CONCLUSION.

Nous comprenons mieux, maintenant, le rappel à l’ordre des instructions de 1959. Elles tentent de contrôler l’invasion dans le cadre scolaire des pratiques nouvelles motivantes pour la jeunesse : la danse et le sport. Elles incitent à un retour sur les valeurs anciennes tout en laissant espérer des modifications profondes grâce aux expérimentations des enseignants.

Dans le domaine qui nous préoccupe, il semble qu’un glissement des valeurs s’opère concernant notamment la dimension esthétique. Tout comme dans la pratique sportive, “‘le sens de l’acte engendre la beauté plus que la forme du mouvement’”207. C’est une conception nouvelle du corps et du mouvement qui balaie les anciennes pratiques physiques éducatives. L’école ne l’admet pas encore même si le sport provoque l’engouement, et motive la jeunesse. La danse, pratique artistique, peut échapper au contrôle institutionnel du corps. Dans le cadre de l’école à cette époque,“seul le beau utile trouve droit de cité”208. D’où cette cohérence du modèle proposé, qui engendre un système dont les valeurs articulent l’ensemble des registres considérés avec beaucoup de cohésion. Malheureusement, ce modèle ne semble plus correspondre aux besoins d’une jeunesse et d’une société qui, dans la paix stabilisée, créent de nouvelles valeurs, de nouvelles façons de vivre en société et surtout de nouvelles façons d’utiliser le corps.

Les étudiantes, en formation dans le cadre de l’ENSEP, présentent déjà des prestations dansées au concours de recrutement des professeurs d’EP, et expriment ainsi les écarts entre l’institution scolaire et les pratiques sociales. “‘On peut mesurer le décalage dans le temps, entre des instructions officielles qui figent en une sorte de cartographie surannée les tendances d’une époque, et l’irrésistible poussée des courants novateurs dus à des pionnières enthousiastes et créatrices qui instaurent une nouvelle trilogie : corps - espace - temps et une nouvelle dynamique d’enseignement’” 209 . Les instructions officielles de 1967 vont tenter à leur manière de réduire ces écarts culturels.

En 1959, l’Ecole se démarque des pratiques dansées nouvelles. Elle incite à l’élaboration d’un modèle culturel scolaire qui s’appuie sur des valeurs toujours vivaces de la formation du corps : correction, et santé. Le modèle se réfère à celui des médecins : le corps de l’anatomie et de la physiologie, dont les connaissances scientifiques permettent le développement raisonné et harmonieux. Le modèle s’inscrit dans l’approche esthétique classique qui définit les canons de la beauté et de la féminité. Les individualités ne sont perçues que dans leur lien avec la norme de la collectivité. L’intelligibilité du modèle repose sur les résultats attendu, et sur la mise à distance du corps.

Le “pratiquant culturé” est un conservateur des traditions tant sur le plan des valeurs que sur les autres éléments. Le système interne du modèle est dynamique, mais peu poreux aux changements et aux nouveaux ingrédients culturels qui circulent grâce aux mélanges des populations pendant la guerre.

Ce modèle-ci, nous le portons en nous, comme premier stigmate d’une formation corporelle. La recherche de la santé, donc de la vie allongée, passe par la mise en mouvement du corps et par la maîtrise des postures. Elle s’accompagne aussi de la beauté formelle, et de la ressemblance aux autres, éléments forts d’intégration social

Notes
207.

ANDRIEU. Gilbert.“L’éducation physique au XXème siècle : une histoire des pratique”. Les Cahiers ACTIO.Paris. 1993. 32 p.

208.

ANDRIEU, op cit. 33 p.

209.

ROBINSON J. 1990. op cit. 301 p.