Le groupe des enseignants E+

‘Le groupe est homogène si nous considérons le plaisir et la passion pour la danse.’

Nous pouvons identifier cinq points de convergences à travers les différents modèles étudiés. (voir annexe 9 Partie III)

Danser, une activité diversifiée qui procure du plaisir.

Les enseignants experts fréquentent tous régulièrement les oeuvres d’artistes ou les artistes eux-mêmes. Ils prennent encore tous, plus ou moins régulièrement, des cours de danse. Ils ont participé à la création d’un spectacle (sauf un).

Ils ont tous goûté le plaisir de la danse, celui du mouvement, ou celui de la connaissance de soi et la sensation éprouvée du bien-être.

Ils connaissent tous un ensemble de techniques corporelles et de styles de danse dans lesquels ils se reconnaissent. Nous relevons qu’ils préfèrent offrir le plaisir de la danse à ceux qui le désirent, plutôt que de forcer les apprentissages dans le cadre de l’enseignement obligatoire. C’est une des raisons qui les motive à faire de la danse à l’UNSS, avec des élèves volontaires.

Les modèles révèlent une répartition entre toutes les catégories dans chaque élément. Si l’un de ceux-ci est défaillant dans les discours, il rend compte tout de même de trois catégories au moins, ce qui témoigne d’une approche ouverte et diversifiée de la pratique dansée.

Danser c’est créer une gestuelle originale.

La motricité est largement évoquée et organise tous les modèles. Toutes les catégories sont présentes, excepté pour un modèle qui évacue tout ce qui relève des coordinations motrices au profit des combinatoires possibles du mouvement, et un autre qui parle essentiellement de techniques (catégorie quatre). Il semble assez clair que la motricité dansante, même si elle réfère à des techniques, ne s’identifie pas à elles.

Observons le graphique qui rend compte de l’élément motricité pour les six enseignants interrogés (co, be, mf, ni, ca, ka)

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Graphique 27 : Motricité E+

Trois modèles font apparaître les composantes du mouvement comme support de l’acte dansant. Ce sont les trois enseignants dont les formations datent des années 1986 à 1989. Leur utilisation permet d’élaborer une gestuelle dansée originale à chaque danseur et s’inspire ainsi des pratiques de la danse contemporaine. Un modèle reste plus évasif et fait référence à des emprunts possibles dans différentes techniques (mf).

Danser permet d’élargir sa sensibilité.

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Graphique 28 : Sensibilité E+

Un seul modèle (Ni) présente une faiblesse importante de l’élément sensibilité. Et malgré tout, comme les autres modèles E+, nous observons l’existence de trois catégories sur quatre, ce qui témoigne d’une mise en oeuvre des émotionns et de l’imaginaire. La catégorie un (rouge sur le graphique), est présente dans tous les modèles. La correspondance musique/mouvement reste dominante mais s’accompagne d’une activité perceptive visuelle importante, ainsi qu’une mise en jeu intersensorielle.

Les images, ainsi que les références esthétiques sont mentionnées. Nous observons aussi la présence pour cinq modèles sur six, de la catégorie deux, celle qui renvoie aux émotions.

Danser, pour rencontrer les autres par le biais d’un spectacle.

La sociabilité qui est suggérée repose sur un engagement de chacun dans la création et l’activité de représentation. La danse est un échange, voir même un partage. La présence de la catégorie quatre, dans quatre modèles sur six, montre l’importance des relations d’accord à trouver, et de rencontre à établir, en rapport avec des rôles particuliers et des espaces à investir au moment de la représentation. L’échange ne se construit que dans la relation instituée, spectacle, danseurs/spectateurs. Les enseignants font souvent référence aux conditions qui régissent les échanges dans les pratiques artistiques. Les trois modèles dont les formations se sont déroulées après 1985 sont ouverts aux cinq catégories.

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Graphique 29 : Sociabilité E+.

Le but de la danse est pour tous la création, la communication : il s’agit d’impressionner celui qui regarde, de lui communiquer un sens et ou une émotion.

Aller voir de la danse : des occasions à ne pas manquer !

Les références culturelles citées sont peu diversifiées, et n’offre qu’un petit éventail de la diversité chorégraphique contemporaine. Cependant, tous fréquentent régulièrement la maison de la danse de Lyon ou les théâtres. Ils montrent pour trois d’entre eux, un certain goût pour le néo-classique (BEJART). Ce chorégraphe nous l’avons déjà dit, joue avec la perfection technique académique, qui possède des analogies avec les corps des gymnastes. BEJART incarne la tradition de la danse, tout en traitant de sujets contemporains. Ces références à BEJART nourrissent un idéal de corps qui appartient à l’éducation physique et au sport en général. Il s’accompagne de plus d’un élan vers les expressions de groupe, une expression d’une humanité en harmonie et en accord, qui ne peut que renforcer les idéaux de formation à l’école.

Trois autres enseignants citent DECOUFFLE. Lui aussi a fait preuve de populisme dans son expression. Il offre des images, des couleurs, de l’humour, du plaisir de corps en mouvements, des acrobaties, qui confortent les sensibilités des enseignants d’EPS. L’expression n’est qu’un jeu, la danse est un plaisir des yeux. Elle rassemble les hommes tout en laissant libres les individualités. Les enseignants doivent là encore saisir dans leur imaginaire toute la symbolique qui allie le spectacle à une forme humaniste.

Maguy MARIN est citée deux fois. Ses tendances théâtrales, son approche sensible de la musique, ses thèmes un peu provocateurs, offrent un imaginaire élargi. Nous pouvons constater que ces trois chorégraphes sont mondialement connus. Leur renommée dépasse largement le public d’experts en danse.

‘Les modèles font apparaître aussi des singularités dues aux différentes époques de formation et à la recherche du plaisir.’

Nous constatons une évolution des modèles, en fonction de l’âge, dans l’approche de la problématique qui oppose technique corporelle et expression. Les enseignants plus âgés font tous référence à une transformation de leur pratique et de leur perception de la danse. Ils sont tous passés, avec plus ou moins de douleur, d’une approche formelle extérieure et techniciste du mouvement, à celle plus intériorisée du mouvement ressenti et expressif. Les enseignants plus jeunes semblent privilégier la catégorie trois de la motricité, révélatrice de la mise en jeu des composantes du mouvement de LABAN, solution opérationnelle qui incite à la fois aux maîtrises corporelles et à la créativité, grâce aux combinaisons multiples entre espace-temps-énergie.

Si les valeurs sont dans l’ensemble communes, les éléments organisateurs des différents modèles varient, comme les catégories qui les structurent.

Dans le modèle hédoniste, modèle de MF, la sensibilité et la sociabilité articulent l’intelligibilité et la motricité et engagent le pratiquant dans une recherche d’accord et de ressenti en même temps que de bien-être. Les connaissances (catégorie 2 de l’intelligibilité) et la maîtrise du mouvement par des techniques gestuelles (catégorie 4 de la motricité) augmentent le plaisir éprouvé.

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Graphique 30 : MF.E+. Valeurs : bien être, se connaître.

Pour les cinq autres modèles, communiquer en danse par le spectacle semble évident. Cependant ils ne construisent pas de la même façon leur cohérence et les articulations entre les pôles.

Le modèle “K” donne la priorité à la motricité, seul gage du donné à voir.

Le modèle NI est structuré par l’intelligibilité qui met en avant les intentions et les processus de création qui accordent de l’importance à une sociabilité diversifiée.

Le modèle CO articule trois pôles en prenant peu en compte la sociabilité.

Enfin le modèle B articule l’intelligibilité et la motricité en oubliant la sociabilité. (voir annexe 8 Partie II)

L’intelligibilité aussi, est un élément qui exprime une variété d’approches du sens et de ce qui structure les actions.

Le premier enseignant s’appuie sur la création collective à partir de thèmes. Le second est concerné par l’approche de l’individu très particulière que permet la pratique artistique. Le troisième ne perçoit et ne comprend la danse que par l’originalité du rapport aux choses et au monde. Le quatrième s’attache à l’expression et la communication qui développent l’esprit critique. Le cinquième et le sixième fixent l’intentionnalité des danseurs dans un registre de communication qui met en avant l’impression d’autrui, la capacité à émouvoir le spectateur.

Le graphique de l’intelligibilité témoigne des approches diversifiées. Il montre aussi que les deux plus jeunes enseignants (CA, et KA) font davantage appel à l’imaginaire et s’appuient peu sur les connaissances (en bleu) et la pensée rationnelle (en jaune).

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Graphique 31 : Intelligibilité E+.

Les démarches pédagogiques varient : certains enseignants développent une démarche de création qui part des élèves, de leurs intérêts, de ce qu’ils savent déjà faire. Pour d’autres, ils s’appuient soit sur un travail interdisciplinaire qui sollicite déjà l’imaginaire, soit sur un travail d’enchaînements qui concrétise l’apport personnel de l’enseignant.

‘Les modèles des enseignants s’insèrent avec cohérence dans les nouveaux programmes depuis 1996. La référence à la pratique artistique est forte.’

Tous les enseignants sauf un définissent la danse par la production d’un spectacle. Ils sont donc en conformité avec les modèles de 1996-97 qui invitent à la création de projets expressifs et au spectacle.

Ils ont tous vécu des styles de danse différents, vu des spectacles variés, mais aucun ne fait référence, dans le cadre de son enseignement, à une technique particulière. Ils préfèrent jouer avec les composantes du mouvement, et laissent ainsi entendre que leur référence reste la danse contemporaine, la danse expressive. Deux enseignants utilisent le vocabulaire gestuel, comme le décrit le modèle de 1985. Les autres reflètent le modèle de danse contemporaine de 1996-97.

Le ressenti et la sollicitation de l’imaginaire pour créer, évoquent le modèle de 1967 pour deux d’entre eux. Les autres ouvrent plus largement les qualités perceptives aux trois sens (kinesthésiques, visuels, et auditifs), et aux émotions qui s’intégrent ainsi dans le registre artistique.

L’implication personnelle dans le cadre d’une communication artistique contrôlée, fait référence aux modèles de 1996-97. La connaissance de l’individu et l’épanouissement de soi renvoient pour trois enseignants, soit la moitié, au modèle de 1967.

La démarche de création et le guidage des élèves s’élabore à partir de ce qu’ils savent faire. La perspective de progrès est un souci important et s’appuie sur les modèles de 1985 et 1996.

Les enseignants experts sont tous porteurs du modèle de 1996, avec certaines réminiscences de celui de 1967 concernant l’expression de soi. Ces derniers démontrent que la pratique artistique de la danse favorise un certain rapport au monde, qui s’intègre dans le développement de la personne, voire même du citoyen.

‘Les mots récurrents des enseignants E+ révèlent une connaissance de la ^pratique artistique.’

Les enseignants experts parlent à la fois de technique et de gestuelle, offrant ainsi au discours l’ouverture souhaitée d’une pratique de danse qui refuse le technicisme, mais dont le corps porte les stigmates. L’inspiration de la danse contemporaine et des traitements didactiques depuis 1988 sont présents. Les termes espace, énergie, corps, vocabulaire, font partie du jargon des experts lorsqu’il évoquent la motricité. (voir annexe 9 Partie III)

La musique reste le point d’ancrage de la sensibilité. L’imaginaire et l’esthétisme des formes élargissent le registre sensible, dans une approche assez académique de la communication dansée. Nous retrouvons la conformité, avec les modèles des programmes de 1996-97, incitant au spectacle et aux maîtrises des productions dansées.

La danse scolaire est d’abord une création qui est regardée et appréciée. Celle-ci s’élabore à partir de thèmes, qui favorisent à la fois les inventions motrices et les images, et la cohérence de la danse.

Les démarches pédagogiques évoquées dans les discours (17 %) tentent de répondre au problème de la création et de la présentation des danses. L’entrée des élèves dans l’activité semble être un moment décisif pour l’investissement ultérieur. L’organisation pédagogique comporte donc des entrées diversifiées s’appuyant sur les intérêts des élèves. L’engagement corporel des enseignants semble incontournable, mais non problématique. L’organisation pédagogique qui sous-tend les apprentissages à réaliser s’exprime dans un nombre important des interventions. (voir annexe 9 Partie III).