Le danseur scolaire, un frustré.

Les modèles proposés n’investissent pas, nous l’avons observé, tous les registres de la sensibilité. Celle-ci se limite à un rapport avec la musique, dont les textes ont une interprétation très fragmentaire. Il est fait surtout allusion aux signes musicaux, au tempo. Pourtant, la correspondance musique/mouvement peut prendre des formes différentes, selon que le danseur s’attache plus à la mélodie, au rythme, aux climats musicaux propices aux images. Il est peu fait de cas à l’intersensorialité. Cette approche réduit beaucoup la sensibilité. Peut-être dans un souci pratique de “faisabilité” pédagogique, l’enseignant choisit de voir et d’intervenir à propos de la qualité de contrôle du mouvement avec la musique. Il apparaît plus facile d’identifier de l’extérieur cette correspondance musicale, alors que les registres des émotions, des images et de l’esthétique, reposent sur une plus grande subjectivité. Là encore la volonté de vérifier les progrès, par le seul jeu du regard sur le mouvement, prive l’institution d’autres sources de communication qui pourraient aider aux apprentissages.

La sensibilité n’est pas ouverte à l’ensemble des pratiques de danse, et encore moins aux capacités individuelles, aux potentialités et aux différentes formes de communications sensorielles.

Le modèle scolaire est un modèle culturel tronqué de la sensibilité qui, pour un danseur, semble inacceptable. Les valeurs scolaires semblent échapper aux influences du modèle des danses contemporaines, et conserver les relations sensibles académiques du début du siècle.

Le “pratiquant culturé” a besoin du soutien musical pour créer une danse. Celle - ci garantit ainsi un aspect ludique et énergétique, en liaison avec des pratiques sociales. Cependant, cet aspect sensible mutile les autres registres, et coupe court à toutes les mobilisations du point de vue des émotions et de l’esthétique. Il n’implique pas non plus les esquisses d’images à partir des sensations éprouvées. La sensibilité est pauvre, et freine le dynamisme du modèle, tout comme sa porosité.