Une invitation au voyage

C’est parce que la vie commence vraiment pour Dominique Fernandez avec le voyage (celui qu’il effectue en Italie à vingt-et-un ans et qui lui révèle le plaisir et la possibilité de vivre selon ses goûts) que son oeuvre acquiert aussi sa plénitude quand elle s’offre à son tour comme une invitation au voyage. Avec Porporino, tous les voyages, réels et métaphoriques, qui constituent le fonds de la création romanesque fernandezienne, sont réunis. Le roman est la recréation d’un monde et d’une société : l’auteur fait revivre Naples au XVIIIe siècle ; le roman se donne comme possibilité de plonger dans les profondeurs d’une conscience : c’est la voix d’un castrat qui a vécu l’époque splendide, puis la décadence de l’opéra italien, qui se fait entendre, mêlant récits intimes dont il a été l’acteur et épisodes historiques dont il a été le témoin ; le roman recrée les enjeux artistiques d’une époque : c’est la musique qui, promue au premier rang, fournit matière au rêve et à la réflexion.

Il faut donc, pour comprendre comment se constitue l’oeuvre entier, mettre en rapport les romans de Dominique Fernandez et ses livres de voyage, mettre en relation les voyages de l’auteur et ceux de ses personnages, car non seulement il n’opère pas de coupures entre les genres mais nourrit continûment et profondément les uns par les autres. C’est la seule façon de révéler la richesse et la complexité d’une oeuvre qui, revisitant inlassablement les mêmes questions, se montre pourtant toujours différente, toujours nouvelle. Car s’il est vrai que cet auteur, comme tout grand écrivain, écrit toujours le même livre, il le fait, quant à lui, selon la gamme infinie des sentiments et du plaisir. Et son plaisir semble dans tous les cas initier le processus de la création : il n’y aurait pas de roman sans renouvellement de cette expérience, de la même façon qu’il n’y aurait pas de création fernandezienne sans enchantement de voyage. Le voyage est l’inspirateur du roman, l’épisode provoquant la rencontre et donc l’écriture, et l’écriture se rêve comme le prolongement de ce voyage : mouvement double et réciproque de la fascination et de l’évocation, de l’admiration et de la narration.

Les deux parties centrales que nous réservons, l’une à la musique et l’autre au voyage, sont les points indispensables d’une étude du plaisir fernandezien afin d’en montrer la genèse et les prolongements.