CONCLUSION.

La danse scolaire subit les influences de la vie sociale et culturelle, et tente d’attribuer au corps les valeurs nouvelles d’expression d’une personne qui se concilient avec les valeurs éducatives considérant l’élève comme une personnalité en construction. Le modèle du “pratiquant culturé” est un modèle éclectique qui tente de prendre en compte les différences influences. Ce modèle s’intègre dans les pratiques de l’éducation physique qui sont très modélisées par les réponses motrices du pratiquant de haut niveau. La danse échappe ainsi à cette normalisation, parce que les pratiques de référence ne sont pas clairement identifiables et qu’elle permet aux enseignants de choisir, ou de mélanger les activités plus anciennes (la rythmique) avec les plus récentes (la danse contemporaine).

Les instructions officielles reflètent une réalité plutôt métissée, où des pratiques nouvelles viennent se superposer aux plus anciennes en offrant une activité à la marge des pratiques culturelles dont les valeurs éducatives l’emportent sur l’artistique : l’expression corporelle.

Les rapports à l’esthétique évoluent doucement concernant les corps. Chaque corps est différent, singulier dans ses capacités à mettre en jeu l’intersensorialité. L’esthétique des formes doit laisser la place à l’esthétique des sensations. Il semble difficile à cette époque d’imposer un modèle culturel cohérent, car les accords à trouver engagent trop dans la voie de l’innovation. La liberté est laissée à l’enseignant d’envisager différentes formes de pratiques et de techniques du corps. Conserver le rapport traditionnel entre la musique et le mouvement semble se fonder sur une approche universaliste de la danse, mais en même temps, la musique ordonne le mouvement, favorise les maîtrises émotionnelles et semble être un bon guide pour l’éducation du geste.

Les techniques de la danse moderne libèrent le mouvement de codes académiques et se réinventent d’autres repères. Elles s’accommodent bien d’une mise à l’épreuve des corps, en sport. Les finalités entre sport et danse, les ressources culturelles de chacune des pratiques font partie de domaines très distincts. Les danseurs voient d’un mauvais oeil arriver les “profs de gym” dans les stages de danse. Les adeptes des activités sportives ont du mal à intégrer la danse dont les enjeux sont différents, voire contradictoires. La technique sportive est précise, nécessite des entraînements spécifiques, dans des situations très codées. Les activités d’expression laissent toute liberté aux enseignants. Mais comment modifier les regards construits dans des apprentissages très codés comme la gymnastique, la rythmique ou les danses folkloriques ? Comment l’enseignant peut-il accepter de ne pas faire apprendre des techniques facilement lisibles et qui procurent la confiance du travail bien accompli ? Les pratiques sportives se posent le même problème, comment améliorer son saut ou sa course ? Il suffit d’apprendre une technique ! Les divergences dans les méthodes d’enseignement traduisent des divergences profondes de finalités éducatives et des moyens à mettre en oeuvre pour les atteindre. La transformation des perceptions concernant le corps ne s’opère pas sans résistance. Passer d’une conception du corps-machine au corps-”psy” émotionnel est une mutation sur lesquelles les enseignants d’EPS se querellent.

Nous avons participé activement à celles ci ! L’éducation physique et sportive devait favoriser l’aisance corporelle, l’expression des émotions, sans pour cela mettre à mal le paraître. Le collège devait permettre à la personne, à l’élève, de se construire des aptitudes à la communication et à la curiosité vis à vis de l’environnement, qui nous paraissaient être les seules garanties de la démocratie. Nous étions complètement immergée dans l’élaboration particulière d’une culture scolaire qui se voulait indépendante des pressions de la vie sociale. Et nous avons expérimenté personnellement et avec nos élèves les séances d’expression corporelle, où le seul fait de s’exprimer remportait l’adhésion du groupe. Nous avons appris à lire les différences plutôt que les conformités. Nous avons rejeté le beau et le juste pour créer de nouvelles conventions esthétiques. Nous avons sollicité les imaginaires et réinventer d’autres rapports sociaux. Nous espérions être un supplément d’âme aux pratiques physiques et plus largement aux enseignements traditionnels.