Les premières situations pédagogiques.

‘Elles sont les signes d’une culture en construction, les signes des premières rencontres et échanges maîtr/élèves élaborés dans une pratique commune.’

Les deux premières séances doivent être mis en parallèle avec l’analyse des descriptions des élèves lors de la situation de référence (SR1). L’enseignante, par sa manière de mettre en activité les élèves, leur offre déjà un échange possible entre les modèles culturels en présence.

Les contenus d’enseignement des deux première séances, à l’exception de la mise en place de la situation de référence, sont d’abord analysés (voir annexe 4 Partie IV).

Le souci premier de l’enseignante est de mettre les élèves en activité, c’est à dire en mouvement. Elle affiche cette intention comme objectif premier. Pour cela, elle propose des débuts de création de danse à partir de verbes d’action, qui suscitent à la fois des déplacements et des organisations posturales. Ces verbes sont à la fois connus et maîtrisables corporellement par l’ensemble des élèves. Ils obligent aux actions motrices qui déséquilibrent l’attitude quotidienne verticale.

Ces embryons de danse sont structurés, et les contraintes de l’enseignante, en ce qui concerne l’espace, sont importantes laissant entendre qu’une danse est d’abord une organisation des espaces : trajets, points de rencontre entre les élèves-danseurs, déplacements orientés et en relation avec un partenaire.

Dés les premières situations, l’enseignante questionne sur les intentions, sur la capacité à surprendre par l’originalité des réponses. L’exploration et l’échange sont largement sollicités dans les critères de réussite qui positionnent très rapidement les relations de partenariat, de danseur et de spectateur.

Si nous analysons les situations pédagogiques écrites par l’enseignante, avant la mise en place de la situation de référence, nous obtenons le graphique suivant :

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Graphique 44 : séance 1+2

Le modèle culturel qui s’expose, s’organise autour de la motricité, pôle dominant.

La sensibilité est faible en ce qui concerne les discours. Cependant, nous savons que l’enseignante se met en mouvement avec ses élèves et induit une relation directe qui passe par le rythme, l’énergie, le regard, autant de sensations qui relèvent de la sensibilité. Ce modèle s’accorde bien avec les valeurs annoncées dans ces premières séances : oser se mettre en mouvement avec les autres.

L’analyse des catégories montrent que la motricité mise en jeu est avant tout, une motricité téléocinétique (catégorie 2, en bleu sur le graphique), c’est-à-dire celle qui sollicite les actions motrices, les coordinations d’actions pour une intention extérieure à soi.

La sensibilité mise en jeu repose sur la recherche de concordance musique/mouvement et sur des images.

L’intelligibilité des danses s’appuie sur la compréhension des buts de l’action, ainsi que sur un début d’appropriation d’éléments de connaissance concernant la danse. La sociabilité spécifique à la danse dans les différents rôles à tenir est mise en jeu, ainsi que l’implication personnelle devant les autres.

Nous observons donc une modification complète dans l’équilibre du modèle, qui s’est rapproché de celui des élèves, en s’appuyant essentiellement sur la motricité qui implique le corps dans un jeu de mouvements, sans autre prétention d’intelligibilité que connaître des enchaînement de verbes d’action.

‘Les échanges culturels s’affinent grâce aux échanges verbaux et écrits qui traduisent les perceptions des danses de la « SRI »’

Nous rappelons que les élèves présentent à tour de rôle leur danse à la classe, et qu’ils apprécient cette première création (voir annexe 5 Partie IV). Ils décrivent le moment qui leur a plu et donnent un titre à la danse. Nous étudions les réponses de deux groupes non mixtes, et de trois élèves en difficulté scolaire.

Le groupe des filles, dans ses réponses, ressemble à celui des garçons. Ils rendent tous compte des actions motrices exécutées par les élèves danseurs. Ils révèlent souvent des agissements à plusieurs, utilisant les partenaires : “‘ils se montent dessus, ils se croisent, ils passent dessous..’.”. Les verbes qu’ils utilisent sont aussi une reprise des verbes d’action mis en place par l’enseignante.

Les titres donnés aux danses sont souvent en rapport avec le cirque. Ils restent évasifs et ne permettent pas une intelligibilité fine des danses. Les spectateurs ne repèrent d’ailleurs pas le sens des danses.

Nous constatons aussi qu’un tiers des descriptions (27%) utilise un langage plus imagé en relevant ce qui fait sens : “‘la pyramide, les singes, les automates...”’

Deux élèves du groupe dit “en difficulté scolaire” font preuve d’une appréciation très différente. Le premier, au lieu de décrire ce qu’il garde en mémoire de la danse, exprime une valeur : “‘pas d’accord ... danse d’autrefois ...”’

La seconde décrit des actions et donne son appréciation : ‘“ la pyramide est bien ... il font ce qu’ils veulent ...’”

L’enseignante note d’ailleurs sur leur fiche qu’ils n’ont pas compris la tâche. Elle recherche à faire lire la danse à travers le mouvement ou les images données à voir. La lisibilité des actions et des relations dans l’espace lui semble primordiale. Elle n’a que faire des sentiments.

Les descriptions des élèves nous indiquent une lecture de l’activité physique qui repose sur les mouvements en relation avec des partenaires. Mouvements qui sont identifiés par les regards des spectateurs, regards avertis par une mise en commun et une expérimentation préalable.

La notion d’images à retenir fonctionne ponctuellement. Nous assistons à une distorsion entre les contraintes de la situation de référence et les perceptions des élèves.

Qu’est-ce-qui surprend les élèves ? Des actions plutôt acrobatiques, ou celles qui utilisent les partenaires dans des rapports physiques non ordinaires : “‘Ils se montent dessus”, “ils passent sous les jambes”, “ils font la brouette”, “elles tombent” “elles se couchent au sol’”. Ces actions communes entre danseurs, sont retenues et décrites de manière distanciée. Elles révèlent des relations humaines qui transgressent les rapports humains ordinairement admis à l’école, ou dans le quotidien en général.

Les élèves décrivent souvent la même image. Les uns disent “ils se montent dessus”, les autres parlent de “la pyramide”. Ces derniers s’attachent à rendre compte d’un imaginaire organisé en symboles identifiés. Les précédents peuvent être analysés de deux façons. Leur lecture se veut logique et analytique, et précisent ainsi les actions reconnues qui ont été travaillées avec l’enseignante. Nous pouvons aussi interpréter cette façon de décrire comme une valorisation des relations entre les personnes : relations produisant des formes, ou relations donnant à voir de l’interdit ?

Nous remarquons que les images décrites témoignent d’une perception des actions et, pour certains d’entre eux, d’une mise en route de l’imaginaire. Les danseurs ne sont pas décrits en fonction du rôle qu’ils se sont attribués, mais comme des copains de classe.

Nous pouvons établir un graphique qui nous permet une visualisation rapide qui favorise une comparaison des différents modèles.

Nous constatons une grande importance accordée à la motricité et à la socialisation dans la perception des danses. Tous les modèles se ressemblent sauf un : celui de Jérémie, qui n’est construit que sur l’intelligibilité, alors que cet élément est défaillant pour tous les autres.

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Graphique 45 : SR1

La comparaison entre les descriptions des images retenues de la danse et les situations pédagogiques vécues, montre que les élèves répondent aux exigences de l’enseignante. Les élèves semblent “sous influence”. Leur travail corporel s’exprime dans leur danse et il est perçu par les spectateurs. Ils répondent aux contraintes de la situation de référence, instaure des relations de partenariat et des relations de spectateurs. Ils mettent en jeu une certaine intelligibilité des danses, en rapport avec le thème de l’enseignante. Ils sont entrés dans la lecture différenciée d’actions motrices (signes) pour certains, et la symbolique (signifiant) pour d’autres.

L’analyse de la démarche pédagogique semble s’élaborer autour de situations qui s’emboîtent, allant d’une valorisation d’un élément du modèle culturel à l’articulation de l’ensemble du système. En effet, chaque séance se construit à partir d’une séquence qui met en jeu la motricité et qui sollicite l’exploration, l’invention dans les réponses. L’intelligibilité du mouvement repose plus sur la créativité que sur les maîtrises des intentions d’actions. Ensuite, l’enseignante propose un échange avec un partenaire qui passe par la construction d’un espace commun de relations. Enfin, la situation de création d’une petite danse a pour objectif de synthétiser les recherches précédentes. Elle est présentée à un petit groupe de spectateurs. Elle a pour but de valider ou non les apports culturels. C’est une situation de réinvestissement qui mobilise tous les éléments du modèle, et incite les élèves à leur combinaison originale. Les exigences de la tâche sollicitent la mise en jeu d’une motricité, en lien avec une sensibilité, une sociabilité et une intelligibilité, qui trouvent une cohérence dans un jeu de contraintes de la part de l’enseignante, et dans un choix toujours possible d’articulations nouvelles.

Nous remarquons cependant que cette articulation n’est pas encore traduite dans la perception des danses, ni même dans les danses qui privilégient la motricité en relation avec les partenaires.

Certains élèves s’appuient sur l’activité acrobatique, d’autres sur l’illustration de rôles attachés au cirque. D’autres enfin sur les relations entre les danseurs.