Quel modèle de pratiquant culturé UNSS ?

Nous l’élaborons à partir de la fiche d’évaluation du premier festival en 1988 (voir annexe 3 Partie II). Son traitement est analogue à celui des programmes. (voir annexe 4 Partie II).

Le modèle laisse apparaître les quatre éléments, avec une dominante du pôle de l’intelligibilité. Les valeurs affichées sont les valeurs artistiques et esthétiques correspondant à la danse contemporaine. Les intentions des danseurs dans leur création sont d’attirer le regard du jury, de provoquer de l’intérêt, des effets de surprise, dans le but de plaire. Ces intentions nous semblent contradictoires avec les valeurs artistiques contemporaines, dont le souci de plaire n’est pas le sens de la création. En effet, comment accorder de l’importance à l’imaginaire, l’émotion, l’originalité, l’inventivité, et en même temps, accepter l’idée de jugement, de classement, de satisfaire à un goût extérieur ? Il existerait des imaginations meilleures que d’autres ? Des émotions et des authenticités mieux cotées que d’autres ? Les valeurs attribuées à une logique de compétition se mélangent à celles d’une logique artistique, ce qui culturellement paraît incohérent .

Comment tenter l’originalité de l’expression si le danseur doit d’abord satisfaire les attentes du spectateur ? Le dilemme se situe entre créer et plaire. Il semble que l’histoire des pratiques artistiques montre que ces deux intentions ont toujours du mal à cohabiter car elles font intervenir la notion de pouvoir (économique ou politique) sur les créations artistiques. A l’Ecole donc, nous retrouvons cette même réalité sociale, mal vécue par les artistes eux-mêmes. Créer une danse pour plaire à un jury, avec l’espoir que ce jury soit suffisamment esthète pour choisir les danses qui sont les plus représentatives d’une danse artistique scolaire. Les élèves créateurs sont donc confrontés, dans ces rencontres, à la problématique de la place de l’art dans la société sans protection réelle, car ils sont directement soumis à la concurrence.

Détaillons le modèle :

La motricité expressive des danseurs et l’intelligibilité de la démarche de création semblent être les aspects les plus prégnants qui organisent le modèle. Ces deux éléments recouvrent les différentes catégories, et évoquent la possibilité d’une ouverture assez grande en faveur de pratiques culturelles différenciées. La motricité fait appel aux combinatoires des composantes du mouvement (catégorie 3), et réfère ainsi à la danse contemporaine. L’intelligibilité passe, prioritairement, par des intentions clairement affichées (catégorie 1), et une connaissance des pratiques artistiques en général (catégorie 2). La sociabilité et la sensibilité sont les maillons faibles avec un discours peu abondant. La sociabilité est construite sur les rôles qu’implique la prestation dansée. L’intelligibilité articule les trois autres pôles dans la recherche d’une communication claire. Le modèle est discursif et légèrement déséquilibré, ouvert aux différentes catégories.

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Graphique 4 : Modèle UNSS 88

Le modèle UNSS se positionne en rupture avec celui des textes officiels, quant aux valeurs annoncées. L’expression devient une oeuvre, une chorégraphie qui doit émouvoir et faire preuve d’originalité. Ces valeurs de communication artistique organisent le modèle dans une recherche de motricité juste et performante, en même temps qu’une cohérence de l’ensemble de la danse. L’intelligibilité est plus riche et diversifiée et appelle une expertise nécessaire. L’imaginaire et l’émotion sont évoquées pour la première fois à l’Ecole, tout comme la pensée en image. Le profil du modèle, cependant, ressemble à celui des textes officiels dans l’équilibre des éléments. La dynamique diffère puisque chacun d’eux recouvre des catégories plus ouvertes.

L’année 1988 est décrétée par le ministre de la culture : année de la danse. La revue EPS s’en fait largement l’écho pour montrer à la fois la variété des créations chorégraphiques contemporaines qui explosent partout en France, et les problèmes nouveaux que posent cette dynamique autour de la danse, dans les pratiques d’enseignement très anarchiques qui se développent dans des écoles privées et des associations. Les premières tentatives de didactisation apparaissent dans des travaux d’universités d’été (didactique des APS en milieu scolaire). Le premier festival national de danse, dans le cadre des associations sportives, scolaires se déroule “‘dans une ambiance faite à la fois de passion et de retenue, de recueillement et de joie intense’”130. Nous avons analysé comment ces pratiques expérimentent un traitement didactique particulier, qui fait, selon les organisatrices, “‘la démonstration vivante et brillante que des professeurs d’EPS peuvent avoir compétences et capacités à traiter cette activité culturelle et artistique dans le contexte particulier du monde de l’éducation’”131.

Le contexte de l’enseignement de l’EPS et de la danse se caractérise par l’importance accordée aux démarches pédagogiques pour apprendre, en EPS, plus que par des données nouvelles concernant les valeurs accordées à cet enseignement. Les exigences portent sur l’organisation des activités dans la durée, pour permettre l’acquisitions de nouvelles compétences, sur leur choix, en tenant compte des réalités et des besoins de la population scolaire, sur la volonté de permettre la réussite de tous, par un enseignement transparent, quant à ses objectifs et son évaluation.

Ces pratiques éducatives s’inscrivent dans un contexte culturel que nous devons examiner. Cette étude doit permettre d’éclairer le choix du collège en faveur de la danse contemporaine. Quels sont les créateurs qui font référence et définissent la culture des années 1985, 1990 ?

Notes
130.

ARGUEL. M. “La danse à l’UNSS” revue EPS. n° 214. 1988.

131.

ARGUEL.op cit.