4.1.2 L’accroissement des difficultés en pays d’origine et les restrictions à l’immigration

S’intéresser à l’aspect quantitatif et au rôle qualitatif des fonds transférés au Mali et au Sénégal, c’est aussi s’autoriser à s’interroger sur l’affectation de cet argent par les destinataires. Jusqu’à une période relativement récente, ces capitaux ont souvent servi à couvrir des dépenses improductives, essentiellement à caractère mimétique, au détriment d’une allocation productive ou d’emplois alternatifs efficients. La conception et l’utilisation des dons par les bénéficiaires restés au pays sont en cours d’évolution sous la double pression de l’accroissement relatif de la pauvreté en Afrique et de la montée de la précarité de l’emploi et de la hausse continue du chômage en terre d’accueil.

La progression de la misère a favorisé une prise de conscience généralisée des populations africaines et des immigrés qui semblent être convaincues de l’ultime nécessité de développer leurs propres affaires. L’esprit d’entreprise guette de plus en plus les individus et devient ainsi le seul moyen pragmatique de retrouver un niveau de vie et de santé décent. Il est fréquent que des parents et amis conseillent voire exercent une pression sur les migrants pour qu’ils montent une activité lucrative pour se prémunir contre l’incertitude d’un futur proche et s’assurer d’une éventuelle réinsertion économique ou d’une retraite satisfaisante au retour. Cette incitation à l’entrepreneuriat privé justifie en partie le fait que les parents et amis soient, comme le montrent les résultats de l’enquête, les associés préférés des migrants.

Les immigrés exigent aussi une utilisation plus réaliste et plus productive des fonds envoyés. Deux raisons principales permettent de justifier, croyons-nous, cette exigence. La première est de bien préparer le retour en Afrique occidentale. La classe d’immigrés qui veulent rentrer plus tard chez eux pensent déjà à leur insertion dans l’activité économique et sociale de leur pays d’origine.

La seconde raison est de favoriser la création d’une entreprise ou d’une activité économique, le plus souvent commerciale, de façon à permettre à la famille de s’autogérer à partir des flux de bénéfices engendrés par l’entreprise. Il sera alors possible d’arrêter définitivement l’envoi de capitaux ou à la limite d’effectuer des transferts de fonds épisodiques suite uniquement aux cas de force majeure, événements exceptionnels heureux – baptêmes, mariages, etc. – ou malheureux – décès.

Par ailleurs, les limitations des flux migratoires conduisent aux mêmes effets, à savoir le développement de l’initiative privée chez nombre de migrants et de candidats potentiels à l’émigration. En effet, la plupart des pays du Sud et des pays de l’Est sont confrontés à un chômage massif et à une pauvreté croissante. Ce qui incite, il est vrai, nombre de leurs habitants à considérer la migration internationale comme une nécessité, une « solution économique de rechange ».

Or, la montée du chômage depuis la fin des années soixante a conduit les pays développés à restreindre fortement – par des contrôles partiels et des procédures de sélection très strictes – les flux migratoires de travailleurs. Cette situation invite implicitement les migrants et les émigrants potentiels à se préoccuper de leur sort et par conséquent à se tourner vers l’entrepreneuriat privé.