LES ÉLÈVES DE SIXIÈME ET LEUR ENSEIGNANTE EN AMONT DES APPRENTISSAGES.
Un ensemble de “pratiquants culturés” hétérogène.

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Les élèves de 6ème 2

‘La connaissance, pour l’enseignant des habitudes culturelles des élèves, permet d’appréhender leur devenir immédiat, celui de futurs danseurs scolaires.’

Le questionnaire proposé au début du cycle d’enseignement (voir annexe 1 Partie IV), cherche à connaître les habitudes culturelles concernant les spectacles de danse, de musique, de théâtre. Le cinéma, les arts plastiques et le sport sont aussi interrogés.

La connaissance qu’ils ont de cette activité doit s’exprimer à travers une pratique réelle et leurs envies ou non d’aller voir un spectacle de danse.

Les valeurs qu’ils accordent à la danse sont questionnées par une hiérarchisation possible des réponses en fonction de propositions. Celles-ci se répartissent selon des approches qui expriment des sensibilités différentes, et des intelligibilités qui rendent compte, soit d’une pensée plus imagée soit d’une pensée plus rationnelle.

Enfin, une question fait référence au rapport affectif immédiat qui s’exprime dans la perspective de danser en EPS au collège.

‘La classe est homogène lorsque nous mesurons la place de la danse dans leur vie quotidienne’

78 % des élèves disent n’avoir jamais vu de spectacles de danse,

75 % n’ont jamais pratiqué la danse.

Cette absence de rapport culturel artistique direct ne semble pas cependant reposer sur une volonté de leur part, car 57 % d’entre eux aimeraient assister à des spectacles de danse ; 14 % disent tout de même qu’ils n’ont pas envie de voir de la danse et qu’ils trouvent cela ennuyeux.

Six élèves témoignent d’un rapport à la danse différent. Ils vont au spectacle et pratique de la danse.

La classe est aussi relativement uniforme dans la fréquentation des lieux culturels (théâtre, cinéma, matchs sportifs, musique, musées ...). Nous retenons que les élèves, en un an, vont trois ou quatre fois au cinéma, deux ou trois fois voir des matchs sportifs, une fois au musée. Ce qui dénote un manque d’habitudes concernant les sorties culturelles.

Le diagramme ci-dessous, fait apparaître que les arts vivants sont les moins connus. Les élèves préfèrent le cinéma, ils sont avant tout marqués par l’image, que ce soit celle de la télévision ou celles du grand écran. Le contact direct, de corps à corps, dans l’échange culturel, ne fait pas partie de leur monde.

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Graphique 38 : Habitudes.

Les élèves disent, dans une grande majorité, préférer la danse moderne. Celle-ci ne semble pas être une référence de danse particulière, mais plutôt désigner leur goût pour ce qui est actuel.

Huit élèves disent apprécier le classique et le jazz,

Sept autres mentionnent le rap, cinq la danse, et trois le rock et le folklore.

La classe peut être divisée en deux groupes. Le premier est celui des élèves qui sont satisfaits de faire de la danse dans le cadre de l’EPS (57%).

Le second est constitué de sept élèves qui n’ont aucune envie de participer à un cycle de danse, et six sont déçus ou inquiets.

Treize élèves donc sur vingt huit, soit pratiquement la moitié de la classe, vont accaparer l’attention de l’enseignante et la mobiliser dans une recherche de situations motivantes et intéressantes.

‘Les valeurs attribuées à la danse témoignent aussi d’une certaine homogénéité : danser fait référence à une musique.’

Les résultats montrent encore une classe assez homogène qui définit la danse à travers son rapport à la musique (64,2 % des réponses).

L’expression et la poétique obtiennent chacun huit réponses positives (28,5%).

La grâce et la beauté : sept réponses, soit 25 %.

A la question : “si tu vas voir un spectacle de danse, qu’est-ce qui est important ?” , voir de beaux mouvements l’emporte (67,8%) sur comprendre l’histoire (39,2%).

Le spectacle de danse est assimilé à un plaisir. La recherche d’agréables moments est valorisée par dix-sept élèves, soit 60% d’entre eux, qui espèrent apprendre quelque chose en allant au spectacle (57%).

Les élèves ont une image normalisée de la danse. Celle qui est développée dans notre société. La danse signifie bouger sur la musique, donner à voir des mouvements en rapport avec l’esthétique d’un “beau”, qu’il faudrait pouvoir définir. Leur goût pour les danses modernes semble indiquer le désir d’être en phase avec leur temps, aussi bien dans le rapport à la musique que dans celui du geste et du corps.

La danse permet d’offrir un spectacle agréable dont la curiosité reste un élément important. Treize élèves cependant semblent peu motivés et expriment une inquiétude à participer à un cycle de danse.

Nous sommes tentés d’extrapoler, au delà du résultat de cette enquête, sur la nature des observations que les élèves vont être amenés à porter sur les danses qu’ils vont voir ou expérimenter. Nous pouvons faire l’hypothèse, en se référant aux travaux de Jean Michel GUY, que les élèves apprécient la danse comme intimement liée à la musique, et qu’ainsi leur discours peuvent être qualifié de “thymique” 163 : “‘le terme qui revient le plus souvent dans le discours thymique est “bouger” : le public doit bouger, la danse doit donner envie de bouger et de faire bouger’” . Un autre aspect peut être révélé. Celui de la recherche de beaux mouvements. Nous pourrions ainsi attendre des élèves une recherche de beauté dans la danse qui s’exprimerait dans un discours que l’auteur précédemment cité appelle de “formaliste”. “‘Le formaliste a une prédilection pour la pureté du mouvement et le dessin de la danse’ “164.

Ces deux types de discours, nous avons préféré les traduire dans notre grille d’analyse. Ils rendent en effet compte d’un degré d’acculturation. Dans notre modèle de “pratiquant culturé”, bouger renvoie à l’élément motricité, et la reproduction du rythme ainsi que la beauté, à celui de la sensibilité.

Nous devons aussi prendre en compte ces représentations d’élèves comme autant de modèles culturels déjà formés, et lire leurs réponses à travers notre filtre d’analyse.

‘Les élèves expriment des attentes en faveur de la sensibilité et de l’intelligibilité et donnent une première image homogène de « pratiquant culturé ».’

Le questionnaire ne permet pas aux élèves de s’exprimer sur un type de sociabilité, ni sur la motricité. Il nous renseigne surtout sur la sensibilité et l’intelligibilité qui s’expriment dans une appréhension distanciée de la danse (voir annexe 1). Nous observons que trois catégories sur quatre du modèle sont présentes dans l’élément sensibilité. Le rapport à la musique et aux rythmes laissent entendre une mise en accord des perceptions auditives et kinesthésiques (catégories un). Les notions d’esthétique à travers le registre du beau obtiennent un grand nombre de réponses (catégorie quatre). L’aspect émotionnel, le plaisir semblent être recherchés (catégorie deux). Cependant, pour cette classe, danser n’est pas communiquer une émotion.

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Graphique 39 : sensibilité

L’intelligibilité des danses, s’exprime ainsi : le besoin d’apprendre (connaissance de la danse) est important, c’est la catégorie deux. Les catégories trois et quatre se partagent les réponses ayant trait soit à la compréhension rationnelle, soit à celle plus imagée et poétique.

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Graphique 40 : intelligibilité

Le modèle synthétique des élèves rend compte d’une cohérence assez grande : danser, c’est produire des mouvements en musique. Ces mouvements doivent être beaux et agréables à regarder, avec une certaine logique dans la danse, qui permet l’appréciation positive et la perspective d’apprendre quelque chose. Danser permet donc aussi de sortir du quotidien.

Cette première analyse du questionnaire nous a permis d’envisager la classe comme un ensemble, qui par addition de ses individus, donne une certaine approche globale de la danse.

Pourtant, si nous considérons avec Marcel POSTIC que “les facteurs socio-économiques et culturels qui influencent les sujets du groupe, conditionnent la nature des inter-actions, en quantité et en qualité” 165, il est nécessaire de prendre en compte cette réalité des interactions dans le groupe classe, qui tend à percevoir les individualités, les différences, comme autant d’influences possibles.

‘La classe peut être envisagée non pas avec des dominantes, mais avec ses particularités.’

Le classement des élèves se fait alors en tenant compte des autres réponses, en dehors de la musique et du rythme. Restent, dans cette catégorie, uniquement ceux qui n’ ont choisi de répondre qu’à ces items. Nous avons une autre lecture de la classe :

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Graphique 41 : La classe

Le groupe des” esthétique” est satisfait de faire de la danse

Le groupe des “poétique” se répartit entre deux déçus et trois satisfaits de pratiquer la danse.

Le groupe de “musique” comprend trois satisfaits et deux qui n’ont pas envie du tout.

Le groupe “expression” est composé uniquement de satisfaits (sauf un), ils ont tous assisté à un spectacle de danse.

Le groupe “émotion” se partage en deux satisfaits, et deux déçus, et “pas envie du tout”.

Le dernier groupe qui ne définit pas très bien la danse, est plutôt déçu, inquiet. Il n’a pas envie du tout de pratiquer la danse.

Il semble que les deux groupes “esthétique” et “expression” soient des points d’appui possible pour l’enseignante, bien que leurs attendus laissent supposer des contradictions. Celles-ci ont jalonné l’histoire de la danse. Les courants de danse moderne ont cherché dans la première moitié du siècle à opposer à l’esthétique classique du beau, une autre esthétique fondée sur l’authenticité de l’expréssivité et sur les sensations. L’enseignante doit donc faire preuve d’ouverture, si elle veut conserver la motivation et impliquer tous les élèves de ces deux groupes.

L’ensemble qui s’exprime est assez hétérogène. Nous savons que les groupes d’élèves sont en perpétuel mouvement concernant les valeurs. Les influences exercées par les membres du groupe, comme celle de l’enseignante, sont déterminantes. Nous devons analyser l’enseignante à travers notre modèle, sa situation pédagogique de référence pour mesurer les transformations qu’il attend de ce premier rapport au savoir mis à jour.

Notes
163.

GUY. (J). “Les publics en danse “. La documentation française. Paris.1991. 332 p.

164.

GUY. (JM).op cit. 342 p.

165.

POSTIC. (M). “La relation éducative”. Puf. Paris. 1994.131p.