3)L’échec du renoncement au plaisir ou les limites de l’ascète

Militant du plaisir et ascète ? Cette nouvelle alliance de termes, — la dernière pour tenter de parachever le portrait psychologique et moral d’un écrivain aux multiples facettes —, a de quoi surprendre ; elle correspond pourtant profondément à l’éducation dont Dominique Fernandez est issu : une conception rigoureuse de l’existence et du temps tournée vers le travail. Celui qui montre la supériorité des civilisations orales, son goût pour la gourmandise, celui qui parle de la beauté et de l’amour comme des deux pôles nécessaires à son existence est aussi un homme qui a soin d’éviter les excès, qui s’entoure de garde-fous, un homme pour qui le laisser-aller physique trahirait déjà un laisser-aller moral ou psychologique. C’est donc cette recherche de la maîtrise de soi qui justifie un mode de vie soumis aux règles d’une diététique dont il est l’inventeur. Conserver la mesure en toute chose, n’accepter de laisser aller ni au farniente ni aux débordements orgiaques, c’est sans doute sa façon à lui de lutter contre l’angoisse de la mort :

‘Chacun est libre de s’empiffrer et de se saouler à sa guise : mais s’il mange trop, il tombera malade, et s’il dépasse une certaine dose d’alcool, cet excès peut être mortel. « La nature elle-même ne supporte pas la complète liberté », dit Bernard. « Toute plénitude, peut-être, porte en elle le ferment de sa destruction. Tout ce qui se réalise trop parfaitement appelle le germe exterminateur », explique-t-il à Marc outré.
Gan, p. 292.’

À travers l’oeuvre romanesque 240, on trouve de nombreux exemples de ce que l’on pourrait appeler cet ascétisme fernandezien qui montre qu’un régime de vie, incluant non seulement des principes alimentaires mais des horaires et des principes sexuels, est nécessaire pour parvenir à une maîtrise de soi : ce sont là les traces d’un ascétisme dont l’auteur est lui-même un adepte pour s’autoriser avec plus de délices le plaisir qu’il circonscrit à une occasion, à la rareté d’un instant. Sans vouloir trouver en ses personnages des doubles parfaits, les indications qui concernent Bernard dans La Gloire du paria ou Rachid dans Nicolas, — ces deux romans, dont l’intrigue se situe dans une époque contemporaine de celle de leur écriture —, montrent assez bien la représentation que se fait l’auteur d’une alimentation ordinaire : des repas simples, frugaux et rapides 241.

Justifié par les occupations professionnelles et par le souci de ne pas laisser un besoin devenir une préoccupation, l’alimentation revêt toutefois, même dans ce réalisme du quotidien qu’il ne faudrait d’ailleurs pas confondre avec des comportements plus radicaux (le personnage végétarien, comme Franz [Am.] ou M. Prigent [Paria], est toujours assimilé à une sorte de mystique ou de demi-fou qui entretient un dialogue inquiétant avec des forces invisibles), un rôle doublement symbolique, dans la mesure où elle représente le mode de vie d’une catégorie sociale et où elle annonce aussi les caractéristiques d’une attitude face au plaisir.

Ces deux romans de Dominique Fernandez, qui ne sont pas de ses oeuvres majeures présentent des points communs : tous deux mettent en valeur l’histoire d’un personnage (Bernard ou Rachid) qui appartient à cette génération d’homosexuels qui a connu la libération des moeurs après avoir vécu dans le silence et la crainte. Tous deux sont comme rattrapés par leurs vieux démons puisque, après avoir cru vivre en dépit de cette liberté sexuelle qui les a dépouillés de leur identité morale, ils se sont trouvé chacun un moyen d’entretenir le rêve d’une autre vie : Bernard en s’imaginant poursuivre seul les rites d’une clandestinité imaginaire, Rachid en préférant renoncer à son désir en se mariant avec Juliette.

‘Mythologie de tête, mais qui lui suffisait. Sa devise : se tenir constamment « sur le brèche » ; « en attente ». « Prêt. » Prêt à quoi ? À rien, en réalité. Il n’avait aucune envie de reprendre son existence vagabonde et pleine d’aléas ; mais à condition de pouvoir se dire qu’il la reprendrait s’il voulait, au moment où il voudrait. Profondément attaché à Marc, il feignait en somme d’avoir les coudées franches — toujours à cause de la survivance de l’interdit. Chercher sans cesse, draguer — non par désir de trouver, mais par peur de s’avouer : « J’ai trouvé. »
Il lui fallait croire, pour accepter le bonheur qu’il en retirait, que leur relation était précaire, révocable.
Paria, pp. 46-7.’

Bernard, par ce jeu, se donne l’illusion de l’instabilité, sans croire tout à fait à son propre rite, ou plutôt à son simulacre de rite. Ses déambulations nocturnes dans le métro ou dans les rues parisiennes ne lui apportent que le frisson de l’éventualité d’une aventure, prémisse d’un plaisir sans réalisation, elles ne constituent pas en tout cas une initiation à la libération des moeurs, comme le montre la méprise dans laquelle est tombé Bernard à propos des backrooms :

‘À la suite d’une indiscrétion de Xavier, le plus « mondain » de leurs amis, toujours porté par franchise ou enclin par malice à semer la zizanie dans les couples, le jeune homme avait appris que Bernard fréquentait aussi les backrooms du Polichinelle et de l’Arquebuse. Du moins, l’avait-on vu s’enfoncer dans ces arrière-salles sans lumière, les témoignages, par la force des choses, s’arrêtant au seuil des ténèbres.
Cette nouvelle avait d’abord fâché Marc. Il lui semblait que son ami n’avait pas besoin de courir des risques inutiles, en se mêlant à cette foule sournoise stimulée par l’anonymat des ébats, où le plaisir consiste à s’abandonner à des caresses, quelquefois des assauts plus crus, dont l’auteur garde dissimulé son visage grâce à l’obscurité complète. On pouvait en outre attraper, [...] n’importe quelle maladie [...].
Les craintes de Marc s’évanouirent le jour où Bernard amena lui-même la conversation sur ce qu’il appela le black room du Castor, un nouveau local à la mode.
— Comment as-tu dit, Bernard ?
— Le black room du Castor.
— On ne dit pas : black room ! On dit : backroom, chambre placée en arrière.
— Ah ! je croyais... fit Bernard, mortifié de cette bévue mais surtout déçu par le manque d’imagination de la population gay.
Chambre noire : pièce entièrement close, remplie de spectres condamnés à tourner en rond dans l’opacité d’une nuit perpétuelle ; course d’ombres ne connaissant ni trêve ni répit ; expiation collective d’un péché obscur : il avait fantasmé sur cette métaphore de l’enfer. Ramené aux proportions banales d’une annexe lucrative, le backroom du Castor cessa de l’attirer.
Paria, pp. 63-5.’

La nature même de ce fantasme explique la méprise et la conduite de Bernard : ce qu’il recherche est au fond une preuve de la négation de la permissivité, le signe patent que la satisfaction du désir reste un acte lié à la clandestinité, à l’ombre et à la faute. Le recours à un vocabulaire religieux indique avec force le lien établi entre le plaisir et le châtiment, entre la sexualité et la faute. Car Bernard aurait la certitude de se nier lui-même s’il renonçait à l’idée que son plaisir n’est pas déterminé par un interdit social. Dominique Fernandez, en créant ce personnage, intègre un héros d’un nouveau genre dans son univers romanesque, un homme qui non seulement reste attaché à la lutte pour obtenir une reconnaissance sociale au point de ne se satisfaire d’aucun signe de progrès, mais qui se trouve aussi dans l’incapacité de se reposer dans la satisfaction d’une relation stable, qui a besoin de se sentir menacé, quitte à menacer lui-même le confort de son univers. Le sida, dans ces circonstances, est une véritable providence : la peur d’un nouveau fléau réactive les peurs ancestrales et la haine de la majorité pour les minorités touchées, victimes traitées en coupables, de plus, Bernard peut pousser jusqu’au bout sa critique de la permissivité, montrer qu’il avait raison en soutenant l’incompatibilité de la liberté avec son désir. Après le fantasme des backrooms, celui de la maladie. Ce dernier ne sera pas remis en cause par Marc qui comprend que la sérénité de Bernard sera acquise au prix de cette ultime méprise :

‘— Le plus important, bien sûr, c’est Bernard lui-même. Se voir abandonné par ses amis, boycotté par ses lecteurs, mourir dans le sentiment qu’on est un réprouvé, quelle fin horrible... Tu vas lui porter cet article où il apprendra qu’il est victime d’un stupide accident, d’un hasard de distribution des flacons... Rien d’autre... Le voilà disculpé aux yeux du monde... C’est en somme une erreur judiciaire, réparée à temps... On l’a condamné pour un crime qu’il n’avait pas commis.
— Je ne lui porterai pas cet article, dit Marc.
— Mais le fait est prouvé, archiprouvé, répéta Nicole, se méprenant sur la réaction du jeune homme.
— Écoutez, Nicole. Il y a des semaines que je n’adresse plus la parole à personne, que je n’ai personne à qui me confier. Vous étiez une bonne amie de Bernard. Faites l’effort de comprendre que pour lui, savoir qu’il meurt d’un accident, d’un hasard, ce serait une découverte affreuse. Quand je vous ai vue, ma première pensée a été : « Oh ! enfin une visite ! Comme Bernard sera heureux ! » Eh bien non, Nicole, il ne faut pas que vous alliez l’embrasser. Je ne lui dirai même pas que vous êtes venue. Il a besoin de se dire qu’il est abandonné par tous, que le monde lui est hostile et qu’il meurt en paria. Si vous lui ôtez cette conviction, vous enlevez tout sens à sa maladie, et il mourra vraiment désespéré.
[...]
— Bernard n’est pas taillé à notre mesure. Non seulement il ne cherche pas à être acquitté, mais il supplierait le tribunal de ne pas le renvoyer libre. Laissons-le croire que le monde le juge coupable et le condamne. Qu’il meure avec l’illusion d’avoir contrevenu à ses lois, c’est le plus beau cadeau que nous puissions lui faire.
Paria, pp. 243-5.’

La critique de la permissivité, celle d’une mode qui invite à goûter sans limites à tous les plaisirs existe aussi chez Dominique Fernandez lui-même : il voit dans cette course effrénée dont on ne retire rien, d’une part, la faillite de l’art et du roman en particulier qui, sans contraintes à respecter, sans règles à transgresser, se voient privés de leur fonction première, celle de révéler la nature des rapports humains, et d’autre part, un appauvrissement général de la société : quoi de plus déprimant en effet que de trouver le plaisir sans l’avoir cherché ?

La voie choisie par Bernard n’en est pas une : elle repose sur la complicité amoureuse de Marc qui entretient en lui le mythe d’une maladie mortelle imposée comme un châtiment par le caprice du destin qui, en le choisissant comme victime, confirme son élection. Mais une autre voie est tentée par Dominique Fernandez pour renouveler cette interrogation sur le plaisir, en créant le personnage de Rachid dans Nicolas.

L’histoire, le drame de Rachid mérite d’être résumé avant même d’examiner la solution qu’il croit trouver pour échapper à l’omniprésence d’un plaisir facile devenu une marchandise comme une autre, un fait de civilisation, un article de la panoplie l’homme moderne. Dominique Fernandez, fidèle à sa conception des personnages, en fait un héros né doublement marginal : petit-fils d’émigrés algériens et homosexuel, il a bravé les interdits pour satisfaire ses désirs, a milité pour revendiquer ses droits que, sitôt acquis, il a considérés comme le signe d’une décadence individuelle, l’altération de son identité, la vulgarisation de son plaisir, et c’est alors qu’il a non seulement renoncé à son désir, mais a choisi l’autre voie, celle qu’il nomme lui-même, hésitant sur l’adjectif à employer, « une vie plus... plus normale » (p. 138) en épousant Juliette et en fondant une famille. Parcours paradoxal, ambiguïté profonde de ce personnage qui ne suit qu’une logique, celle de se mettre en danger :

‘Je me suis marié. Pourquoi, moi aussi, du grand nombre, puisque désormais j’en faisais partie, ne pas adopter les habitudes, les avantages, la possibilité d’avoir une vie régulière, pignon sur rue, des enfants ? À condition, bien entendu, d’éviter la facilité, l’embourgeoisement, le train-train. Juliette n’est pas n’importe qui. Tu la connais : belle, autoritaire, indépendante, passionnée sous une apparence de froideur. Elle avait tout pour plaire à celui qui, loin de vouloir se « ranger », comme la malveillance en a répandu le bruit, ne cherchait au contraire qu’à retrouver le risque. Les émotions et l’insécurité de ma jeunesse, Juliette me les rendait. J’affrontais un nouveau danger, en me mesurant à une femme de cette trempe. Notre mariage n’irait pas tout seul, c’était à prévoir. Nous n’avions pas signé un pacte à vie, mais un engagement provisoire, révocable à tout moment. La partie, entre nous, ne serait jamais gagnée. Me lancer dans une aventure de ce genre, n’était-ce pas beaucoup plus neuf, plus audacieux, plus aléatoire, que de traîner dans le Marais ?
Nicolas, pp. 139-40. ’

Le mariage avec Juliette constitue donc encore pour Rachid, au moment où Nicolas fait son apparition, une nouvelle aventure, le deuxième mouvement de sa vie, celui où il a renoncé à la facilité du plaisir par dégoût de la permissivité mais non sans en avoir fait la critique violente dans un « hebdomadaire de gauche à fort tirage », en écrivant par exemple : « Tout est permis, à présent, tout est possible. Que dis-je ? Tout est obligatoire. [...] Ceux qui ont longuement rêvé à des partenaires inaccessibles, ceux qui se sont consumés pour des idoles hors de portée, comprendront la déception et l’amertume d’un homme à qui les plaisirs sont offerts comme les pommes au marché ? » (p. 114).  Or, l’arrangement trouvé par le couple pour satisfaire une commune exigence de sentiment de précarité est remis en question avec l’arrivée dans leur vie de Nicolas. Jeune Russe parfaitement insensible au monde qui l’entoure, ignorant des dommages que son comportement peut causer, il séduit par un charme irrésistible et inspire à Rachid la tentation de ce que l’on pourrait appeler une troisième vie, caractérisée cette fois par le défi de l’amour courtois.

Situation extatique, contemplation à distance de l’aimé avec défense de transformer en un commerce charnel ce qui doit rester une relation idéale : c’est la conception de l’amour que se forge Rachid dans son adoration de Nicolas. Rien de commun donc, ni avec sa première existence de « délices et de joies du défi » ni avec la deuxième qui apparaît comme un pacte intellectuel, une bravade morale : c’est du moins ce que pense Rachid et ce qu’il tente de démontrer à Antoine.

‘ Nicolas n’est pas un objet de désir. Je l’abîmerais en le touchant. [...] Oh ! je n’ai pas besoin de Juliette pour sentir, entre Nicolas et moi, une barrière infranchissable ! Les règles de l’amour courtois, qui empêchaient Dante d’adresser la parole à Béatrice et le paralysaient en présence de la jeune fille, au point qu’il n’osait même pas la saluer dans la rue, me tiennent à distance du jeune Russe plus sûrement qu’aucune surveillance d’épouse ou jalousie de cerbère.
— Quel type étrange tu fais, Rachid ! C’est vrai que tu as failli entrer dans les ordres, autrefois.
— Les quelques mois que j’ai passés au monastère m’ont beaucoup appris. Dans la religion, le plus précieux ne peut être atteint. Ni le tabernacle sur l’autel, ni le ciboire dans le tabernacle, ni l’hostie dans le ciboire. Voilà en quoi le cloître diffère le plus du monde. Serais-tu capable d’éprouver, dans le manque, dans l’impossibilité de rejoindre ce que tu aimes, la plénitude du sentiment amoureux ? Non, n’est-ce pas ? Toi et tes semblables, Antoine, vous perdez une dimension essentielle de l’amour. [...] Ce qu’il y a de beau avec Nicolas, c’est qu’il me pousse au mouvement contraire : à garder la distance , à me tenir à l’écart, à rester au loin. En somme, l’amour pur, dissocié de la possession.
Nicolas, pp. 143-4. ’

L’idéal de Rachid réunit les éléments d’une religion : l’extase, au point d’en devenir aveugle (il croit contempler la fenêtre derrière laquelle se trouve Nicolas et prend conscience de « sa bévue » en apercevant « la grosse fille de la concierge242 »), l’adoration distante, l’amour spirituel ; mais, dans ce roman pas plus que dans L’Amour où l’idéal de l’amour pur de Friedrich se conclut par la fuite du jeune peintre et par le suicide merveilleux de son ami Franz, l’amour pur, — c’est-à-dire, ici, une relation amoureuse sans possession et même sans geste amoureux, un lien maintenu seulement par la force d’un désir jamais satisfait, — n’est pas montré comme un bien humain, comme une fin réalisable pour le héros.

Acculé dans ses retranchements, non seulement par l’attitude soupçonneuse de Juliette, puis par la preuve qu’elle lui apporte de l’humanité de celui qu’il a pris pour un dieu, par les provocations d’Henri Sauterot, mais surtout par ses propres contradictions, Rachid doit bientôt comprendre que son idéal est une quête de l’impossible, qu’il ne peut continuer à brûler d’un désir qui n’est pas le sien, que la fin’amor n’est pas envisageable dans la vie réelle. Son renoncement au plaisir est un échec.

Cet échec n’est pas tant le produit de sa réflexion qu’une prise de conscience provoquée par son propre corps : comme dans les épisodes de fiasco entre Porfirio et Constance ou entre Friedrich et Franz, le corps s’exprime à la place de l’esprit, et celui dont le lecteur ne saura jamais à quoi il ressemble, puisqu’il n’est jamais décrit, comme une sorte de héros fantôme, pour avoir voulu vivre à la hauteur d’un dieu, dans le mythe d’une relation idéale, puis pour avoir voulu éprouver la force de cet idéal, doit finalement tirer le constat de son échec :

‘Ces bordées de mots inusuels dans sa bouche, sonnaient-elles au moins la victoire, comme le clairon sur le champ de bataille ? Hélas pour Rachid, s’il faut dire la vérité, celle-ci était moins glorieuse. Il avait beau, à force d’injures, d’obscénités, chercher à s’exciter, comptant, comme un charretier, faire avancer sa mule à coup de braillements orduriers, la mule n’avançait pas. Recroquevillée, ratatinée, toute fripée, toute flasque, elle refusait le service, bête rétive ou flapie.
La panne ! La panne minable ! La panne honteuse ! Jamais dans sa carrière de gay, Rachid n’avait connu le fiasco.
Nicolas, pp. 267-8. ’

Rachid n’a pas pu résister à la tentation. Cependant son échec est double, en réalité, puisqu’il n’a pas été en mesure d’aller jusqu’au bout de son désir de dégradation de son idéal, son corps ayant refusé de se soumettre à ce désir, et il ne peut plus, non plus, après cet épisode qui l’a déshonoré, continuer à se jouer la comédie de l’idéalisation : ce personnage complexe qui, développé, aurait été vraiment fascinant, représente l’échec du renoncement au plaisir, la preuve que, dans la représentation fernandezienne de l’existence, la quête du plaisir est bien considérée comme le propre de l’homme, et que, si celui-ci, voulant imiter les dieux, y renonce (ou a l’ambition d’y renoncer), il s’expose aux tragédies les plus violentes, offrant son corps au bourreau ou sacrifiant, comme Rachid, la personne qui représentait une sorte d’équilibre...

Une fois encore, la leçon du Sud, la leçon du désir qui, ailé, léger et tout-puissant, guide les personnages, est celle qui s’impose, elle seule permet la vie, elle seule, selon Dominique Fernandez, est vraiment à la portée de l’homme.

Notes
240.

Voir supra, première partie, chapitre III.

241.

Paria, pp. 51, 138. Nicolas, pp. 149, 243.

242.

Nicolas, p. 210.