Les enseignants qui enseignent la danse et se disent non experts (E).

L’enseignant “B”

‘Il enseigne cette activité de manière volontariste, pour le complément qu’elle apporte dans la formation physique générale.’

“B” a 33 ans. Après une formation d’instituteur, il poursuit ses études à l’URSTAPS de 1985 à 1993. “B” est un joueur de hand-ball. Les sports collectifs sont le reflet d’une sociabilité à double face. D’une part la convivialité, le plaisir d’être ensemble, et le caractère ludique de l’engagement personnel. D’autre part l’affrontement et le désir de vaincre l’adversaire motivent les actions. (voir annexe 4 Partie III).

Il attribue à la danse au collège des valeurs sociales qui fondent tout acte de communication : expression de soi et acceptation du regard des autres.

A l’Ecole Normale, il pratique l’expression corporelle et en garde un souvenir très vague. A l’université, il découvre la création d’un enchaînement en musique, avec un groupe d’étudiants sympathiques, qui favorise l’aspect ludique et l’engagement individuel sans gêne. Une première expérience d’animation en danse lui montre la difficulté pour les élèves filles d’être corporellement à l’aise vis-à-vis de lui. Il en conclut que la danse met en scène la personne plus que tout autre activité physique.

“B” ne va pas au spectacle de danse alors qu’il assiste assez régulièrement à des spectacles de théâtre et à des évènements sportifs. Ses références culturelles en danse sont BEJART et DUPONT, des danseurs - chorégraphes néo - classiques.

“B” enseignant pense que la danse est une activité à part dans le cadre de l’éducation physique et sportive. Car il ne s’agit plus de parler de performance mais d’imaginaire, d’émotions et de sensations, incontournables dans les activités d’expression. La tolérance du regard des autres doit aider chaque élève à surmonter son mal-être corporel, la honte de se montrer tel qu’il est. Car la danse scolaire n’a pas pour objectif de révéler des prouesses physiques, mais bien d’apprendre à faire don de sa personne dans une recherche de communication.

L’expression est la finalité première. Elle implique l’engagement personnel, grâce à la mise en mouvement du corps dont on ne peut pas anticiper les réponses motrices. La sensibilité met en jeu les images et les émotions, tout comme les sensations. Il ressent le besoin de connaissances de la danse, dont il mesure les manques, pour mieux aider, nourrir, les élèves dans leur création.

La démarche pédagogique doit mettre les élèves en sécurité d’expression, et il se sent obligé de donner aussi de sa personne, en même temps que ses élèves, dans une activité physique dont il dit ne pas contrôler tous les aspects.

‘« B » est un modèle de « pratiquant culturé » singulier.’

Le modèle de”pratiquant culturé” fait apparaître un graphique dont l’équilibre sur le plan de la répartition quantitative du discours est évident. Nous repérons une légère dominante accordée à la motricité. Les catégories (sur le graphique, elles sont représentées par les séries) sont variées et présentes dans tous les éléments. La catégorie un (couleur rouge) est importante et laisse entrevoir une approche culturelle plus universelle du mouvement expressif et de la communication dansée.

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Graphique 21 : Modèle BR. E. Valeurs : regard des autres.

La motricité est évoquée à partir des termes génériques et des coordinations d’actions qu’elle suscite.

La sensibilité exprime des états émotionnels et révèle l’importance des sensations mobilisées. “B” est musicien, et il s’appuie sur ce registre pour ouvrir l’imaginaire.

La sociabilité privilégie la personne dans son identité propre face au groupe. La construction de l’ensemble par les danseurs, est l’élément qui structure la sociabilité spécifique, et de ce fait la catégorie quatre est représentée.

L’intelligibilité favorise les intentions d’actions et les processus à mettre en oeuvre. Elle articule bien les autres éléments. Le modèle est donc équilibré et discursif. Il ne renvoie pas à une activité dansante précise mais davantage à une activité d’expression de soi à travers le langage corporel. (voir annexe 4 Partie III).

La danse que “B” promeut, est une activité de communication qui implique la personne sous le regard des autres. Pour cela, il faut dépasser les sensations de mal-être, et l’enseignant doit être le garant de l’investissement personnel. Ce qui n’est pas toujours facile à promouvoir, notamment pour les filles si l’enseignant est un homme.

Le modèle articule de façon cohérente, l‘intelligibilité, la sensibilité et la sociabilité avec le sens donnée à la danse. Les valeurs incitent à la communication et au regard des autres en même temps que l’expression de la personne.

Cependant, l’idée de communication entraîne forcément l’élaboration de codes de lecture. Mais “B” n’y fait jamais allusion, ce qui perturbe la dynamique du modèle avec une intelligibilité défaillante dans les catégories deux, trois et quatre.

La motricité reste pauvre en savoirs d’action et ne permet pas d’envisager des actions motrices claires que la communication dansée oblige. Nous observons la problématique d’une activité qui incite fortement à l’expression, à la charge affective personnelle devant les autres, et qui exige dans le même temps la réussite de la communication.

Le modèle reste cependant harmonieux dans sa cohésion interne, et reflète les quatre pôles.

La non expertise déclarée par l’enseignant et ses manques de formation s’expriment par l’absence des catégories trois et quatre dans l’élément motricité, de la catégorie quatre de la sensibilité et de celles déjà observées de l’intelligibilité. La dynamique culturelle du modèle est donc réduite et repose sur le volontarisme et sur l’attachement aux enjeux éducatifs. L’enseignant ne peut s’appuyer sur les références culturelles qui sont inexistantes et inopérantes. Les chorégraphes et danseurs cités renvoient à des techniques de mouvements classiques qui utilisent un corps déchargé d’affectivité, très éloigné des images des adolescents. Ces références culturelles soulignent le goût pour un corps maîtrisé et virtuose. Mais elles ne peuvent pas aider l’enseignant dans la démarche de création et d’expression qu’il a choisie.