Que dire de ce nouveau modèle ?

Les valeurs affichées dominantes sont l’expression et la création, et la danse contemporaine comme référence culturelle fait son apparition. Le modèle tente d’articuler une certaine cohérence en restant assez évasif sur l’ensemble des quatre pôles. Le système s’organise autour de l’intelligibilité où les intentions des actions, ainsi que leurs effets, doivent être maîtrisés. La catégorie 1 est la plus importante. La motricité insiste sur le mouvement et entrevoit, pour les élèves plus âgés, les combinatoires liées essentiellement encore aux relations corps-musique. La sensibilité développée se fonde sur l’expression de la musique. Seule la catégorie 1 est présente. La sociabilité insiste sur l’affirmation personnelle, mais ne semble pas être un pôle d’éducation particulier. Il s’agit donc d’un modèle assez pauvre dans les moyens à mettre en oeuvre. Seule l’intelligibilité est soulignée, ce qui est cohérent avec les attendus de l’éducation physique et sportive.

La démarche pédagogique est bien précisée :

Les compléments de 1988 insistent sur l’élaboration d’un projet pédagogique de référence et sur la validation des apprentissages. Il est recommandé de dissocier la performance, des habiletés motrices. L’évaluation des connaissances définies comme des savoirs, issus de l’action, permet de mesurer l’intelligibilité. L’investissement des élèves dans les tâches doit être considéré comme un “savoir être “qui ne saurait être ignoré.

Le traitement didactique des activités d’expression pose des problèmes à la profession et seuls les experts se lancent dans ce travail. Ils vont le faire avec leurs références propres, celles des pratiques artistiques du moment. La pratique de la danse, dans le cadre de l’association sportive, est un terrain d’expérimentation pédagogique qui offre, à l’ensemble des collègues la certitude qu’une danse peut être non seulement appréciée et évaluée, mais aussi notée. Les rencontres nationales de danse installent l’idée d’une évaluation en rapport avec des codes de lecture qui font référence aux pratiques de danse contemporaine.

‘Le danseur de l’UNSS est un modèle d’experts et s’exprime dans le cadre d’une activité volontaire et sélective.’

Dès le début des années 1980, la danse dans le cadre de l’association sportive est un champ d’expérimentation. Les élèves sont volontaires pour danser. Ils sont donc motivés et en nombre restreint par rapport à une classe. Cette structure associative (UNSS) oblige ses licenciés à des rencontres.

En 1985, MIREILLE DRÉAN, enseignante, relate une expérience “danse et expression chorégraphique”. Elle définit les finalités de toute manifestation artistique : “présence et authenticité”. Elle présente la logique de travail de son groupe, avec projet pédagogique de création. Elle propose ensuite une évaluation, d’abord du processus qui est verbalisé et explicite (noté sur 6 points). Puis elle prend en compte les maîtrises de la gestualité, des qualités d’exécution, du support (thèmes et musique). Enfin, les sensations kinesthésiques, l’émotion provoquée retient son attention (sur 9 points). Un entretien avec les danseurs noté sur 5 points termine cette évaluation.

L’auteur souligne l’importance du ‘“jugement qui porte sur ce que les élèves projettent de leur être profond’”. Evitons, dit-elle, de “‘contourner ce problème en ne regardant que la maîtrise d’un savoir-faire’” 129.

A partir de 1986, les échanges institutionnels s’organisent en copie conforme des compétitions sportives. Les rencontres ont pour but de dégager les meilleures chorégraphies. En 1988, les premières rencontres nationales ont lieu et instituent un parcours que les groupes danseurs doivent subir en franchissant les obstacles des sélections : celles du département et celle de l’académie.

Il est intéressant de noter comment historiquement la danse, dans le cadre de l’UNSS, est passée d’une pratique sollicitant l’échange et les regards fondés sur la congruence et la découverte, à une pratique d’échanges sélectifs interpellant un regard évaluateur qui décide du beau, du bien, des normes de la réussite des danses scolaires. Pour qu’il y ait un gagnant et des perdants, il faut pouvoir établir un classement. Ce classement doit reposer sur des critères objectifs d’évaluation. L’UNSS devient le lieu de production d’indicateurs de l’évaluation des danses. Ces enseignants se défendent de transformer une activité artistique en activité sportive, ils tentent de résoudre le problème en découpant l’activité selon cinq pôles :

- le coup de coeur (activité artistique touchant aux émotions), - l’idée et son développement chorégraphique (composition, effets), - le danseur (son habileté ? ), - la recherche, (rapport au thème, à l’utilisation des combinatoires possibles), - la mise en scène (support musical, costumes, espace scénique).

Ces propositions donnent ainsi une référence à une pratique de danse artistique : la danse contemporaine. Malgré les nombreux désaccords exprimés par les enseignants concernant la tentative d’accréditer des points comme toute pratique sportive, ces propositions vont influencer largement les évaluations scolaires des danses dans le cadre des enseignements obligatoires. Cela est d’autant plus logique que la plupart des enseignants qui proposent la danse dans leur programme, participent ou ont des liens étroits avec les pratiques de l’UNSS.

Notes
129.

DREAN. (M). “ Danse et expression chorégraphique”. in, Revue EPS n° 193. Paris.1985.

27 p.