3.2.1 Des investissements concentrés sur quelques secteurs et très peu générateurs d’emplois

Nous avons déjà évoqué la concentration des projets individuels réalisés dans le pays d’origine sur un petit nombre de secteurs tels que le petit commerce, l’acquisition de cheptel au village et la construction de maisons. La création de petites et moyennes entreprises est très rare et le plus souvent il s’agit d’entreprises d’imports exports ou de transport. Cependant, l’investissement dans l’habitat demeure le principal secteur de prédilection des immigrés. Plusieurs études corroborent ce fait essentiel qui semble une réalité que l’on retrouve chez tous les expatriés386.

Ce choix de propriété foncière et immobilière a des conséquences socio-économiques favorables à la société et au tissu urbain. Le dynamisme des investissements de migrants internationaux sénégalais a permis en particulier de pallier aux insuffisances quantitatives et qualitatives du parc de logements – insuffisances dues au désengagement de l’État qui a fortement réduit les subventions allouées aux sociétés immobilières387. En effet, après avoir acheté et transformé des maisons, les migrants les louent à des prix abordables aux personnes à revenus modestes et celles du secteur dit informel exclues des programmes d’habitat planifié.

Après 1974, date d’arrêt de l’immigration de travail, les migrants ont par précaution commencé à investir au Sénégal. La première vague d’investissements a démarré en 1978 avec comme priorité la réalisation d’investissements d’ordre familial ou communautaire à caractère social388.

Le fait d’habiter en ville avec leur famille constitue pour les migrants d’origine rurale une certaine élévation dans l’échelle sociale. L’installation en ville leur ouvre la possibilité de bénéficier des infrastructures urbaines – eau, électricité, transports, etc. et surtout l’école pour les enfants. La forte demande de logement en zone urbaine accroît la rentabilité financière des investissements immobiliers – achat et construction de logements à louer – et permet ainsi aux migrants d’assurer, au-delà de leur retraite, l’avenir de leurs enfants et d’augmenter leurs investissements sociaux.

Comme on peut le remarquer ces activités, bien qu’étant utiles et nécessaires pour les migrants et leur famille, sont très peu génératrices d’emplois. Il est évident, même en l’absence de statistiques relatives au nombre d’emplois créés ou induits par ces projets, que les populations des pays de départ ne peuvent attendre de l’action des migrants une amélioration sensible de leur sort. Ainsi, les migrants ne peuvent pas être les vecteurs du développement de leur pays d’origine. Ils peuvent et doivent participer au développement, à l’instar des autres acteurs privés nationaux et internationaux.

En somme, nous venons de voir que la valorisation du capital est généralement improductive car la capitalisation se fait essentiellement par l’acquisition de maisons en ville ou d’un troupeau au village. Ainsi, pour que leur participation au développement soit plus efficace et plus bénéfique à la société, les migrants qui le souhaitent doivent davantage investir dans les secteurs productifs et porteurs d’emplois. Outre l’urgence d’une réorientation des investissements des migrants vers les activités productives, il est urgent de mettre un terme aux affrontements que suscitent souvent les projets collectifs.

Notes
386.

Voir, par exemple, M. Charef [1983]. « L’émigration vers l’étranger et l’utilisation des transferts monétaires dans la province de Marrakech », Hommes et Migrations, n° 1057, pp. 8-14. S. M. Tall [1994]. « Les investissements immobiliers des migrants internationaux à Dakar », REMI, vol. 10, n° 3, pp. 137-151.

387.

S. M. Tall (1994), op. cit.

388.

S. M. Tall (1994), op. cit.