2.1.1 Le modèle néoclassique, point de départ des analyses de la relation entre migration et croissance

L’analyse néoclassique de la croissance a été l’oeuvre d’un économiste keynésien, R. Solow (1956). Cet auteur est le premier à construire un modèle de croissance selon les schémas néo-classiques. La principale caractéristique de ce modèle par rapport aux modèles keynésiens de première génération53 est, d’une part, la variabilité et l’endogénéité du coefficient de capital et, d’autre part, l’existence d’une croissance équilibrée stable lorsque les taux d’épargne global et de croissance de la population sont donnés et constants.

Le modèle repose sur l’hypothèse fondamentale de concurrence pure et parfaite où l’économie se trouve dans un univers walrasien d’équilibre simultané des marchés des produits et des facteurs de production. La fonction de production utilisée est linéaire et homogène ; ce qui signifie économiquement des rendements d’échelle constants et par conséquent le produit se répartit entièrement entre la rémunération des salariés – la masse salariale – et la rémunération des capitalistes – les profits – du fait de la rémunération des facteurs, capital et travail, à leur productivité marginale (règle de l’épuisement du produit).

Il importe de remarquer qu’il n’y a pas de chômage dans ce modèle à cause de l’équilibre simultané de tous les marchés, y compris donc le marché du travail. En effet, la malléabilité du système productif permet l’ajustement de la demande de travail, et ce quel que soit le taux de croissance de la population.

Grâce à la flexibilité du système permettant l’adaptation de la combinaison productive et aux forces du marché, la rareté relative d’un facteur de production est compensée par l’utilisation plus intensive de l’autre. Dans cette perspective, l’arrivée de travailleurs migrants perturbe l’équilibre des marchés du travail, du capital et des produits en même temps qu’elle déclenche les mécanismes correcteurs appropriés qui conduisent au retour à une situation d’équilibre54.

Le modèle néo-classique de base a subi plusieurs modifications de sorte à ce qu’il intègre une plus grande part de la réalité migratoire, tout en sauvegardant ses principales conclusions, en particulier l’existence d’un équilibre au niveau international. Ainsi, par exemple, l’hypothèse d’homogénéité du facteur travail a été abandonnée au profit d’une distinction entre travail qualifié et travail non qualifié. Cependant, quelle que soit la complexité des modifications apportées, les présupposés de la théorie néo-classique restent la référence de base des « nouveaux » modèles qui constituent le fondement de l’analyse du lien entre immigration et croissance économique.

Notes
53.

Les modèles keynésiens de première génération sont ceux de Harrod (1939, 1940) et de Domar (1946). Contrairement au modèle néo-classique, la fonction de production est à coefficients fixes, ce qui implique un rapport capital travail constant. Ces modèles supposent à la fois la rigidité des taux d’épargne et de croissance de la population et la constance des prix, des salaires et des taux d’intérêt. Pour une présentation des modèles de croissance, voir en particulier : P.-Y. Henin [1981]. Macrodynamique : Fluctuations et croissance, 2e édition, Economica, Paris, 512 p, pp. 189-321.

54.

Pour un exposé et une critique du modèle néo-classique, voir C. Mercier, op. cit., pp. 11-76.