1.2.3 Les limites des plans d’ajustement

Contrairement à l’impression courante et aux discours du FMI et de la Banque mondiale, les plans d’ajustement structurels ne visent pas explicitement le développement économique et social de l’Afrique mais plutôt le rétablissement de la solvabilité financière des pays328. Ayant un caractère transitoire au début, les politiques d’austérité imposées par les plans d’ajustement structurels perdurent encore et conduisent souvent au marasme économique.

L’objectif d’équilibre des comptes extérieur et public, par l’adoption de mesures orthodoxes – libéralisation et déréglementation de l’économie –, a abouti à une décroissance continue de la qualité et des niveaux de vie des populations, en particulier celles des plus vulnérables et généré des réactions hostiles aux plans d’ajustement structurels.

Deux principales critiques peuvent être formulées, une critique interne et une critique externe (P. Jacquemot [1983]329). La critique interne s’attelle à monter la fatalité de l’échec des plans d’ajustement structurels du fait de l’inadéquation des mesures libérales au contexte des économies subsahariennes. Le retour à l’équilibre financier est un impératif incontestable, ne serait-ce que pour éviter une situation d’endettement permanent. Mais l’application des mécanismes de marché (vérité des prix) connaît de sérieuses difficultés. En particulier, la structure des prix relatifs ne répond pas à une meilleure affectation productive des ressources financières, cela pour deux raisons essentielles :

Dans ce contexte, l’austérité économique contribue plus à aggraver qu’à résorber les déficits externe et interne. La Facilité d’ajustement structurel (FAS), créée en 1986, et la FAS renforcée (FASR) (1987), aides concessionnelles aux pays en développement à faible revenu, n’ont pas non plus permis de rééquilibrer leurs balances de paiements. Trente pays africains en ont bénéficiées mais sans succès notable pour plusieurs d’entre eux. Au mois de juillet 1999, cinq pays d’Afrique occidentale, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, le Mali et le Sénégal, étaient sous programme FASR.

La critique externe consiste à réfuter les vertus autorégulatrices du marché qui sont les soubassements théoriques des plans d’ajustement structurels. La mobilité des facteurs de production, la fluidité des échanges externes et internes, la flexibilité des prix relatifs... sont autant d’hypothèses irréalistes.

L’univers néoclassique standard élude totalement les rapports sociaux, l’inégalité des rapports de pouvoir et d’influence, les interdépendances stratégiques et l’asymétrie d’information entre les agents économiques. Il est clair que, dans cette optique libérale, les politiques d’ajustement étaient vouées à l’échec. Les résultats globaux sont, en définitive, une paupérisation croissante et une montée importante du chômage. Même dans les pays qui ont enregistré une croissance économique, le niveau de vie ne s’est guère amélioré ou, dans le cas contraire, il s’est fait au détriment des populations pauvres – effets négatifs de la redistribution.

C’est ainsi que la dimension sociale a été introduite dans la formulation des programmes du FMI. Le rapport de l’UNICEF330 avait préconisé six propositions, dont l’ampleur et l’interprétation varieraient d’un pays à l’autre, dont trois nous semblent très intéressantes. Il s’agit :

Conscient du rôle moteur du social dans le développement et prenant acte des critiques et suggestions, le FMI a injecté une dose sociale dans sa politique. Aussi, cette nouvelle orientation des institutions internationales (FMI, Banque mondiale) privilégie-t-elle l’appui d’investissements dans le capital humain, les infrastructures et la mise en place d’institutions démocratiques, solides et stables. Cependant, il faut reconnaître, avec A. Huyghe-Mauro et N. Richez (1990)331, que l’intégration des réalités socioculturelles dans les programmes d’ajustement a été très superficielle. Ainsi, les plans d’ajustement structurels sont-ils toujours sujets à discussion même s’ils connaissent en permanence des évolutions332.

Actuellement, l’objectif de ces programmes demeure la poursuite des réformes structurelles déjà engagées. Il s’agit notamment de parachever les privatisations des entreprises publiques et de poursuivre les réformes fiscales. En sus de ces deux recommandations, le Mali doit restructurer la filière coton et promouvoir l’éducation primaire et la santé333 tandis que le Sénégal doit restructurer et rétablir l’équilibre du Fonds national de Retraite et privilégier davantage l’avancement au mérite sur l’avancement à l’ancienneté dans la fonction publique334.

Notes
328.

Des voix de plus en plus nombreuses réclament l’annulation pure et simple de la dette des pays en développement. Annulation qui se justifie d’autant plus que plusieurs pays ont déjà remboursé le montant initial de leurs emprunts originels. Ces pays demeurent toujours endettés du fait du système de capitalisation des arriérés de paiement. Voir N. Mansouri-Guilani [1998]. « Pour une nouvelle régulation des relations internationales », Hommes et Migrations, n° 1214, juillet, pp. 5-16.

329.

P. Jacquemot [1983]. « Le FMI et l’Afrique Subsaharienne : une critique des politiques d’ajustement », Problèmes économiques, n° 1.845, pp. 13-18.

330.

Voir Andréa G. Cornia et alii [1987]. L’ajustement à visage humain, protéger les groupes vulnérables et favoriser la croissance, Paris, Économica, 372 p.

331.

A. Huyghe-Mauro et N. Richez [1990]. « La dimension sociale dans les politiques d’ajustement structurel en Afrique subsaharienne : éléments de réflexion », Monde en développement, tome 18, n° 71, pp. 59-63.

332.

Les populations des pays en développement, les plus démunis en particulier, peuvent-ils encore aujourd’hui croire aux politiques libérales imposées par le FMI et la Banque mondiale lorsque tout un chacun sait que leur application tant dans les pays en développement et que dans les pays développés est actuellement à l’origine de graves problèmes socio-économiques – la persistance du chômage et l’accroissement de la précarité.

333.

Ces recommandations entrent dans le cadre du nouveau programme triennal soutenu par une FASR conclu en juillet 1999 entre le Mali et le FMI.

334.

Il s’agit d’éléments de recommandations contenus dans le programme triennal d’ajustement structurel en cours au Sénégal, programme qui est assorti d’une FASR pour la période 1998/2000.