2.1 Les transferts effectués par les institutions financières

Cette option est probablement la plus courante. C’est la principale motivation d’épargne bancaire, et ceci est confirmé à la fois par les enquêtes menées auprès des migrants et celles menées auprès des banques210. C’est la raison pour laquelle la rémunération importe peu, les migrants recherchent avant tout la minimisation des frais inhérents aux transferts et surtout la possibilité de pouvoir disposer des fonds à leur guise et dans des délais minimum à leur retour au pays.

Au-delà de ce constat, on se heurte ici à la difficulté d’obtenir des données chiffrées, tant sur les montants des comptes d’épargne des migrants maliens et sénégalais que sur leurs transferts. En particulier, il est difficile de différencier la clientèle de migrants du reste de la clientèle et de différencier pour les transferts le pays de destination.

Les problèmes évoqués par les migrants existent à la fois dans les pays d’origine et d’accueil. Au niveau de la France c’est tout d’abord la limitation du montant des transferts à un seuil de 1 000 francs par la Poste qui pose problème. Un migrant qui veut envoyer de l’argent à une même personne, 3 000 francs par exemple, doit faire trois mandats de 1 000 francs et par conséquent payer trois fois les frais de transfert. Le coût unitaire de cette opération est souvent jugé élevé par certains migrants. En particulier, ceux qui font des virements à partir de filiales, succursales ou bureaux de représentation de banques africaines. Certes plus commode, le virement coûte relativement cher à la personne qui le fait – cela dépend de la banque africaine en question.

Encadré 2.11: Analyse comparative des frais de transfert

  • D’après nos enquêtes, les instruments de transferts les plus utilisés en France par les migrants sont : le virement bancaire, le mandat carte de La Poste et la mise à disposition bancaire (exemple du système Western Union)

  • Les différences de qualité et de coût font que ces instruments sont appréciés diversement par les migrants. Prenons l’exemple de trois montants de transfert et comparons leurs coûts :

Montant du transfert Mandat carte Western Union Banque BRED
700 34 126 96,48
1800 39 162 96,48
3500 54 252 96,48

Les frais relatifs aux ordres de transfert à l’étranger sont différents selon les banques. Par exemple, pour la Banque Populaire (BRED), le coût est de 96,48 francs pour tout montant de transfert inférieur à 500 000 francs. Au-delà de cette somme, la banque applique un taux de 0,12 % sur le montant du transfert. Cette formule intéressante comporte un inconvénient majeur, à savoir que le destinataire doit être titulaire d’un compte bancaire. Les mandats postaux ont les coûts les plus faibles mais aussi le temps de transfert le plus long, la durée minimale étant d’au moins une semaine. A l’opposé, les fonds transférés par le système Western Union sont disponibles en moins d’une heure mais pour un montant de frais beaucoup plus élevé.

Le tableau suivant résume les principaux avantages et inconvénients de chacun de ces instruments :

Instruments Avantages Inconvénients
Virement bancaire - Rapidité
- Sécurité
- Coût élevé
- Le destinataire doit avoir un compte bancaire
Mandat carte - Coût faible
- Simplicité
- Délai long
Western Union - Simplicité
- Sécurité
- Rapidité extrême
- Coût élevé

L’ouverture de comptes d’épargne bancaire par certains migrants répond principalement à leurs besoins d’effectuer des transferts financiers. La non rentabilité financière des opérations de transfert pour les institutions financières françaises les conduit à n’accorder aucun intérêt particulier à la clientèle immigrée. L’amélioration des conditions de transfert ne peut donc provenir de ces institutions financières.

Au niveau des pays d’origine, plus particulièrement au Sénégal, la longueur du délai de réception est un problème récurrent. D’après les migrants, il arrive souvent que les fonds ne soient pas disponibles, ce qui pose des problèmes lorsque les transferts sont effectués pour des besoins de consommation urgents. Au cours de cette période d’attente certaines familles sont obligées d’emprunter à leurs amis ou voisins pour assurer leurs dépenses quotidiennes.

Les détournements de mandats sont aussi un problème évoqué ; les migrants soupçonnent les agents de caisse de prélever régulièrement une partie des fonds, les coûts de retrait étant jugés très élevés. L’Union des travailleurs sénégalais en France/Action revendicative déclarait le 22 février 1995 que « très peu sont les mandats payés à leurs destinataires dans des délais et conditions acceptables ». Elle affirme aussi que « les postes du Sénégal sont devenues des locaux aux caisses vides parce que les fonds destinés à payer les mandats sont utilisés par le gouvernement à d’autres fins : boucher des trous que les immigrés et les travailleurs de notre pays n’ont pas creusé. Cette pratique a un seul nom : c’est un détournement »211.

Notes
210.

R. Blion [1997]. Épargne des migrants et outils financiers adaptés, Cimade-Europact-ABPCD, Rapport intermédiaire n° 2, 79 p.

211.

Cité par I. Sakho dans le quotidien dakarois Walfadjri du 13 mars 1995.