CONCLUSION

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Filage.

‘“Marceline gambade. Elle se sent plus à l’aise ... La danseuse en profite pour repasser tous les changements intervenus depuis le début. Non pas une journée d’incertitudes, mais plutôt de rodage, de vérifications : tout un travail de mécanique au cours duquel il s’agit de s’assurer de la solidité des joints, des enchaînements, donc de l’ensemble ...” 178

Nécessaire retour ... Retour sur notre propos, nos interrogations ... Retrouver l’espace envahi ... Ciseler l’imaginaire et habiller la pensée ... Bousculer l’envie de contempler ... Affirmer une direction dont le simple tracé relie les hésitations et ce qui reste épars.

Regard de la distance sur notre modèle, objet et sujet d’expérimentation à la fois docile et mutin. Regard froid sur ses attraits dont le pare l’environnement. Regard pur sur ses vies multiples et colorées. Regard émerveillé sur son sens du pastiche.

L’enseignement de la danse nous a conduit à regarder, à être attentive au corps et aux formes, qu’il modèle en permanence. Cette capacité, à la fois inventive et empruntée est saisissante dés lors qu’elle s’exprime dans des situations dansées. Pas un être n’a la même réponse motrice. La posture, l’agencement des parties du corps, ses états, sont tous singuliers. Inconsciemment le corps crée sa danse dans sa manière de se déplacer, de prendre, de regarder les autres. Cette première motilité fondamentalement créatrice de la personne rend compte de la socialisation opérée. Elle est le matériau de la danse comme objet même de création. La pratique de l’art favorise ces dispositions personnelles, ces constructions identitaires, grâce à la communication de celles-ci par des oeuvres qui les exacerbent.

D’où notre interrogation pressante concernant l’enseignement de la danse au collège. Comment lire et encourager les pratiques de danse, sans réduire cette réalité paradoxale de tout sujet vivant, tiraillé entre la recherche de normalisation et sa différence immanente ?

Le modèle de “pratiquant culturé” est une construction qui demande à vivre. Nous avons donc accumulé des matériaux, objets de toute sorte, indispensable aux inventions individuelles. Tout comme nous le faisons avec nos élèves, nous avons mis à disposition une grande malle d’étoffes et d’accessoires, signes culturels identifiables et qui reflètent les différentes formes de la danse occidentale.

Les quatre jeux de parures, inévitables à la constitution de l’ossature du modèle, définissent l’ambition du donateur à envisager la complexité de l’activité humaine, qui assemble en permanence la motricité, la sensibilité, la sociabilité et l’intelligibilité.

La qualité des ornements et leur chatoiement sont les reflets opalescents des valeurs qui orientent et donnent du sens à la pratique de la danse.

Il est temps alors de “filer” le spectacle qui se déroule en trois tableaux :

  • Le premier est un voyage qui raconte l’histoire des agitations du modèle, ses métamorphoses durant le périple dans le temps, ses soumissions et ses révoltes manquées.

  • Le second ressemble à une galerie de peinture, où le modèle se pavane en portraits inédits, tantôt persifleurs, tantôt infirmes, tantôt sereins.

  • Le troisième est un jeu entre plusieurs modèles qui combinent allégrement, affrontement et complicité, modifiant ainsi leurs apparences premières pour provoquer l’imaginaire des spectateurs et les questionner sur leurs atours personnels.

Notes
178.

LARTIGUE (M). “Tabou”. in, Mémoire vivante. op cit. 19 p.