Le danseur scolaire, un activiste.

Nous observons, au premier abord, que le danseur scolaire, “pratiquant culturé”, est bien un pratiquant du point de vue de la mobilisation de son corps. Et de plus, un pratiquant qui maîtrise ses actions. Pour le danseur, tous les modèles insistent sur les habiletés à construire en rapport avec le potentiel physique. En cela, le danseur scolaire rejoint le gymnaste scolaire dans un grand nombre de traitements didactiques. Il est alors question d’activités de production de formes et de maîtrise de ses formes. Le collège est le lieu où les corps doivent apprendre à vaincre leur nature originelle et impulsive. Dans le monde scolaire Apollon chasse Dionysos ! L’Ecole investit alors les pratiques culturelles dans une symbolique dont FOUCAULT (1976) a montré les effets de domination. “‘Il peut y avoir un savoir du corps qui n’est pas exactement la science de son fonctionnement et une maîtrise de ses forces qui est plus que la capacité de les vaincre ... Savoir et maîtrise constitunt la technologie diffuse de la politique du corps ...”’ 153

Nous relevons une convergence entre les valeurs éducatives et les valeurs culturelles, dans l’obligation faite à toute personne, de dominer son activité motrice selon des lois qui, pour la gymnastique et la danse, renvoient à des esthétiques particulières, pourtant jamais clairement énoncées. Seules les références à une organisation structurée du mouvement, en rapport avec la musique, met l’accent sur ce nécessaire contrôle, exigé à la fois par la pratique de la danse et par l’Ecole.

La motricité est donc un facteur essentiel du modèle qui s’articule assez finement avec les valeurs éducatives annoncées. Nous remarquons l’importance accordée à la fois, aux coordinations d’actions, et à la possibilité de combinaisons originales des composantes du mouvement. Les différentes techniques de danse, qui réglementent les corps dansant, ont peu de place à l’Ecole. Ce qui permet d’évoquer l’idée d’une personnalisation et d’une créativité dans la composition même du mouvement. Il semble important de noter ici l’influence considérable des courants contemporains d’avant-garde en danse, qui ont dû se battre contre une technicité trop sclérosante de la danse classique, et qui ont engagé les danseurs dans une approche de la maîtrise du mouvement tout à fait originale. Le geste juste est le geste ressenti et contrôlé par l’intention. Le geste juste n’est donc plus celui qui correspond aux codes esthétiques, asservi aux canons de l’apparence. La motricité du modèle scolaire reflète l’influence des modèles de danses contemporaines

Nous pouvons déclarer que le “pratiquant culturé” est avant tout un activiste au sens où il met son corps à l’épreuve du mouvement et des formes.

Notes
153.

FOUCAULT.( M). “Surveiller et punir”. Gallimard. Paris. 1976. 31 p.