3) La Pologne ou l’étape obligée

Pour être complet, Dominique Fernandez se devait de visiter la Pologne baroque, quoique celle-ci soit au nombre de ces pays européens pour lesquels il ne ressent attirance et éprouve parfois même une certaine méfiance. L’étape polonaise répond donc à la nécessité du projet de la relation de voyage sur l’Europe baroque : l’écrivain ne s’y est d’ailleurs rendu qu’une seule fois, en 1988, ce qui à soi seul montre le peu de plaisir qu’il y a trouvé et le peu d’intérêt qu’il ressent pour ce pays auquel il ne consacre que neuf pages dans La Perle et le Croissant.

Ce n’est pas sans réserve qu’il est prêt à s’enthousiasmer pour les beautés de Cracovie « admirable et touchante », où « tout était noir, éteint, à l’abandon » (p. 533) car « les édifices historiques attestant l’éclat d’une ancienne gloire appartiennent sans exception au Moyen Âge ou à la Renaissance » (p. 533), et surtout parce que ce pays n’a jamais été vraiment baroque. Selon lui, cet art n’a pas correspondu à une réalité mentale et les exemples de baroque polonais ne sont que des mises en oeuvre de la rhétorique baroque, une série d’exercices scolaires plus ou moins réussis mais sans invention, sans souci d’appropriation. À Varsovie, le jugement est plus définitif encore : les Polonais n’ont jamais été et ne seront jamais un peuple baroque :

‘La ville fut détruite à 96 p. cent pendant la dernière guerre. Ils ont reconstruit un certain nombre d’édifices —y compris des églises baroques, objets de leur suspicion. Le décor de Sainte-Anna, par exemple, a été minutieusement reconstitué. Scrupules archéologiques, dont on se demande s’ils ne cachent pas une arrière-pensée persifleuse. [...] Pourquoi, à Varsovie, le neuf a-t-il l’air faux ? Anges mal aimés, auxquels ne manquent ni la beauté des formes ni l’élégance des attitudes, mais le souffle de la vie.
Perle, p. 536. ’

Un seul exemple de « vrai baroque » d’après l’auteur, à l’église de Swieta Lipka. C’était trop peu sans doute pour justifier d’autres voyages en Pologne pour s’éprendre de ce pays qui a tant résisté à la leçon baroque et qui continue, d’après Dominique Fernandez, à résister.