Les approches théoriques des praticiens de l’EPS.

Deux mouvements de pensée se dessinent dans les années 60 / 70 dont les supports scientifiques sont à la fois identiques et divers. Ils reprennent à leur compte les résultats de la psycho-génétique de PIAGET, concernant les stades de développement de l’enfant qui mettent en avant l’unicité psycho-motrice. Cependant pour les uns (LE BOULCH et PARLEBAS), le sujet, dans sa relation au monde, est le point de départ de leurs investigations. Le BOULCH propose une méthode d’éducation globale qui considère le corps comme unité et le mouvement comme une donnée immédiate, expression de la conduite. Ce médecin, directement influencé par les sciences humaines, élabore une éducation par le mouvement (psycho cinétique) qui implique l’individu totalement dans un rapport à soi nouveau, où la motricité est chargée de psychisme. PARLEBAS complète la méthode de LEBOULCH212 en insistant sur l’aspect social de la conduite. A une psychomotricité il convient d’adjoindre une socio motricité dont le but recherché est l’adaptabilité de la personne. “‘Adaptabilité à sa propre réalité évolutive personnelle, adaptabilité aux modifications du milieu, adaptabilité aux variations des situations sociales’”213 . PARLEBAS propose un nouveau “concept charnière” qui offre l’avantage d’unifier l’éducation physique à travers les différentes pratiques sportives, les conduites motrices. Celles-ci permettent deux façons de considérer la motricité, “comme un fait et comme un vécu”214 . Cet auteur s’exprime dans les Instructions de 67 assez largement. L’éducation de la conduite motrice est préconisée contribuant ainsi au développement de la personnalité sociale.

L’autre courant pédagogique conduit par MERAND, expérimenté lors des “stages M. BAQUET”, s’intéresse au sport comme phénomène culturel, porteur de socialisation spécifique. Il révèle des motricités particulières et permet aux enfants de développer des aptitudes motrices, non pas en soi, mais attachées à une culture. Les notions de progrès, de dépassement de soi et de maîtrise corporelle sont envisagées dans un souci d’adaptation originale avec le milieu et structurent les actions en donnant une orientation au développement moteur attendu. Chaque activité est finalisée, intentionnelle, empreinte d’humanité, dans ses rapports avec les autres et l’environnement.

Ces deux courants d’innovation pédagogique sont à la recherche d’une science du mouvement humain qui prend en compte les données des neuro sciences, de la sociologie et de la psychologie. Ils ont la volonté d’accroître les pouvoirs de l’enfant en établissant des liens étroits entre le corps et le psychisme, entre le corps et l’environnement humain et ou social.

Dans les instructions officielles de 1967, nous avons un compromis de ces 2 courants : L’idée forte de référence à des pratiques sociales, aide l’enfant à devenir l’homme de demain, et l’idée de développer une conduite motrice et des aptitudes psycho-motrices plus décontextualisées, seule garante d’une cohérence et d’une unité dans les modes d’interventions pédagogiques.

La lecture des revues EPS des années 67/68 donnent le ton : dans les numéros 86 à 91, de longs articles concernant l’éducation du mouvement par la psycho, socio-motricité, côtoient ceux de l’étude d’activités sportives. En effet, les travaux de LAPIERRE portant sur les rééducations corporelles, ceux de CHOULAT sur la relaxation, de GERDA ALEXANDER sur l’eutonie associés à ceux de LE BOULCH et PARLEBAS démontrent l’importance accordée à une perception nouvelle du corps. Les sciences humaines envahissent les pédagogies corporelles. Le contrôle du corps passe par une conscience, une construction de la sensibilité. Le corps est le lieu de l’inconscient, le siège de tensions qu’il convient de maîtriser et d’équilibrer. Parallèlement aux pratiques sportives qui valorisent la performance et la compétition, se développent, en opposition, des pratiques corporelles douces qui incitent à la construction personnelle de l’identité à partir d’un rapport à soi essayant d’échapper au contexte sportif fait de concurrence et de domination des autres. Des conceptions éducatives contradictoires s’expriment sur la place du corps, sur la place des filles et la volonté de leur offrir une éducation sportive analogue à celle des garçons. La mixité s’installe définitivement dans les lycées et collèges. Nous allons cependant observer que s’il n’existe aucune différenciation entre filles et garçons dans l’enseignement de l’éducation physique et sportive, une activité reste à conseiller pour les jeunes enfants et les filles : la danse.

Notes
212.

LE BOULCH. Jean. “Vers une science du mouvement humain”. ESF. Paris. 1971.

213.

PARLEBAS. Pierre. 19967. “L’éducation physique en miettes” in Revue EPS. n°88. 22 p.

214.

PARLEBAS op cit. 21 p.