Une frontière a d’abord un contenu institutionnel par rapport auquel elle se définit. Elle a ensuite un cadre spatial dans lequel elle s’inscrit et sur lequel elle imprime ses effets selon une portée plus ou moins grande.
Comme l’explique Courlet (1988), le terme français de frontière apparaît au début du XIVème siècle comme l’adjectif féminin du substantif ’front’, ’frontier’, ’frontière’.
La frontière est avant tout une discontinuité géopolitique que seule une définition fonctionnelle permet de mieux appréhender. Ainsi, pour Foucher (1991), les frontières sont d’abord l’enveloppe continue d’un ensemble spatial, d’un Etat, qui a atteint suffisamment de cohésion politique interne et d’homogénéité économique pour que les clivages principaux ne traversent plus l’intérieur du territoire et la collectivité humaine, mais aient été reportés par changement d’échelle, en position limite. Les frontières sont cependant dans le même temps, un plan de séparation-contact ou mieux, de différenciation des rapports de contiguïté avec d’autres systèmes politiques, qui ne sont pas forcément de même nature ni du même degré d’élaboration. Ce sont alors des structures spatiales élémentaires, de forme linéaire, à fonction de discontinuité géopolitique et de marquage, de repère ; la discontinuité jouant entre des souverainetés, des histoires, des sociétés, des économies, des Etats, souvent aussi - mais pas toujours - des langues et des nations.
Selon les modalités de son tracé, une frontière peut être qualifiée de ’conventionnelle’ ou au contraire d’’arbitraire’. Arbitraire, lorsque les délimitations sont décidées de manière exogène, sans consulter les populations - sans même parfois le souci de l’unité d’un peuple -, ni les Etats. C’est assurément ce qui s’est passé lors du partage des territoires africains entre la France et la Grande Bretagne au début du siècle. Mais il est aussi vrai que ‘’les peuples des frontières ont rarement été consulté même en Europe où moins de 2% de la longueur des frontières tracées au XXème siècle sont le fruit d’un plébiscite’’ (Foucher, 1991 : 43).
Outre les modalités de son tracé, la frontière peut être jugée en fonction de la nature du support de son tracé. Elle sera alors selon les cas, qualifiée de ’naturelle’ ou d’’artificielle’. On distingue les supports naturels (les tracés suivent les éléments hydrographiques et/ou orographiques) des supports géométriques (parallèles, méridiens et autres lignes droites ou équidistantes) et enfin des discontinuités de la géographie humaine. La frontière est donc considérée comme plus ou moins naturelle selon qu’elle suit le premier type de support ou respecte les limites ethniques et les anciens tracés, ou qu’elle suit des supports géométriques et/ou ne tient aucun compte des discontinuités de la géographie humaine. Pourtant, pour certains auteurs (comme par exemple Cocquery-Vidrovitch, 1982), la frontière n’a rien de ’naturel’, ni géographique, ni ethnique, ni même nationale. Il faut cependant remarquer que peu de frontières s’appuient exclusivement sur un seul type de support ; elles ne sont pas données une fois pour toutes et expriment souvent un rapport de force.