la continuité ou qui créent la rupture. Elle nous aide aussi à interroger les cohérences éducatives et culturelles.

L’ensemble des écrits concernant la danse au collège sont l’expression d’une culture, avec ses valeurs, ses croyances, ses usages sociaux etc... Cette culture scolaire (celle des textes officiels) ne peut être saisie qu’en relation avec la culture dominante de la société.

Les textes officiels donnent l’image des attendus de l’institution concernant plus globalement la formation des jeunes.

Nous avons choisi, de parler du “pratiquant culturé”, un modèle d’acculturation positive. Notre grille de lecture envisage le modèle grâce à des éléments constitutifs et aux liens qu’ils entretiennent entre eux, leur apportant une cohérence transitoire. Nous savons que l’écriture des textes officiels a tendance à figer un modèle proposé, qui ne prend vie qu’à travers des corps d’enseignants et d’élèves, en action.

Afin de favoriser la lecture de notre travail, nous proposons notre investigation sur une seule période. Les autres figurent en annexe. Chacune d’elles donne à lire les intentions éducatives concernant l’enseignement de l’EPS, ainsi que les contenus d’enseignement en danse. Ces derniers sont mis en regard du contexte culturel qui détermine les orientations scolaires.

Nous choisissons d’approfondir la période de parution des textes de 1985 et de leurs compléments en 1987 et 88. L’éducation physique fait partie de l’éducation nationale depuis 1981. Les nouvelles instructions officielles installent cette intégration et s’insèrent dans une période de foisonnement culturel en danse. L’année 88 est décrétée par le ministre de la culture Jack LANG “Année de la danse”. Les questions autour de l’enseignement de la danse, la création contemporaine sont nombreuses, et suscitent des débats houleux dans le monde culturel. Ceci n’est pas sans répercussion sur les enseignants de la danse scolaire qui recherchent la reconnaissance institutionnelle de leur enseignement. Afin de démontrer l’excellence de leur travail ils organisent par exemple, des rencontres nationales de danse où sont produites les meilleures chorégraphies des établissements scolaires.

Nous proposons l’analyse des différents modèles culturels, véhiculés dans une période qui est pour nous celle de l’enfantement et de la jeunesse des nouvelles pratiques de danse.

‘“Le corps est le premier lieu où la main de l’adulte marque l’ensfant, il est le premier espace où s’imposent les limites sociales et psychologiques données à sa conduite, il est l’emblème où la culture vient inscrire ses signes comme autant de blasons ..” (Vigarello 1978.) ’