L’Education Physique et Sportive

‘Les textes incitent à promouvoir une véritable éducation de la personne qui s’appuie sur les ressources des élèves dans une perspective de progrès.’

L’éducation physique et sportive participe activement à l’élan pour l’innovation pédagogique, et tente de s’inscrire dans le cadre de référence proposé : élaborer un projet EPS à travers la notion de programme ; permettre à l’élève de connaître le résultat de ses apprentissages ; offrir des situations pédagogiques différenciées qui tiennent compte des niveaux des élèves.

L’éducation physique conserve les mêmes supports : les activités sportives. Leur programmation dans l’année, et dans le cursus du collège, font l’objet d’une réflexion pédagogique des équipes enseignantes. A l’image des autres disciplines d’enseignement, l’EPS doit définir ses contenus et ses évaluations, d’autant qu’elle fait partie de la première série d’épreuves au baccalauréat. Elle se soumet selon Pierre ARNAUD à “l’orthodoxie scolaire”125, aux exigences de l’institution, qui privilégie l’acquisition des savoirs et des connaissances. La recherche de didactisation de l’EPS est en plein essor. En 1982 se crée, à l’INRP126, une équipe de recherche en didactique ; pendant l’été 1985, est organisée une université sur la didactique des APS ; en octobre 1985 le colloque du syndicat des enseignants d’EPS “promotion de l’EPS et didactique des APS”. Dans la préface des actes on peut lire : “‘ça bouge dans l’EPS ... le développement des productions didactiques est pour l’EPS comme pour les autres disciplines une condition décisive pour réussir la démocratisation de l’enseignement’”127. C’est dans le contexte d’une EPS à la recherche de contenus d’enseignement légitimés au collège, que nous analysons les objectifs annoncés et le rôle fédérateur que joue la nouvelle notion d’évaluation.

Les objectifs de l’EPS visent au “développement de la personnalité de l’élève”. Plusieurs domaines sont investis : le développement de la motricité efficace et des habiletés, la pertinence des actions en rapport avec un projet, l’amélioration de la santé et enfin le sens de la solidarité et de la responsabilité. L’EPS permet aussi de préparer l’élève à la pratique des activités de loisirs, et l’aide à se situer socialement et dans la culture de son temps. Chaque APS, par son ancrage culturel, développe des capacités et des compétences propres. Des groupes d’activités sont proposés. La danse, les activités d’expression, représentent un groupe autonome. L’élève doit pouvoir progresser dans au moins quatre groupes.

Les directives complémentaires de 1987, en direction des 6èmes et 5èmes, soulignent les enjeux éducatifs : la santé, la sécurité (c’est nouveau !), la responsabilité, la solidarité. Elles réaffirment la responsabilité des enseignants dans le choix des activités physiques à enseigner en liaison avec le projet de l’établissement.

Les compléments de 1988, pour les classes de 4èmes et 3èmes insistent sur les objectifs d’éducation de la personne et du citoyen, en préconisant une pédagogie de contrat, qui lie à la fois les élèves et les enseignants dans une perspective de réussite dans les apprentissages. Ce qui oblige les enseignants à se questionner sur les savoirs à enseigner, et sur ce qu’ils enseignent réellement. Dans les pratiques pédagogiques, la nécessité d’apprécier avec précision les acquisitions devient essentiel.

L’évaluation semble devenir le problème fondamental de l’EPS, qui jusqu’alors, n’était pas le souci premier des enseignants. L’évaluation implique des objets d’enseignement clairs, identifiés et des conditions de réalisation. Les instructions précisent que les enseignants doivent apprécier de façon “objective et concrète” : les conduites motrices à travers deux registres d’investigation : l’efficacité, ou la performance qui détermine un niveau de réalisation et l’habileté qui rend compte des moyens utilisés pour réaliser la performance. Les progrès réalisés, l’investissement des élèves et les connaissances, deviennent aussi des indicateurs pour l’évaluation.

Les enseignements doivent faire l’effort de déterminer pour chaque activité des niveaux d’habileté, d’ordre de complexité croissant. Les élèves sont à même de pouvoir, à tout moment de leur pratique, identifier leur niveau et de mobiliser les compétences nécessaires. L’initiative des enseignants reste entière, car la quantité de pratique, les lieux, les situations locales très diverses, obligent à des formes particulières d’enseignement et empêchent un référentiel national.

En donnant la parole aux Inspecteurs généraux, les revues EPS de 1986 font largement état des questions soulevées par les programmes : qu’est-ce qu’un projet, comment évaluer, comment différencier ? Des chercheurs et des didacticiens tentent d’éclairer les notions d’apprentissages moteurs, de transposition didactique, d’objets d’enseignement, d’habiletés, afin d’éclairer des contenus. Ceux-ci n’étaient perçus jusqu’alors qu’à travers les techniques gestuelles produites par l’action efficace au plus haut niveau. Il s’agit maintenant de considérer les actions motrices comme “ ‘une réalité à deux faces. Une face visible : la manifestation motrice, une face non immédiatement perceptible : les mécanismes et processus mis en jeu pour produire cette manifestation. Ce sont ces derniers qui doivent se transformer pour que l’aspect visible se transforme à son tour’ ”128. L’école de la réussite de tous a des exigences de qualités d’enseignement qui dépassent largement les pratiques de terrain.

Quel modèle de “pratiquant culturé” pouvons-nous interpréter à partir des textes en EPS ?

Nous pouvons le décrire ainsi :

  • Ce pratiquant doit pouvoir investir un large éventail d’activités physiques, suffisamment longtemps pour qu’il réalise des progrès.

  • Il connaît les pratiques culturelles de références et s’inscrit dans la culture de son temps. Liée à la pratique, la connaissance des activités physiques doit permettre à l’élève de comprendre, de regarder avec un oeil critique les pratiques sportives.

  • Ce pratiquant doit pouvoir se situer dans une hiérarchie de savoir-faire et connaître ses capacités.

Les textes accordent une grande importance à l’intelligibilité des actions, à la prise de distance par rapport aux actions sportives. Ils traduisent les influences, dans le cadre scolaire, des sciences cognitives et des travaux en didactique, qui identifient deux types de connaissances procédurales, et déclaratives. L’empreinte des théories ’Piagetiennes’ fait partie du monde de l’éducation physique depuis les années 1960. Elle s’exprime maintenant institutionnellement. Il ne suffit pas de réussir, il faut comprendre. Les processus d’acquisition sont aussi importants que les savoir-faire. Ils doivent être conscients et passer par la verbalisation.

Le modèle EPS de “pratiquant culturé” s’organise autour de l’intelligibilité et de la recherche d’habiletés motrices, à construire en fonction de niveaux hiérarchisés. Les valeurs accordées au développement personnel et à l’investissement renforcent ces deux pôles, au détriment, semble-t-il, de la sensibilité et de la sociabilité. Nous percevons le profil de ce modèle scolaire, modèle déséquilibré, dans la culture de son temps, peu dynamique à cause d’une décontextualisation trop grande due à un découpage forcené de l’activité, privilégiant la rationalité du comportement au détriment des émotions et de la subjectivité.

Notes
125.

ARNAUD (P). Les savoirs du corps : Education physique et éducation intellectuelle dans le système français”. PUF. Paris.1992.

126.

INRP. Institut National de Recherche Pédagogique.

127.

ROUYER. (J). Une profession en mouvement. in, EPS et Didactique. SNEP. Paris.1985.

128.

MARSENACH.(J). “Education physique et sportive. Quel enseignement ?” INRP. Paris.1991.