La conception exogène du développement régional s’est illustrée principalement à travers trois théories : la théorie de la base, celle du développement inégal, et enfin celle des pôles de croissance.
Selon un certain nombre d’auteurs (North dans les années 50 ou encore Perrin plus tard), le développement régional ou urbain serait en grande partie orienté par le développement des activités exportatrices. ‘’L’intuition majeure de la théorie de la base (ou base exportatrice, en anglais export base) est la suivante : seuls les ensembles économiques de grande dimension, tels que les grandes nations, sont maîtres de leur développement au point que celui-ci dépend de variables internes, de propensions qui leur sont propres. Si l’on considère des morceaux d’espaces infranationaux incomplets, spécialisés, ils ne peuvent plus tirer de leurs efforts, ni de leurs aptitudes propres, les moyens de leur croissance, celle-ci dépendra de signaux venus de l’extérieur. On peut comprendre que si les Etats-Unis sont maîtres de leur développement pour la plus large part, le Luxembourg ou la principauté de Monaco ne peuvent croître que si de l’extérieur viennent les moyens de leur croissance, incapables qu’ils sont de développer leurs propres technologies, ni de susciter de façon autonome des flux croissants d’investissement. Une conjoncture interspatiale favorable leur est nécessaire pour progresser. Il en va de même pour ces morceaux d’espace incomplets que sont les régions’’. (Aydalot, 1985 : 119). Cette intuition débouche sur une conception de la croissance orientée sur la demande, notamment la demande extérieure, et dépendante de l’évolution de cette dernière.
La théorie de la base a été beaucoup développée pour un contexte urbain. C’est l’Américain Homer Hoyt qui en est unanimement reconnu comme le fondateur ; il en présente une formalisation mathématique dès 1936. Les fondements peuvent être recherchés dans plusieurs directions : le mercantilisme, la théorie keynésienne et le modèle néoclassique de l’échange international. ‘’En 1927-1929, Richard Murray Haig, dans une étude sur les principaux facteurs de croissance de l’agglomération new-yorkaise, met l’accent sur les activités exportatrices de la ville. Il fait remarquer qu’une ville doit importer des denrées alimentaires de son arrière-pays rural et des biens et services en provenance d’autres villes en fonction de sa spécialisation économique et géographique. Il faut donc équilibrer les importations par des exportations au moins équivalentes, ce qui implique une activité orientée vers la satisfaction d’une clientèle extérieure, régionale, nationale, voire internationale’’ (Derycke, 1982 : 113). Une place centrale est donc accordée à la dimension et à la dynamique des exportations pour la croissance de la ville. Les activités de base, qui travaillent pour le marché extérieur (contrairement aux activités résidentielles qui, elles, obéissent à la demande locale) deviennent le moteur de l’économie urbaine. ‘’De leur croissance dépendent en effet non seulement l’emploi et le revenu des personnes qui y travaillent, mais aussi en raison de multiples mécanismes d’interdépendance dans la production et la consommation, l’emploi et le revenu des activités qui leur sont reliées, en amont des activités d’exportation, ainsi que l’emploi et le revenu des activités et services fournies à la population urbaine globale’ ’(Camagni, 1992 : 122). La simplicité de cette approche - qui n’est en fait qu’une présentation simplifiée et intranationale des théories des débouchés extérieurs - fait qu’elle se prête aisément à des évaluations chiffrées et cela même en présence de statistiques pauvres. C’est pourquoi elle a connu un grand succès surtout lorsqu’il s’est agi d’expliquer théoriquement le développement urbain. Mais les limites d’une approche aussi réductrice finissent par apparaître notamment dans l’analyse des phénomènes de développement régional. Une région ne pourrait croître qu’au prorata du développement de sa base exportatrice ; quant à la région fermée qui vivrait en vase clos, elle ne pourrait que se reproduire à l’identique. Il s’agit là d’une vision a-spatiale du développement, et le raisonnement - nous l’avons vu plus haut - est le même qu’il s’agisse d’un pays, d’une région ou d’un quelconque morceau de territoire, dès lors qu’il est intégré aux ensembles économiques qui l’entourent.