Comparaison des deux types de danse.

Nous pouvons nous interroger. Qu’est-ce qui rassemble ces deux activités dansées dans un même groupe ? Comment le modèle des APA intègre ou non ces deux modèles-ci ?

Chacune de ces formes de danse correspond à des expressions culturelles différentes et participent à une perception symbolique du monde très hétérogène. L’individu n’engage pas son imaginaire, son corps (caisse de résonance symbolique) de la même façon, dans la pratique de danses traditionnelles que dans celle de la danse contemporaine. L’identification des deux modèles démontre que les valeurs, ce qui donne du sens au système et aux pratiques, sont très différents. Un aspect les rassemble : l’importance accordée à la motricité et notamment à la catégorie 3 de l’élément. Nous notons cependant une articulation avec les valeurs et les autres éléments dissemblables.

Le modèle des APA est ouvert aux deux types de danse, grâce à l’usage polysémique des termes employés, lorsque dans les valeurs préconisées, il est fait référence à des pratiques évocatrices de sens et d’émotion. Les danses traditionnelles et la danse contemporaine en font un usage très différent. Pour les unes, le sens est une compréhension culturelle et l’émotion traduit un plaisir à éprouver un accord collectif sur une musique. Pour l’autre, le sens est le rapport qu’instaure à son initiative, le danseur avec le monde d’aujourd’hui. Le sens est “un point de vue”. L’émotion, quant à elle, est de l’ordre de l’esthétique de la sensation, de l’imaginaire.

Il en est de même, pour la motricité. Le modèle APA incite à des habiletés nouvelles, en relation avec le monde sonore, à l’expression de formes signifiantes, au langage poétique du corps. Les danses traditionnelles proposent des habiletés particulières : virtuosité des pas, mobilisation des appuis et coordination avec un monde sonore qui devient une musique qui structure la danse. La signification appartient à la danse, les danseurs n’en sont que les interprètes. La danse contemporaine sollicite le corps dans sa globalité, avec une recherche de formes dont les significations reposent sur une utilisation des combinaisons des différents paramètres du mouvement. Le danseur a seul l’initiative des significations qu’il donne.

Le modèle APA s’inscrit dans le registre d’une sensibilité artistique qui ouvre vers un monde poétique. Nous pouvons nous interroger sur la sensibilité que développent les danses traditionnelles. Elle semble surtout solliciter l’écoute musicale et les réponses motrices ordonnées. La danse contemporaine fait appel à un registre de sensations perceptives plus ouvert. La notion d’écoute insiste sur l’intersensorialité. De plus les sensations provoquent les imaginaires.

Dans les domaines de la sociabilité les divergences d’interprétation semblent moindres. Le regard exercé en danse contemporaine exprime cependant un autre niveau de tolérance que celui des danses traditionnelles. L’engagement des personnes dans leur sensibilité étant plus important, l’ouverture d’esprit et la relation aux autres ne peuvent être superficiels. Nous observons une grande distorsion entre les valeurs annoncées concernant la socialisation en activités artistiques (importance de l’échange, la rencontre, la communication), et les contenus d’enseignement concernant ces objectifs. Ils sont insignifiants ! La confusion des modèles provient de ce manque de cohérence qui fait de l’élément sociabilité le maillon faible, alors que les attendus, les valeurs reposent sur celui ci.

Les intelligibilités sollicitées sont aussi très particulières. La danse contemporaine s’appuie sur la mise en images, la cohérence d’une création en rapport avec les intentions. Les danses traditionnelles n’ont qu’une intention : celle de recréer. L’imagination n’est pas évoquée.

Les démarches pédagogiques sont assez différentes. L’une fait appel à un savoir dansé existant, et propose un modèle. L’autre considère l’élève dans ses capacités motrices et sensibles et propose des situations qui permettront la réalisation et la complexification des actions dansées. Nous constatons, que le rapport culturel qu’entretient l’enseignant avec les danses, va déterminer en partie son choix de support et de démarche. Cette problématique est abordée dans le prochain chapitre, mais reconnaissons déjà, que les démarches ne peuvent qu’être différentes selon les danses.