2) Les premiers désirs

Révélé par la femme ou plutôt par son admiration pour la femme inaccessible, le désir apparaît comme une force anticonformiste qui, quand il en a admis la réalité, lie le personnage à l’interdit, le mène à transgresser des règles sociales et morales. Le problème — douloureux — qui se pose est de parvenir à vivre cette différence qui, si elle le rapproche des femmes, l’éloigne aussi du monde. Exprimer son désir, c’est, plus que pour tout autre homme, s’exposer, se mettre en danger, prendre le risque non seulement de se voir éconduire mais aussi et surtout d’être mis au ban de la société.

Trouver la réponse à ce comment (comment satisfaire son désir, comment l’exprimer, comment trouver un compagnon...) devient un problème essentiel qui marque fortement les débuts de la quête de l’amour et de la vie de tout jeune héros. Et là, il en est pour les hommes comme pour les femmes face au désir. La référence littéraire ou artistique, moyen essentiel de trouver, dans la voix et par les mots d’un autre, une image qui réconforte et brise l’impression d’être seul au monde à vivre un désir interdit, offre à la fois un réconfort et une manière de piège.

‘Après les couples tragiques de Phèdre et Hippolyte, Paolo et Francesca, Jason et Médée, de quelle douceur suggestive se paraît à nos yeux attendris le dévouement mutuel de Castor et Pollux, le sacrifice gémellaire d’Harmodis et Aristogiton ! Oreste rendu fou par les caprices de la tyrannique Hermione, se jetait en pleurant sur la poitrine du fidèle Pylade. Au Louvre, dans ma salle pompéienne aux murs fraise, deux oeuvres du même peintre et présentées côte à côte, me faisaient une profonde impression, autant par leur contraste que par la beauté particulière à chacune.
[...] Atala ensevelie : tel était le sujet du tableau. La cérémonie se déroulait au milieu d’une forêt déserte. Le peintre avait su rendre la solitude et la sauvagerie de l’immense continent. Assisté d’un seul prêtre, le jeune homme descendait à bras le corps, dans une fosse creusée à l’entrée d’une grotte, le cadavre de sa bien-aimée, auquel une robe blanche à longs plis servait de linceul. Je contemplais cette scène avec une véritable douleur, au point que mes yeux commençaient à s’humecter. Alors, sans que ce fût délibéré de ma part, ils se reportèrent d’eux-mêmes vers le tableau voisin : Le Sommeil d’Endymion. Un éphèbe, d’une beauté que je trouvais fabuleuse (aujourd’hui, il me semblerait un peu gras), reposait de face, entièrement nu, couché sur une peau de panthère, en plein air, au milieu d’une forêt lui aussi, les bras mollement écartés, le visage encore endormi, touché par un rayon de lune. L’astre pâle et brillant versait à flots sur son corps, sur sa poitrine, sur sa hanche, sur son aisselle, sur son épaule, les ondes impalpables d’un frémissement lumineux, tout en laissant sa conscience engourdie. Debout à ses côtés, nu des pieds à la tête également, un adolescent plus jeune, qui pouvait avoir mon âge et avec qui je m’identifiais sans peine, regardait ce spectacle ravissant avec un sourire extatique. Ét., pp. 47-8.

David, double 54 de Dominique Fernandez, montre ici la nature même de ces références culturelles, trouvées dans la mythologie ou la peinture, et plus fortement encore les sentiments qu’elles éveillent chez le jeune homme. La relation à cette culture est d’essence à la fois passionnelle et intellectuelle. Passionnelle d’abord, parce que le jeune homme s’identifie au personnage d’une fable mythologique ou à celui d’un tableau, et intellectuelle, puisque l’acte de la lecture vient rationaliser le sentiment en lui donnant un sens, et jette de ce fait une lumière esthétisante sur un désir personnel ressenti comme indicible parce qu’interdit. Et c’est bien parce que le recours à la mythologie donne naissance à une mythologie personnelle, à un trésor d’images créatrices de fantasmes, que le jeune homme conçoit une nouvelle culpabilité liée au fait de ressentir le désir des dieux ou des personnages imaginaires, pour, de cette façon, se convaincre de ne jamais être en mesure de satisfaire ce désir et d’atteindre au bonheur d’un Olympe hors de sa portée.

C’est sans doute parce que le désir ne se limite pas à une sensation violente, irrépressible et à satisfaire sur le champ, mais bien justement parce qu’il est pensé et réfléchi que David subit aussi les pressions de sa morale judéo-chrétienne. À travers ses mémoires, le lecteur devient témoin de la naissance du désir chez un adolescent, des émotions qui donnent naissance à ce désir, des images et des références culturelles qui en forment le socle. Avant même d’être l’histoire d’une lutte du désir contre le monde et les interdits sociaux, L’Étoile rose retrace une quête du désir à travers l’histoire personnelle d’un personnage solitaire en proie à de violentes émotions qu’il ne peut d’abord comprendre (elles ne renvoient pas à des images connues ni admises). Sa culture est une culture classique à laquelle il ne peut s’identifier que paradoxalement, sans jamais avoir l’espoir de s’y reconnaître tout entier : les couples hétérosexuels sont destinés à une fin tragique et les exemples d’amours homosexuelles sont puisés dans les origines mythologiques de la littérature grecque ; aussi, dans un cas comme dans l’autre, c’est la foi du jeune lecteur qui est en question pour remettre en cause sa propre vision de l’amour à partir de ces modèles. Car, s’il est vrai que les oeuvres majeures ne font que la démonstration d’amours malheureuses, peut-on pour autant penser, comme David, que cette représentation de l’amour est propre à dissuader de toute tentative amoureuse hétérosexuelle un jeune homme lettré ? Avant même que le désir ne s’exprime, la foi dans l’amour est donc non seulement remise en cause mais donnée comme une quête impossible, et cela de façon absolue et symétrique tant pour un couple homosexuel que pour un couple hétérosexuel. On comprend ainsi pourquoi, pour David, se pose d’abord le problème de la satisfaction du désir, avant même celui de la recherche d’une relation amicale qui pourrait se transmuer en amour. Le désir, a été, dans sa quête et sa volonté de libération, d’abord le désir de l’autre, le contact physique sans lendemain à l’initiative d’un inconnu. Dans le métro parisien55 puis à l’étranger, David découvre l’ambiguïté du désir à l’occasion d’expériences qui le désignent comme un être désirable et qui l’identifient clairement tel qu’il est et tel qu’il n’ose pas encore se reconnaître :

‘En Allemagne, pendant une Rencontre internationale d’étudiants, un garçon hollandais se glissa dans mon lit. Je subis docilement son assaut, qui eut lieu dans un profond silence, pour ne pas réveiller la chambrée. À Londres, dans un cinéma, je rendis à mon voisin le service qu’il me demandait, non sans recevoir peu après le plus agréable dédommagement de ma peine. D’un bout à l’autre de l’Europe, le hasard m’a secondé. J’acceptais toutes les aventures, par entraînement physique, par curiosité, par besoin de vérifier que je n’étais pas un pleutre. Elles furent donc relativement nombreuses. Mais toujours en vacances, loin du cadre habituel de ma vie, pour éviter d’être ensuite reconnu. Toujours à l’étranger, parce que, dans le pays de ma langue maternelle, dans la France de ma mère, j’aurais été incapable de passer outre aux interdits. Et toujours sur l’initiatives de mes partenaires.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que je n’aie, pour ainsi dire rien appris d’aucune de mes expériences. Au lieu de profiter de l’occasion pour découvrir que des milliers de mes frères m’auraient accueilli dans leur monde, je rentrais à Uckville, où à Paris en visite chez ma mère, un peu plus déprimé chaque fois. La dissimulation devant elle, le mensonge avec mes amis, le désert à perte de vue, le prix de remords et de honte à payer pendant tout un trimestre entre deux escapades, déjà le spectre du vieillissement, de vagues projets de mariage rompus moins par scrupule que par lâcheté, voilà tout ce que je pouvais attendre de la vie. Avec ce poids à traîner, je pensais quelquefois au suicide comme au seul moyen d’en finir. Étoile, p. 94. ’

Pourquoi, au lieu de profiter de ces occasions qui lui sont données de se découvrir tel qu’il est, David préfère-t-il trouver refuge dans une mortification qui le maintient dans un état d’adolescent, par timidité ou par une secrète complaisance envers cette souffrance intérieure ? Le texte montre ici comment, paralysé dans son désir, le héros ne peut espérer exister au monde ni faire sa vie dans le temps d’une durée : la période de cette errance reste indéterminée, comme étirée de l’adolescence à la maturité — le texte, pourtant si pointilleux dans les repères chronologiques, abolit complètement les dates. Le désert moral et sentimental correspond à un état de non-être non-datable, vécu comme s’il devait être éternel, qui est momentanément interrompu par la réflexion (la période des entretiens avec le Dr Dupin, psychothérapeute) mais n’est véritablement brisé que par la période de libération des moeurs au moment du journal de mai 68 (pp. 285-383). Ne pas choisir son partenaire mais se laisser choisir par l’autre, se prêter au « hasard » de la rencontre et de l’inattendu montrent que le désir de David n’a pas d’objet et qu’il reste abstrait pour lui-même, gagnant dans sa poétisation et son intellectualisation ce qu’il perd en réalité et en expression. Sa réflexion sur le désir reste en fait une réflexion sur l’interdit fondée sur sa morale, sur un ensemble de règles dont il a soin de rappeler l’omniprésence et auxquelles il obéit sans condition et avec, faut-il le souligner, un souci de mortification qui le mène à des incohérences. Ainsi, bien qu’athée, il laisse à saint Paul le soin de lui dicter les lois du comportement à observer en matière de moeurs. Il faut voir dans cette attitude la nécessité profonde de se sentir condamné au malheur par son désir, lequel ne reste pourtant à ce stade du récit qu’une idée et une représentation. L’errance dans le temps aboli coïncide alors avec un état où la personnalité n’est pas fixée, d’où le goût particulier pour les foules du métro. Se perdre au milieu des autres est un moyen efficace, en se fondant dans une multitude informe, de perdre la conscience de soi. Le mythe de l’indistinct, en partie atteint (de façon involontaire), ne tend en fait que sa face douloureuse, celle de l’insatisfaction, de la quête d’identité et du tourment qui ne seront jamais tout à fait résolus.

La satisfaction du corps n’est qu’un acompte dénué de sens dans cette quête, et c’est en ce sens qu’il faut sans doute comprendre ces propos de Dominique Fernandez dans Le Rapt de Ganymède :

‘Le sexe n’est pas ce qui m’intéresse le plus dans l’homosexualité : la condition de marginal, d’exclu, voilà le fantasme qui a toujours mis en train mon imagination. Je dirais mieux : dans ma vie privée, le sexe n’est peut-être pas ce qui m’a attiré d’abord vers les garçons. Je regardais avec plaisir les statues grecques, à cause de leur beauté, mais le sentiment de commettre, en les admirant, une action défendue me dispensait un enthousiasme sans commune mesure avec l’agrément esthétique. Gan., p. 299. ’

L’apparition du désir est très tardive puisque ce n’est qu’en mai 68, avec la rencontre d’Alain, alors que David a très exactement quarante ans 56, que le raptus amoureux a lieu. Avant, la vie sentimentale n’est qu’un désert formé de quelques rencontres qui donnent satisfaction au corps sans jamais remettre en cause la morale de l’interdit que s’est forgée le héros : aventures d’une nuit à l’étranger, épisode décevant avec Fag, jeune prostitué, rencontre de Donald (farouche partisan de l’amour libre). Cette longue période d’une initiation plus sexuelle que sentimentale est aussi une longue errance qui laisse plus l’impression de frustration que de satisfaction, sans désir véritable, mais dont le but est bien l’apparition de ce désir. Alain est la personnification du coup du foudre, la révélation du désir. Alors que jusque-là la vie de David a été dominée par la reddition, — reddition devant le désir des autres, soumission à la morale culpabilisante de la religion catholique, allégeance envers les doctrines psychanalytiques —, au moment où surgit Alain, apparaît aussi pour la première fois le désir chez David. Séduit par les yeux d’Alain, David découvre, en même temps que l’amour, la force d’un sentiment amoureux qui échappe à toute logique (les circonstances historiques augmentant encore cette situation), qui le situe dans l’instant d’une passion naissante.

Place de la Sorbonne, cette illusion, qu’il n’est pas de félicité plus grande qu’une attente sans hâte et sans but, prit fin en dix secondes. Coiffé d’un casque complet, avec seulement une ouverture pour les yeux, le propriétaire d’une Suzuki 125, penché sur le réservoir de sa moto, revissait le bouchon.
— Tu me files vingt balles pour l’essence ?
Le pas fait de côté, pour me barrer le chemin, appuya la requête d’un geste péremptoire.

‘Une ceinture à grosse boucle de laiton serrait aux hanches le jean très étroit, sous l’étoffe légère duquel ce qui se présenta à ma vue me jeta dans une sorte d’affolement. Faisons, par cette remarque, une dernière fois plaisir à Boeuf-bouilli 57, car, si fétichisme il y eut dans la chaleur qui me monta aux joues, il faudrait savoir aussi que l’amour nous laisse toujours le loisir — avant de s’emparer définitivement de nous, et, alors, il sera trop tard pour combattre sa violence — de croire que seul un détail physique, dont nous trouverons sans peine l’équivalent ailleurs, nous a plu, quand déjà nous brûlons pour toute la personne.
Sans dire un mot, je me suis mis à fouiller dans mon pantalon. Le premier chiffon à sortir fut le tract des Étudiants communistes.
— Fous-moi ça en l’air. Je ne veux pas voir cette saloperie.
Le bout de papier, haché menu par mes doigts fébriles tomba en cendres sur le pavé. Cet empressement ne me valut ni un sourire ni une parole d’approbation. Je dus détourner les yeux, sous les yeux verts que l’impatience enflammait. À peine si j’ai eu le temps, avant de baisser la tête, de noter, répandus sur les épaules où ils flottaient librement sous le casque, une abondante floraison de cheveux noirs.Étoile, pp. 301-2.’

Si le récit réaliste et détaillé de cette rencontre inaugurale annonce déjà le journal de mai 68, il laisse d’abord place à la poétisation de l’amour et à l’idéalisation d’Alain. Période essentielle, nourrie, dans le coeur de David, par les espoirs et les angoisses de cet univers nouveau qu’il découvre et amplifiée par les revendications libertaires d’une jeunesse qui a envahi la rue. L’apparition et la disparition du jeune homme au visage presque entièrement masqué, tout aussitôt comparé à un Antinoüs, aussi rapides l’une que l’autre favorisent le fantasme amoureux. Le mystère, la rapidité, la jeunesse lient Alain au sort des héros, le transfigurent aux yeux de David qui se prête aux délices de l’attente d’un revoir. Le désir est donc à la fois dans cette rencontre fugitive et dans cette attente d’une répétition, synthèse du désir de tout personnage fernandezien. La découverte du visage d’Alain forme un événement essentiel dans la naissance de cet amour puisque s’y révèlent les éléments de l’érotisme romanesque à la fois limité et chargé d’une forte symbolique.

‘Enfantine, d’un modelé incertain, mal ou pas encore formée : ta bouche fut une surprise. Cet inachèvement me stimula. Ton visage était trop parfait, trop pure l’arrête du nez, le front dessiné trop bien. La nature n’eût-elle laissé aucun détail inaccompli, je ne me serais pas dit que tu pouvais avoir besoin de moi, pensée qui m’aida à combattre la peur des quinze ans nous séparant. La beauté nous saisit d’abord ; seule une faiblesse nous retient. Ibid., p. 309. ’

Les yeux, par lesquels s’exprime le désir et la bouche par laquelle le plaisir se transmet apparaissent au seuil de cette description et sont les premiers indices qui troublent le héros. Cela parce que ces détails récurrents sont propres à transformer une aventure humaine en une idylle poétique. Le personnage désiré n’est plus seulement vu comme un être humain, un être de chair qui peut donner un plaisir terrestre, mais comme une émanation de l’amour lui-même qui incarne des idéals esthétiques. Il quitte donc la foule des humains pour apparaître, grâce au regard désirant, dans le monde de la statuaire du plaisir et de l’extase. Vivant au rythme imprévisible des apparitions et des disparitions d’Alain, c’est-à-dire entre angoisse et espoir, frustration et satisfaction, David ancre son besoin d’amour dans l’image du jeune homme toujours liée au mouvement et à la vitesse et dont l’emblème est tout naturellement sa moto rouge sang, mais aussi dans ses gestes tendres qu’il est prompt à interpréter comme des « preuves d’amour ».

‘Sur ces mots, tu as pris ma main et tu l’as posée, là où son corps parle pour l’homme sans possibilité de mentir. Bonheur si parfait, si rare, d’être ensemble au rendez-vous. Quelques instants après, sur le point de m’endormir à mon tour, j’ai eu le temps de penser que j’étais comblé par le ciel. Sans le souvenir de cette première nuit, aurais-je supporté les jours qui suivirent ?
Étoile, p. 317.
Tu allais claquer derrière toi la porte palière, quand tu t’es ravisé. J’étais planté, comme un piquet, dans le corridor. Tu fis trois pas en avant et déposas sur ma bouche un baiser frais, tendre, appuyé, délicieux. Puis, dédaignant l’ascenseur, tu as dégringolé quatre à quatre l’escalier.
Mon premier geste fut de courir dans la salle de bains et de regarder dans la glace mes lèvres, comme si les tiennes pouvaient y avoir imprimé une marque visible, le sceau initiatique de leur baiser. 011Ibid., p. 320.’

Avec les yeux (la séduction par le regard, moyen de la captation amoureuse) et le baiser (la confirmation du sentiment amoureux par le langage et le contact) commencent vraiment l’amour et ses tortures. Aussi éloignés que possible de l’univers de David et d’Alain, les exemples de Friedrich avec Franz, de Pier Paolo avec Svenn et de Porporino avec Feliciano n’en posent pas moins les mêmes questions face à l’apparition du désir et à la naissance de l’amour. On retrouve partout ce rôle essentiel du regard et cette importance du baiser, premiers indices du début d’une relation, et allant de pair le tourment du narrateur en proie à un désir qu’il brûle de satisfaire sans avoir la certitude d’être comblé face à l’aimé inaccessible ou fuyant. Et si une preuve d’amour, un baiser ou une étreinte, un plaisir intense peut dissiper une crise de désespoir, répondre au désir et donc résoudre momentanément l’énigme de l’identité, ce n’est là en fait que le début du piège du désir, le seuil d’un enfer où toute preuve est à renouveler éternellement, où l’attente de l’instant de plaisir est une mortification, où le rêve de la possession de l’autre serait l’accès à la sérénité, sans être cependant une source de satisfaction réelle.

Notes
54.

Dans Le Rapt de Ganymède, Dominique Fernandez retraçant le parcours qu’il a emprunté pour accepter et vivre son désir raconte : « J’avais douze ans, je crois, lorsque je me suis forgé ma mythologie personnelle : bien avant le commencement de toute pratique sexuelle, bien avant de soupçonner que les premiers germes déposés dans mon imagination par mes lectures et mes visites au Louvre détermineraient mon orientation. En regardant les statues grecques de la petite salle du “Cavalier Campin”, l’Endymion de Girodet ou le Jeune Homme assis au bord de la mer de Flandrin, en apprenant par coeur les vers de Racine où Phèdre tremble des pieds à la tête et succombe sous l’horreur d’un amour impossible, je devinais que : 1. je grandirai à part des autres, intéressé par des choses dont je ne pourrais parler à personne autour de moi ; 2. cette situation serait une source de tourments sans fin ; 3. mais aussi le signe d’une secrète et merveilleuse élection. Une telle conscience, bien entendu, était encore très vague : mais l’orgueil et l’effroi, intimement mêlés, d’entrer dans une franc-maçonnerie exposée à la réprobation publique soulevèrent mes années d’adolescence et me préparèrent à écrire mes livres. » (pp.297-8). Avoir trouvé des références artistiques, loin donc de lui donner la possibilité d’exprimer son désir a provoqué une situation d’enfermement, le refuge de l’art se révélant comme une communion sans partage et fondant donc le double sentiment d’être élu et réprouvé.

55.

Voir supra, chapitre IV, p. 80.

56.

Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard de la chronologie romanesque si celui des héros de Dominique Fernandez qui, selon lui, lui ressemble le plus, connaît le désir à quarante ans, car c’est un âge très important pour l’auteur qui a affirmé que l’on ne peut pas être un grand romancier avant et qui a lui-même signé son « premier vrai roman » à quarante ans. L’Étoile rose est donc fondé sur un réseau étroit de correspondances autobiographiques.

57.

C’est par le surnom « Boeuf-bouilli » que Donald a désigné Freud par dérision et en référence à la théorie des trois stades (anal, oral et génital correspondant à boeuf bouilli, sauté et rôti) : voir pp. 264-81.