3) Voir Florence et partir pour Venise

Une nouvelle opposition, complémentaire de celle du Nord au Sud, apparaît à travers la confrontation de Florence et de Venise, celle de deux Italies incompatibles et antagonistes aux yeux de l’auteur. Si Dominique Fernandez consacre de nombreux articles à Venise et aucun à Florence, c’est là encore pour des questions de goûts personnels : il n’y a rien qui lui plaise à Florence, d’où ce silence et ce mépris. Dans cette opposition, la question du plaisir est essentielle : Venise apparaît d’emblée comme une capitale du plaisir. Or deux romans (Porfirio et Constance et Le Dernier des Médicis) offrent pourtant des descriptions de Florence, tandis que Venise ne fait l’objet que d’un chapitre de L’Amour. Pourquoi Venise n’a-t-elle pas plus inspiré le romancier ? Par refus de célébrer, comme Thomas Mann, le culte du morbide ? Par incapacité à recréer, dans un roman, l’ambiance de la ville ? Quel qu’en soit le motif, à travers leur opposition, ces deux villes mettent en valeur la définition fernandezienne du plaisir italien.

‘Florence ou Venise ? Ne connaissant aucune de ces deux villes, je donnai le choix à Constance. Elle répondit sans hésiter : Florence. Comme tous les Français, l’Italie moderne touchait peu Constance. Italie moderne, entendons celle qui a commencé à la fin du XVIe siècle. Fixons même avec précision la date : 1564, année de la mort de Michel-Ange. L’Italie des Français est l’Italie des anciens Romains, l’Italie latine ; l’Antiquité s’étant heureusement prolongée dans la Renaissance, ils étendent leur curiosité aux époques de Dante, de Léonard de Vinci et de Machiavel. À partir du XVIIe siècle, leur intérêt s’éteint, l’Italie ayant cessé d’être la dépositaire de l’Antiquité. [...]
Florence, qui fut à l’origine un camp romain installé à l’endroit où l’Arno se resserre, demeure fidèle à sa première destination. Constance avait pu reconnaître sur un plan le quadrillage militaire du castra latin ; rues étroites, façades austères, palais semblables à des forteresses [...].
Porf., p. 213.’

Il faut comprendre ici que Florence n’est pas une ville baroque, et c’est la première raison pour ne pas en aimer la beauté. Florence est une ville qui, pour Dominique Fernandez, attire les touristes français parce qu’elle n’est pas italienne au sens où il l’entend, parce qu’elle est la ville restée figée dans une raideur antique. À travers la critique de Florence, il faut donc lire aussi une critique des habitudes touristiques françaises à travers les temps, comportement qui a conduit à mépriser l’art baroque, à rechercher un équivalent culturel en Italie à ce qu’ils appréciaient en France, tant dans l’esprit que dans l’art. Le goût des Français, et ici de Constance, pour Florence, est significatif de cet esprit français qui recherche une preuve de la supériorité de sa culture plutôt qu’un dépaysement, la confirmation du raffinement de sa civilisation plutôt que l’exotisme et la fantaisie.

‘ Revenons à Venise. Contrairement à Florence, morte et enterrée une fois sa mission accomplie (aucune production notable après 1564), sa rivale n’a cessé d’inspirer artistes et écrivains. Loin de s’être épuisée avec la Renaissance (laquelle, au demeurant, s’y est montrée bien plus indépendante du modèle gréco-latin : le fripon de petit chien frisé assis aux pieds de sait Augustin, dans l’église des Schiavoni, ne symbolise-t-il pas l’insolence d’un humanisme curieux de toutes les manifestations de la vie ?), Venise se renouvelle à toutes les époques. Je concevais que sa dernière incarnation, sous les traits d’une vieille reine déchue accablée par sa grandeur défunte, ne plût guère à Constance. Barrès, Henri de Régnier, Thomas Mann, même Proust dont les longues phrases heurtaient son goût de la prose sèche, économe, l’auraient plutôt détournée d’une ville où la fibre du caractère se détend si dangereusement. Lorsque je lui eus expliqué que les images de mollesse et de décadence colportées par ces littérateurs étrangers ne correspondent qu’à une infime partie de la réalité, et que, pour nous autres Italiens, Venise signifie avant tout joie de vivre, santé, vitalité (qui a inventé la comédie italienne ? nous apprenait-on au lycée ; la musique gaie ? la peinture amusante ? Goldoni, Vivaldi, Tiepolo, triade à laquelle je joignis tout seul le vif et tonique Casanova), Constance fronça les sourcils avec une méfiance accrue.
Porf., p. 216.’

Capitale de la gaieté, ville du plaisir : la description faite ici par Porfirio pour tenter de séduire Constance, — comme une promesse d’initiation à la vie —, correspond en tout point à l’analyse qu’en livre Dominique Fernandez dans Le Voyage d’Italie, où il s’emploie à combattre des préjugés. Là encore il suffit de comparer roman et relation de voyage pour constater à quel point les deux genres se nourrissent l’un de l’autre 175. « Florence, comme je l’avais prévu, nous fut néfaste » (p. 218) : pour Porfirio, comme pour Dominique Fernandez, il manque à Florence ce qui caractérise le tempérament italien : le goût pour la vie, le génie du plaisir. Ainsi, examinant plus attentivement encore la cité des Médicis, l’auteur devient encore plus sévère :

‘Le cas de Florence est plus clair : refus pur et simple du baroque, par entêtement à se considérer comme l’héritière de la Renaissance et la seule arbitre du goût. Demandez à un Florentin ce qu’il est, il vous répondra par ce qu’il fut, disait Stendhal, à qui n’avait pas échappé le ridicule de cet orgueil. Au nom de Dante, de Boccace, de Masaccio, de Botticelli, de Ghiberti et des autres artisans de l’âge classique, la Toscane déclare de mauvais ton et indignes de retenir l’attention les nouveautés de l’ère baroque. Florence s’enferme une fois pour toutes entre ses hauts murs d’apparence militaire et s’engonce dans un attachement stérile à une tradition morte. [...] Pas un seul monument, après le XVIe siècle, qui témoignerait que la vraie fidélité à Brunelleschi, à Leon-Battista Alberti, à Michelozzo Michelozzi, à Sangalo, à Michel-Ange, eût consisté à leur trouver des successeurs.
Perle, pp. 135-6.’

Une fois encore, l’attitude face à l’art révèle la morale d’un peuple, ce que Dominique Fernandez appelle « la catégorie mentale ». Ainsi les Florentins, pour lui, ne sont pas dignes d’intérêt, parce que d’esprit fermé, repliés sur leur passé glorieux, fiers d’être ce qu’ils sont depuis le XVIe siècle. Un peuple conservateur, dénué de tout sens de l’aventure, dont le seul souci est de tirer profit du prestige acquis par les Médicis, en développant le tourisme, en fortifiant cette légende d’une Florence détentrice du bon goût, de la plus haute culture et de la langue. Ce refus de l’autre et de la différence, cet attachement orgueilleux et méprisant au passé semblent être les deux causes essentielles du dégoût de l’écrivain pour Florence, de celui, qui, comme nous le verrons plus loin, ne se sent jamais mieux qu’en des terres de métissage, là où parviennent à se lier différentes cultures, et qu’en des terres ouvertes sur le monde.

Certes, la critique de l’architecture florentine introduit cet assassinat de l’esprit de Florence ; pourtant, un peu plus loin dans le même chapitre, il est bien question de peinture baroque florentine, et Dominique Fernandez admet que le visiteur peut en admirer à Florence, mais seulement s’il a déjà connaissance de son existence et au prix d’un grand effort :

‘Aujourd’hui, peut-on dire que ces chefs-d’oeuvre de la peinture baroque soient intégrés au patrimoine florentin ? Les opuscules et guides relatifs à la galerie Palatine mentionnent à peine les plafonds de Pietro da Cortona, comme s’il ne fallait pas distraire, par l’examen de ces trompe-l’oeil bouillonnants, l’attention des Raphaël et des Titien pendus aux murs. Parmi les innombrables visiteurs du musée, on en voit très peu qui songent à lever la tête. L’admirable plafond de Sebastiano Ricci orne ce qui est maintenant un bureau de l’administration, fermé au public. Enfin, par une cause contraire mais tout aussi efficace, presque personne, au palais Riccardi, ne se hasarde dans la galerie Luca Giordano. L’accès n’est pas indiqué, il faut prendre un escalier à part, que ne signale aucun panneau. Ni gardien, ni ticket : l’entrée est gratuite, cas unique à Florence et moyen suprêmement dissuasif, puisque les gens croient dénué d’intérêt un endroit pour lequel on ne paie pas. Ce lieu est toujours désert.
Perle, p. 138.’

Il faut remarquer ici que le jugement très sévère porté sur Florence dans Le Banquet des Anges s’est toutefois un peu adouci : en effet, même « l’admirable plafond » donnait à Dominique Fernandez l’envie de fuir Florence, parce que, marginales, ces créations renforçaient encore le cadre sévère, austère et incompatible avec elles, dans lequel elles s’inscrivaient pourtant.

‘Évitons cependant de nous attarder sous le plafond de Luca Giordano et de contempler ces scènes de chasse, de triomphe et de mort où les personnages de la mythologie, Adonis, Ganymède, Diane, Proserpine, Orphée, circulent au milieu du bestiaire exotique cher aux baroques depuis que Bernini installa le tatou des Indes au milieu de la place Navone : nous aurions trop envie de quitter l’austère Florence pour la voluptueuse Naples et de nous rendre droit à la chartreuse San Martino où Giordano trouva un cadre plus approprié à l’exubérance de sa fantaisie.
Banquet, p.58. ’

Dans Le Dernier des Médicis, Dominique Fernandez imagine d’ailleurs la réaction de Cosimo III et des Florentins, découvrant le plafond de l’ancien palais ducal (vendu par Ferdinand II à Gabriello Riccardi) peint par Luca Giordano :

‘Luca Giordano ! Un Napolitain ! Cette fois, l’effronterie passait les bornes. Dans la ville qui se targuait de la plus illustre école de peinture, dans la patrie de Botticelli, de Michelangelo, de Leonardo, recourir à un artiste allochtone ! Le génie toscan était-il donc épuisé, qu’il fallût confier à des mains étrangères la décoration du plus florentin des palais florentins, l’ancienne demeure des Médicis eux-mêmes ? Et, qui plus est des mains fort peu respectueuses de la noble tradition toscane, des mains qui se souciaient comme d’une guigne de l’héritage de la Renaissance ! Peindre une fresque en trompe-l’oeil ! Non comme l’avait fait Pietro da Cortona, un Toscan pur sang, avec précaution et mesure, mais en piétinant bon goût, sens des proportions, harmonie ! Entreprendre de contrefaire la nature, tricher avec la perspective, au mépris de la vérité !
Médicis, p. 86.’

Préjugés et même hostilité absolue contre l’art baroque sont exprimés avec toute la force des exclamatives et des infinitifs. L’art de Luca Giordano est en fait perçu comme une innovation superflue et indigne parce que ne répondant pas aux canons du classicisme florentin. Il y a dans cette réaction l’expression non seulement du rejet de toute forme esthétique ne répondant pas aux normes florentines, mais un rejet de ce qui est considéré comme étranger, « napolitain » en l’occurrence. À travers cette critique, on peut se faire une idée plus précise de la représentation qu’a Dominique Fernandez de la société florentine : un tempérament qui s’oppose à tout changement, à toute nouveauté, qui ressent la différence non seulement comme une atteinte à ses valeurs, comme une agression de son identité mais encore comme une infériorité.

Austère, sérieuse, efficace, xénophobe, bref, Florence a tous les attributs, toutes les valeurs d’une ville incompatibles avec les qualités que Dominique Fernandez trouve dans le Sud et plus généralement dans l’Italie. La vie a quitté Florence avec la mort de Michel-Ange : « Faisons le tour des musées de Florence et enfuyons-nous vers les lieux où l’Italie reste vivante 176. » Il faut donc maintenant se demander en quoi ses vues diffèrent de celles des voyageurs qui l’ont précédé. Avec Stendhal, par exemple, le ton est un peu différent même si les conclusions vont dans le même sens :

23 janvier 1817. — Florence, pavée de grands blocs de pierre blanche de forme irrégulière, est d’une rare propreté ; on respire dans ses rues je ne sais quel parfum singulier. Si l’on excepte quelques bourgs hollandais, Florence est peut-être la ville la plus propre de l’univers, et certainement l’une des plus élégantes. Son architecture gréco-gothique a toute la propreté et tout le fini d’une belle miniature. Heureusement pour la beauté matérielle de Florence, ses habitants perdirent, avec la liberté, l’énergie qu’il faut pour élever de grands édifices. Ainsi l’oeil n’est point choqué ici par ces indignes façades à la Piermarini, et rien ne trouble la belle harmonie de ces rues, où respire le beau idéal du Moyen Âge. En vingt endroits de Florence, par exemple en descendant du pont della Trinità et passant devant le palais Strozzi, le voyageur peut se croire en l’an 1500.
Stendhal, Rome, Naples et Florence 177 .

C’est précisément ici ce que Stendhal décrit et loue comme une atmosphère moyenâgeuse et que reproche Dominique Fernandez à Florence : cette raideur, cette rigidité alliées à cette absence totale d’évolution, d’imagination et de création qui font de Florence une ville à jamais figée dans sa renaissance. Or, il est curieux de constater, après avoir lu Stendhal, à quel point les descriptions précises des rues florentines sont absentes des textes fernandeziens. Vues d’ensemble de la ville, plan général sont indiqués mais aucun itinéraire de promenade n’est proposé, aucun nom de rue mentionné, aucune des statues décrite, qui pourtant ornent chaque coin de rue, comme si cette ville était une sorte de mirage, un leurre inventé pour les touristes. Flâner dans ce sanctuaire de l’art et de l’esprit, dans cette « belle miniature », dans cette ville d’une rare propreté, serait une pure perte de temps, Dominique Fernandez contrairement à Stendhal, refuse de goûter aux charmes médiévaux de Florence, et se trouve plus proche, sur ce point, de Zola qui porte un jugement sans appel sur l’intérêt du peuple florentin, sur sa vitalité :

‘Ville calme et de retraite. Les militaires retraités, les comédiens qui ont renoncé aux planches, tous ceux qui ont des rentes à manger, viennent y finir doucement la vie. Une ville douce, tranquille, d’aimable insouciance. [...] Aucune passion, un fond d’égoïsme aimable et d’insouciance légère. Toute à la douceur de vivre, indolente et endormie. Tout y dort, plus de grand mouvement patriotique, aucune passion. Et l’extraordinaire de cela : comment l’ardente, la combattante, la furieuse population florentine du XVe siècle, a-t-elle pu devenir cette population indifférente et sommeillante ? Il y a là un problème d’hérédité bien curieux.
Émile Zola, Voyage à Rome 178 .

Ce jugement politique d’Émile Zola correspond bien à la critique fernandezienne de Florence mais aussi au jugement porté par Alexandre Dumas : « Il semble que, lassée de ses longues convulsions politiques, la ville des Médicis n’aspire plus qu’au sommeil de la Belle au bois dormant. » (Une année à Florence). Les seuls efforts fournis par Florence aujourd’hui sont des tentatives d’attirer et de conserver la manne touristique, comme l’avait déjà raillé Alexandre Dumas dans le même texte :

‘La première chose qui frappe, quand on visite cette ancienne reine du commerce, est l’absence de l’esprit commercial qui a fait d’elle une des républiques les plus riches et les plus puissantes de la terre. On cherche, sans pouvoir la trouver, cette classe intermédiaire et industrielle qui peuple les rez-de-chaussée et les trottoirs des rues de Paris et de Londres. À Florence, il n’y a que trois classes visibles : l’aristocratie, les étrangers et le peuple. [...] À l’automne, vers l’époque où apparaissent les oiseaux de passage, des volées d’étrangers, Anglais, Russes et Français s’abattent sur Florence. Florence connaît cette époque ; elle y fait entrer pêle-mêle, Français, Russes et Anglais, et jusqu’au printemps elle les plume.
[...] Aussi, c’est encore en ceci qu’éclate l’extrême sollicitude du grand-duc pour son peuple. Il a compris que l’étranger était une source de fortune pour Florence, et tout étranger est le bienvenu à Florence : l’Anglais avec sa morgue, le Français avec son indiscrétion, le Russe avec sa réserve. Le premier janvier arrivé, le palais Pitti, ouvert tous les jours aux étrangers, à la curiosité desquels il offre sa magnifique galerie, s’ouvre encore une fois par semaine, le soir, pour leur donner des bals splendides.
Dumas, Une année à Florence.

Il y a là, dans cette description sociologique de Dumas, une définition essentielle qui permet de comprendre mieux encore pourquoi Florence ne plaît pas à ces deux voyageurs : tout y paraît factice, fabriqué pour le touriste, rien n’est authentique, ni dans les réalisations artisanales ni dans les fêtes. À Florence, le touriste est bien reçu parce qu’il est devenu la seule source de revenu, tous les autres talents s’étant éteints il y a bien longtemps ; d’où ces descriptions de rues qui semblent plus vides et plus mortes que celles d’une maquette. L’exploitation de la richesse touristique n’est certes pas l’apanage de Florence, mais le fait qu’elle soit devenue sa seule occupation, sa seule activité rend la capitale de la Toscane odieuse aux yeux de Dominique Fernandez, qui d’ailleurs en livre la critique dans Le Dernier des Médicis :

‘Les boutiques de souvenirs ouvertes à l’intention des Rhénans mirent en vente des mouchoirs brodés avec des vues de Florence. La formule ayant eu du succès, on commença à reproduire des tableaux et des statues ; d’abord au hasard, en devinant ce qui plairait davantage ; puis quand le goût des Allemands fut connu, des ateliers se spécialisèrent dans le Davis de Michelangelo, le Bacchus de Caravage, la Diane de Benvenuto Cellini, trois des oeuvres qui d’emblée avaient eu leurs préférence.
Médicis, p. 56.’

C’est ainsi que Dominique Fernandez imagine les débuts de l’industrie touristique à Florence, avec l’arrivée des Rhénans, venus assister au mariage d’Anna Maria. Pour lui, cette exploitation de l’art indique tout simplement la fin de la création artistique et le déclin de la civilisation florentine incapable de trouver en son peuple des talents dignes de renouveler les formes artistiques. Les Florentins vivent dans une ville mythique qui n’a qu’une existence historique, leur survie est liée à la copie de leurs oeuvres, à l’exploitation de ce passé glorieux :

‘Jamais on ne vit un étranger moins touriste [que don Carlo]. Les Anglais qui étudient nos balustrades et nos rocailles pour améliorer leurs jardins, les Allemands, qui rapportent une nomenclature des quarante-six églises, trente-deux palais, sept loggias, cinq cénacles et dix-huit musées, les Français, qui espèrent, grâce au change favorable de leur monnaie, dépenser moins en vacances que s’ils étaient restés chez eux, les Suisses, qui mettent leur point d’honneur à terminer leur séjour sans s’être fait voler, tous cherchent à « profiter » de leur voyage à Florence, notion et mot odieux au grand-duc.
Médicis, pp. 298-9. ’

Au reste, cette critique de l’adaptation d’un peuple à la demande touristique va plus loin encore, puisque d’après Dominique Fernandez Florence ne s’est pas contentée de se gonfler d’orgueil, elle a réécrit son histoire pour la rendre plus noble encore, plus intouchable aux yeux de ces hordes d’étrangers qui la visitent. Deux coups de pouce à l’histoire sont ainsi dénoncés, l’un concernant Laurent le Magnifique, l’autre l’identité florentine de l’opéra :

‘Avant d’être Laurent, l’héritier de la banque se trouvait donc déjà Magnifique. Après sa mort, la légende continua à l’auréoler de mérites imaginaires : il aurait fondé une sorte d’académie des beaux-arts pour y former de jeunes peintres et sculpteurs, dont le plus illustre aurait été Michel-Ange. Pure fable, forgée au XVIe siècle, au moment où les grands-ducs de Toscane crurent utile de célébrer la gloire de leurs ancêtres. En réalité, le mécénat de Laurent fut des plus modestes. Collectionneur avisé, son goût se portait vers les gemmes, les monnaies, les vases, les bibelots. S’il fit travailler Botticelli et Ghilandaio, il ne comprit pas la grandeur de Léonard de Vinci, qu’il laissa filer à Milan. Bon poète, il ne dépassa jamais le niveau de l’églogue aimablement ciselée. Rien vraiment de « magnifique » dans cette carrière d’amateur éclairé, comme il y en avait cent autres dans une ville comblée alors par toutes les muses. Même au physique, Laurent était d’une puissante laideur, avec son nez écrasé, sa bouche en tirelire et son lourd prognathisme, si éloignés de la beauté gracieuse prêtée par Gozzoli au chérubin.
Italie, p. 198.’

La rigueur historique enlève donc jusqu’à cette gloire florentine : Dominique Fernandez démythifie ici l’une des figures les plus hautes et les plus respectées de Florence. Tout décidément est fait pour déplaire à l’auteur, tout est fabriqué, jusqu’à l’histoire du duché, retouchée pour la rendre plus grande. Autre point sur lequel l’auteur refuse la réhabilitation de Florence, et c’est, pour finir, le plus important peut-être : la musique. Il est généralement admis que c’est à Florence qu’est né l’opéra : là encore l’auteur refuse de voir l’opéra comme une source de plaisir florentin.

‘Ces deux premiers opéras [l’Euridice de Péri et celle de Caccini] sont beaux, mais d’une sévérité toute florentine. La déclamation en est sèche, pauvre, presque abstraite. Ils se ressentent de leur origine, intellectuelle et théorique. On n’y chante pas, on y récite, en scandant les phrases et en marquant par les intonations le déroulement du poème. Si chaque syllabe est parfaitement claire et intelligible, c’est au détriment de la sensibilité. Ils s’adressent à l’esprit, procurent à l’esprit du plaisir, laissant le coeur assoiffé. L’opéra était né, mais ce n’est pas encore l’opéra. C’était une épure de l’opéra. [...]
Après Peri, Caccini et leur ami Marco da Gagliano, auteur d’une Dafne jouée en 1608, le rôle de Florence dans l’histoire de l’opéra est fini, et fini pour toujours. Il suffit pour s’en convaincre, de considérer la fonction plus que subalterne réservée au théâtre local. La Pergola, qui est à Florence ce que la Scala est à Milan ou le San Carlo à Naples, n’a pas eu l’honneur d’une seule création importante, exception faite du Macbeth de Verdi.
Perle, pp. 139-41.’

Florence a célébré la naissance de l’opéra, mais comme une ville qui a permis d’en établir les règles, la constitution, non comme celle qui a su faire naître et entretenir la passion de l’art lyrique. Nouvelle et dernière frustration, nouvelle et dernière raison de vouloir quitter ce lieu où ni les peintres ni les architectes ni les sculpteurs ni les musiciens baroques n’ont trouvé le lieu de leur travail et de leur inspiration. Pour combler le goût de Dominique Fernandez il faut au dessin proposé par l’art florentin ajouter l’art de la couleur, il faut donc quitter Florence pour gagner Venise au plus vite, promesse cette fois du plaisir comme l’avait déjà compris Monteverdi qui

‘[...] partagea sa vie entre Mantoue et Venise, où, entre 1637, date d’ouverture du San Cassiano, et 1700, pas moins de seize théâtres d’opéra furent fondés. Venise, ville de la couleur et de la lumière, s’oppose à Florence, ville de l’épure et du dessin. Pour que l’opéra pût devenir un genre viable, il fallait qu’il quittât les rives trop bien découpées de l’Arno, l’atmosphère cristalline où se détachent les coupoles et les tours du XVe siècle, et trouvât sa pulpe et sa chair sous les ciels mouillés de l’Adriatique, avant de recevoir, en descendant vers les terres enflammées de Naples, un surcroît de vivacité et d’ardeur.
Perle, p. 141.’

Nouvelle opposition, par la création musicale cette fois, de Florence et de Venise, nouvelle confrontation qui permet de comprendre que Florence n’est pas dispensatrice de plaisir mais, tout au plus, le lieu où l’on peut voir s’exprimer des théories, des ébauches ; mais cette opposition laisse aussi le lecteur en attente d’une définition plus précise du plaisir vénitien, de sa nature et de sa forme. Florence est une ville qui s’organise pour attirer et garder le touriste, une ville qui a voulu rester ce qu’elle était à son moment le plus glorieux, en partie pour conserver cette richesse apportée par des étrangers de passage, tout, d’après les descriptions de Zola, Stendhal, Dumas ou Fernandez, paraît calculé, rien n’est laissé au hasard ; en ce premier point, précisément, elle s’oppose à Venise, ville de la spontanéité : « Voilà peut-être un des rares lieux en Italie où les fêtes costumées ne répondent pas seulement à un calcul touristique, mais à un désir éprouvé de l’intérieur. » (Italie, p. 630).

Venise séduit par son authenticité mais aussi parce qu’elle est sacrée ville de l’érotisme et de la sensualité. « David à Florence, Vénus à Venise. » (Am., p. 186). Selon Dominique Fernandez, pour pouvoir découvrir Venise, il faut accepter, non seulement de s’abandonner aux délices de la ville, mais d’avoir un corps et une sensualité, et faire le voyage de Venise, c’est donc s’initier à cette sensualité, comme le montre Porfirio expliquant les raisons du refus de Constance :

‘En réalité, elle me cacha le motif principal de sa résistance : l’exaltation sans pareil de l’érotisme féminin dans la grande peinture vénitienne. Les Suzanne surprises au bain, les Danaé sous une pluie d’or, les Io en butte aux assiduités de Jupiter, les Vénus déshabillées lui auraient rappelé à quel point elle se sentait elle-même embarrassée de son corps et honteuse. Vénus couchées (à la différence de celle de Botticelli, que sa posture verticale met en quelque sorte hors de portée du désir), Vénus plantureuses et alanguies, offertes comme un fruit mûr, femmes de chair et de sang peintes le plus souvent dans un cadre naturel, au milieu d’arbres dont la splendeur végétale prolonge leur opulente anatomie, émanations du paysage, productions magnifiques de la terre. Jamais civilisation n’a légitimé avec autant d’éclat le plaisir charnel. [...] il faut se rendre à leur vision lumineuse, calme, évidente de sensualité, ou avouer que l’on manque soi-même d’une des composantes essentielles de l’humain.
Porf., pp.216-7.’

Il y a dans l’oeuvre romanesque deux exemples de ce voyage manqué à Venise, de ce rendez-vous escamoté avec la sensualité et l’érotisme : le premier, nous venons de le voir, est dû au refus pur et simple de se rendre à Venise par peur d’y découvrir justement ce monde du plaisir. Si Constance, comme Friedrich dans L’Amour, avait été confrontée à cette sensualité vénitienne, aurait-elle fermé les yeux, comme lui, pour ne pas voir cette invitation à la volupté ? Pour Porfirio, en tout cas, la situation est on ne peut plus claire, le voyage de noces à Florence et non pas à Venise a anéanti tout espoir de transformer la sévère jeune femme en un être sensible aux plaisirs de la chair, son esprit janséniste en une âme adoucie par la musique vénitienne et le sens de la fantaisie.

Quant à Friedrich, ce n’est pas en qualité de protestant qu’il rejette Venise, mais parce qu’il aime Franz. Admirer ces nus féminins ? Ce serait disconvenir au double idéal qu’il s’est fixé à Vienne : cette distinction entre l’amour pour la femme et celui qu’il ressent pour son ami, cette opposition qu’il fait entre le plaisir à visée de reproduction et l’amour pur, dénué de tout intérêt qu’il recherche auprès de Franz, — mais également ce qui fonde sa recherche esthétique.

‘Je n’aime pas Venise. Je cherche à renouveler la peinture, en la ramenant à ses origines. Je cherche le pur, l’élémentaire, le nu. [...] Les Vénitiens, maîtres du coloris, de l’estompé, du clair-obscur, ne sont pas les peintres du « début », ils sont venus « après ». [...]
Au début était le dessin. De ce principe fondamental les Vénitiens ont cru pouvoir se passer. Dans un tableau du Titien, du Véronèse, du Tintoret, impossible de suivre un contour. La couleur estompe les traits. Il ne reste qu’une atmosphère générale, une coloration vaporeuse, qui est sans doute belle et poétique, mais manque au but suprême de l’oeuvre d’art, qui est de satisfaire l’esprit par la contemplation de formes bien découpées.
Am., p. 185-6.’

C’est Venise la redoutable tentatrice que veut fuir Friedrich, dangereuse parce que par les appâts qu’elle montre elle pourrait ruiner en même temps le projet artistique et le projet amoureux de Friedrich. Il y a donc dans cette ville, et même dans ses musées, une force bien vivante qui fait fuir le jeune peintre et repousse Constance. Mais comment définir précisément ce pouvoir ? C’est d’abord pour Dominique Fernandez celui de résister au temps et de rester vivante à travers toutes les contradictions qui la fondent :

‘L’eau. Glauque, noire, rouge, plombée. La matrice originelle de Venise. Un limon boueux, une épaisseur liquide. On oublie trop souvent, devant l’élégance des palais, le cisèlement des architectures, que cette ville est née de la fange, que ses fondateurs, fuyant les barbares qui envahissaient la terre ferme, se sauvèrent au milieu de la lagune, pour y trouver un refuge inaccessible au Huns. Dédale de passes et d’îlots, à l’abri de la cupidité d’Alaric, d’Attila. Un refuge stratégique, mais peut-être aussi quelque chose de plus : une protection comme maternelle, dans cet élément pâteux, marécageux, souillé. L’eau de Venise n’est pas une eau claire : c’est une eau consistante, substantielle, une eau prénatale, plasmatique, une matière première.
Italie, p. 625. ’

Une première contradiction essentielle définit cette ville dont les palais élégants baignent dans la fange. Le résultat de cette intimité avec l’eau est un sentiment proprement baroque, celui d’un univers menacé, susceptible d’être inondé, englouti dans les eaux d’une marée. Ce « refuge » est donc précaire. À Venise, la conception du temps n’est pas la même qu’ailleurs : le fait de tremper dans cette « eau prénatale » la met en relation directe avec la vie et avec la mort. Sentiment d’instabilité, conscience forte du temps qui passe : voilà des thèmes structurant la pensée baroque qui se dégagent de cette analyse fernandezienne de Venise. Or, nous le savons, et Dominique Fernandez le souligne, Venise n’est pas une ville baroque, non par refus, par hostilité comme Florence, mais parce que « dès la fin du XVIe siècle, il n’y avait plus un pouce de terrain libre pour de nouvelles constructions » (Perle, p. 135). Il faut encore, pour éviter un contre-sens, opposer ce sentiment de la mort qui est un puissant aiguillon de la jouissance, du sens du plaisir et de la gaieté, à la célébration décadente de la mort par les écrivains.

La gaieté et la vitalité vénitiennes, Dominique Fernandez les observe dans les rues. La rue offre, on l’a compris, le spectacle premier, l’introduction et la définition de toute ville, c’est par sa rue qu’une ville se livre à lui, révélant son vrai visage, ce qu’elle est, ville de touristes ou ville vivante par son peuple.

‘Nos arrière-petits-enfants ne verront plus Venise : c’est un fait presque acquis. Mais pour l’instant, quelle ville encore prodigieusement vivante ! On s’en aperçoit quand on la visite en hiver, sans les touristes. Les Vénitiens sont grands, de type nordique, énergiques, marchant vite dans les petites rues, parlant fort entre les murs qui résonnent. Partout une activité débordante, un incessant va-et-vient de pas et de bateaux, une quantité de marchés à l’air libre, de boutiques d’artisans. Même par le brouillard, quand les sirènes et les cloches émettent leurs signaux ouatés à travers l’épaisseur de brume, et qu’on entend les piétons avant de les voir, on est frappé par la vitalité de cette population. Entre la diversité, la fantaisie, l’exubérance des façades, et le dynamisme des indigènes, la correspondance ne laisse pas d’étonner. Ces balcons treillissés de rosaces, ces festons de dentelles gothiques, ces incrustations de porphyre et de serpentine, ces arcades, ces chapiteaux, ces arabesques de marbre et de pierre ne sont pas une poudre aux yeux folklorique : toute cette architecture luxuriante et inventive est la manifestation même du caractère vénitien.
Italie, pp. 628-9.’

Les rues vénitiennes répondent aux exigences de l’auteur. Il en livre ici une description qui sans être précise (ce n’est pas un endroit particulier qui est peint) est pourtant minutieuse : une évocation qui tend vers le réalisme, qui permet au lecteur de se représenter Venise non seulement à travers les façades de ses édifices mais à travers les hommes qui y vivent. Harmonie à tous points de vue d’une ville qui ne se contente pas d’être un décor, mais qui offre partout le spectacle de la vie.

Enfin, la troisième raison de la passion fernandezienne pour Venise : sa propension naturelle et historique à être une ville ouverte sur le monde. Qualité qui la définit une fois encore comme une ville double, qui l’oppose donc radicalement à Florence, repliée sur elle-même, pour lui permettre de trouver sens dans et par ses diversités :

‘La basilique de Saint-Marc, on l’a dit mille fois, est le point de rencontre et de fusion entre Constantinople et Rome, entre l’Orient et l’Occident. Le faste des dômes, le chatoiement des mosaïques, l’éclat des ors mettent à la porte de l’Europe la splendeur miroitante de l’Asie. [...] C’est par le commerce avec les Indes et avec la Chine, dont elle avait le monopole, que Venise devint au XIVe et au XVe siècles un des États les plus riches et les plus puissants du monde. Vasco de Gama, en découvrant la route du cap de Bonne-Espérance, mit fin à l’hégémonie vénitienne. Le déclin commença, dès 1497... L’âge classique de Venise doit toute sa puissance à ses rapports avec l’Asie : comme Amsterdam, dont l’épanouissement miraculeux fut lié à l’essor de la Compagnie des Indes orientales.
Italie, pp. 630-1.’

Ville de commerce, certes, mais non pas comme Florence, Venise est une ville liée à la découverte du monde, à l’aventure. D’où cette diversité, cette ville de « fusion », de métissage culturel. Cela peut sembler anecdotique à première vue, mais c’est en fait une des conditions de la passion fernandezienne pour un lieu : la capacité d’une civilisation à accepter ce qui lui est étranger, pour le faire sien, l’intégrer à son patrimoine artistique et culturel. C’est là, pour l’écrivain, ce qui non seulement enrichit mais est garant d’un véritable métissage, d’un mélange de courants apparemment contradictoires, qui forment finalement l’élan de la vie et permettent de redonner souffle au rêve de la mythique du bonheur :

‘Or dans les années 60, vers quel horizon s’est tournée la jeunesse, écoeurée par le matérialisme et la vulgarité de la société de consommation ? Vers les Indes, vers l’Asie, vers l’Orient. Amsterdam est devenue, pour la jeunesse itinérante qui dérive de l’Occident vers l’Orient, un port de transit. Venise aussi pourrait jouer ce rôle, auquel son passé historique et sa situation géographique ne la prédestinent pas moins : accueillir tous les insatisfaits, tous les marginaux d’Europe et d’Amérique, leur ménager une étape avant le grand départ vers l’Est. [...] Décidément, Venise-la-nullement-morte aura eu la vie dure, si elle réussit à incarner le mythe de la libération et du bonheur, pour ces milliers de vagabonds en quête d’une aube nouvelle, d’un monde nouveau où planer.
Italie, p. 631. ’

Porte ouverte non seulement sur l’Orient, mais sur le rêve intérieur, non seulement vers l’exotisme, mais sur les origines, Venise a toutes les qualités pour jouer le rôle de ville idéale. Elle possède toutes celles que Dominique Fernandez attribue aux cités mythiques. Car, à Venise comme à Naples, survivent les mythes, c’est un lieu où la beauté et la vie sont partout présentes, mais aussi un lieu, qui, comme Naples par son volcan, est menacé par ses eaux, par ce qui lui a donné naissance. Ville multiple, ville de croisement, Venise réalise à plein cette ouverture fantastique qui, seule, comble vraiment l’écrivain et l’emporte vers d’autres destinations de métissage :

Qu’est-ce qui fait l’unité de ces régions ?
C’est le métissage culturel. Les régions méditerranéennes que j’aime sont des lieux croisés. Naples et la Sicile sont croisées d’Arabie, d’Orient, d’Islam, de Grèce, d’Espagne qui les ont colonisées à un moment ou l’autre de l’histoire. Quant à l’Andalousie, elle est à moitié espagnole et à moitié arabe, comme en témoigne sa musique, le flamenco, venue d’Inde par l’Égypte.
Est-ce là tout ce que ces régions ont en commun ?
Non. Il y a un autre trait commun, en négatif : l’absence de bourgeoisie. Stendhal l’a très bien vu : ce sont des terres qui ne sont pas dominées par l’esprit bourgeois. La crainte du lendemain, l’esprit d’épargne et d’économie, l’ordre — toutes choses qui font de la France un grand pays, mais assez triste — en sont absents. Ce qui compte, c’est le plaisir, le bonheur de vivre. Au contraire de la civilisation française, la civilisation méditerranéenne est ouverte, hospitalière, accueillante. Dans la maison, il y a toujours une place pour l’autre, l’inconnu, qui est un peu le Dieu de passage.
On décrit pourtant souvent ces régions comme des terres dures, arides, tragiques...
Le Sud est tragique parce que son histoire est tragique : elle est faite d’invasions, d’épidémies, de tremblements de terre et d’éruptions volcaniques. On ne sait pas si l’on ne va pas mourir demain, si on ne va pas recevoir une maison sur la tête... Mais c’est précisément ce sens de la précarité, ce sentiment du tragique qui entraîne la gaieté, l’envie de profiter de la vie 179.’
Notes
175.

Cf. Le Voyage d’Italie, pp. 629-31 et Porforio et Constance, p. 216.

176.

Le Voyage d’Italie, p. 197.

177.

Dans Voyages en Italie, éd. V. Del Litto, « Bibl. Pléiade », 1973, pp. 482-3.

178.

  Cette citation et la suivante (de Dumas), d’après l’anthologie d’Yves Hersant, Italies (Paris : Laffont, coll. « Bouquins », 1988), pp. 468-9, 434 et 436-7.

179.

V. supra p. 307, note 2.