Le danseur scolaire, un intellectuel.

En second lieu, nous constatons que le “pratiquant culturé” est un activiste du mouvement à travers une danse qu’il anticipe. Depuis 1967, le danseur scolaire ne s’engage pas dans des danses de défoulements corporels et de plaisir du corps. Le choix des valeurs artistiques et d’expression sont mises en rapport avec celles de l’éducation, et obligent à des apprentissages réglés et à l’évaluation des acquisitions. Les danseurs scolaires élaborent des projets, à partir d’intentions clairement identifiées, qui favorisent l’engagement personnel. Ces projets sont validés par les enseignants et les autres élèves, organisés dans un système de communication élaboré à partir des pratiques culturelles. Les évaluateurs sont des spectateurs.

Les modèles scolaires, depuis 1985, proposent une intelligibilité de la danse qui répond aux exigences des apprentissages et des valeurs défendues par l’Ecole, qui privilégient l’abstraction, les idées aux actions. Le mouvement ne vaut que parce qu’il donne à penser.

Le “pratiquant culturé” est un danseur réfléchi dont les valeurs artistiques structurent la pensée. Les pratiques artistiques, dit Yves MICHAUD, “‘quelles que soient leurs considérables variations, sont toujours des pratiques qui obéissent à des règles plus ou moins explicites, plus ou moins codifiées en un canon, à partir desquelles il est possible d’évaluer l’excellence des productions’”154. Il s’agit bien à l’Ecole de permettre l’excellence scolaire, et d’apprendre à connaître les règles et les codes, fussent-ils sociaux ou artistiques.

Les derniers programmes semblent rechercher une ouverture vis à vis des différentes formes de pratiques dansées, afin d’être plus proches des motivations des élèves. Cependant, si toute forme de danse est possible, la seule condition requise est que la danse ne soit pas spontanée, mais bien préméditée. L’herméneutique est valorisée d’autant plus, que l’activité de réception de la danse s’intègre dans une logique scolaire et une logique culturelle. Ce qui donne au spectateur la liberté et l’expérience de reconstruction de l’oeuvre.

Le “pratiquant culturé” a des connaissances relatives aux danses, et des intentions créatrices. Il est capable de se questionner sur une méthodologie d’apprentissage, sur les moyens à mettre en oeuvre pour aboutir à une danse qui sera montrée et évaluée. Par contre, il n’est pas clairement souligné l’importance de mobiliser ce qui peut déclencher et structurer l’activité créatrice : la pensée logique et imagée qui déterminent fondamentalement les créations gestuelles, et rendent compte de perceptions originales et singulières du monde.

Nous remarquons ici, que les éléments d’intelligibilité, favorisés, reposent plus sur la logique scolaire que sur la logique artistique. Ceci provoque d’ailleurs les réactions intempestives des artistes, qui désignent la pédagogie comme manière de tuer l’art, et l’Ecole comme une institution normalisatrice qui bloque l’activité créatrice des jeunes.

Notes
154.

MICHAUD (Y). op cit. 32 p.