Chapitre 2 : La méthode des entretiens de récits de vie

« Les individus froidement rationnels peuplent peut-être les livres d’études, mais le monde est plus riche que cela ».
Amartya Sen, Éthique et économie, PUF, 1991.

La finalité de l’entretien de recherche – les récits de vie – est de saisir des comportements, des relations, des activités et de construire les logiques qui leur sont liées : par exemple, l’examen de la sociabilité communautaire nous a permis, entre autres, de repérer les réseaux de relations financières des migrants maliens et sénégalais. L’entretien permet ainsi d’extérioriser ce qui était intériorisé, de rendre explicite ce qui était implicite.

Dans un entretien, l’enquêté est mis à contribution et participe activement à la production des informations, contrairement au questionnaire, caractérisé par une standardisation des questions, qui peut paraître parfois contraignant voire autoritaire en ce sens qu’il ne permet pas aux personnes interrogées de s’exprimer librement.

L’entretien favorise donc la collecte d’informations nombreuses et utiles relatives aux représentations et pratiques de l’enquêté. Il s’adresse à un nombre relativement limité de personnes, ce qui, pour certains, constitue sa principale limite. Or comme le soulignent J. Guibert et G. Jumel (1997)121, les querelles entre les partisans des méthodes qualitatives et les défenseurs des méthodes quantitatives se sont largement estompées aujourd’hui favorisant ainsi un usage conjugué et complémentaire de ces deux méthodes. Il devient donc envisageable, voire souhaitable, « de compléter les entretiens par des questionnaires » afin de produire, au-delà des différences entre les personnes, « des régularités statistiques » qui révèlent l’importance « des déterminations sociales sur les comportements » socio-économiques.

Ce chapitre se répartit en deux sections. La première présente les limites de l’expérimentation en économie comme raison justificative du recours à l’enquête par entretien. La seconde montre que l’entretien constitue bien un instrument de recherche scientifique. La méthode des récits de vie ouvre une voie féconde pour l’analyse des phénomènes économiques ou sociaux marginaux.

Notes
121.

J. Guibert et G. Jumel [1997]. Méthodologie des pratiques de terrain en sciences humaines et sociales, Armand Colin, Paris, 216 p.