Etre localisée dans un espace frontalier, pour une ville et son arrière-pays, est donc aujourd’hui considéré par certains auteurs (tout au moins dans les régions qui ne sont plus soumises à des tensions ou des revendications territoriales) comme un véritable facteur de développement. Cela d’autant plus que certaines frontières ont favorisé l’apparition de régions géographique dynamiques. Ces articulations politiques qui prendraient alors une signification particulière au niveau régional sont pourtant assez mal connues. A l’heure où l’on parle de leur suppression en Europe, on ne connaît pourtant pas forcément bien tous les aspects économiques et sociaux liés à leur existence et leurs incidences dans les pays occidentaux et encore moins dans les pays en développement. En effet, comme le constate Gendarme (cité par Jeanneret et Maillat, 1981 : 5), ’la région frontalière est une nouvelle venue en économie ; les grands auteurs spécialistes de la région ou du commerce extérieur n’y font aucune allusion’. Pendant longtemps, le problème des frontières n’a suscité que peu d’intérêt auprès des chercheurs, or, ’les économistes moins que quiconque ne peuvent ignorer que les activités économiques s’inscrivent nécessairement dans une dimension spatio-temporelle. S’ils ont accordé à l’intégration du temps dans leurs analyses une attention constante, ils ont en revanche pris l’habitude de laisser plutôt aux géographes le soin de s’intéresser à l’espace’ (Marouani, 1996 : 189). La frontière faisait alors partie des zones qui intéressaient surtout la géographie politique car au niveau de la géostratégie mondiale - et cela pendant des siècles - les intentions politiques étaient souvent dominées par la recherche du plus grand territoire possible, ne faisant qu’une place réduite aux considérations sociales et économiques. ’D’où l’accent mis sur les processus de fixation des limites et des conflits qui pouvaient en dériver’ (Raffestin, Guichonnet et Hussy, 1975 : 9), l’étude des régions-frontières étant la plupart du temps réduite à une analyse de la pertinence des découpages de ces frontières. C’est ‘’l’apparition de plusieurs travaux régionaux et généraux ainsi que les mouvements d’intégration européenne qui ont attiré l’attention sur les régions frontalières, zones d’articulation longtemps négligées par les Etats, qui s’intéressaient davantage aux régions centrales qu’aux régions périphériques’’ (Raffestin, 1974 : 12). Dès lors, ces travaux ainsi que les théories des pôles de croissance vont partiellement combler le vide théorique existant autour du thème de la frontière. Néanmoins, même à ce niveau, l’accent va être porté soit ‘’sur une approche fonctionnelle de la frontière ’ligne de démarcation’ privilégiant l’économie nationale et internationale, soit sur une approche juridico-institutionnelle visant la coopération interétatique et interrégionale’’ (Ratti, 1991 : 10). Le problème est que si ces zones frontalières, censées jouir d’une situation favorable en étant le lieu privilégié d’accès à un marché national par les firmes du pays voisin, ont longtemps été négligées, c’est que le rôle douanier de la frontière est très souvent considéré comme un facteur négatif. ‘’En effet, les activités ont tendance à se localiser au centre du pays parce que les aires de marchés des régions périphériques sont limitées par la frontière (...). Sur la base de ce modèle, l’intégration économique est supposée déplacer les centres de gravité de l’intérieur des pays vers les régions frontières’’ (Gendarme, 1970, cité par Jeanneret et Maillat, 1981 : 5).
Ainsi, ‘’des organisations du type de celle de la communauté économique européenne, en modifiant d’une manière très sensible la situation relative des régions, ont fait découvrir tout l’intérêt de ces zones marginales, qui deviennent centrales dans le cadre de la construction européenne’’ (Raffestin, 1974 : 12). Cependant, si les pays européens sont de plus en plus convaincus qu’il est indispensable d’abattre les frontières, ‘’on reconnaît que malgré le scénario mythique de l’Europe sans frontière, il ne pourrait jamais y avoir une absence totale de frontière. C’est pourquoi la connaissance des effets frontières (...) apparaît importante (...) comme une nécessité de comprendre les processus de développement spatial’’ (Ratti, Reichman, 1993 : 23), dès lors qu’on a conscience des effets multiples qu’une frontière internationale pouvait provoquer dans une région déterminée. Mais, avant toute chose, on va s’intéresser aux définitions même de la frontière ainsi qu’à la manière dont elle a été et est aujourd’hui perçue par les différents auteurs qui se sont penchés sur la question.