4.1.3 Fonctions et effets

S’il est aujourd’hui clair que dans la plupart des parties du monde, la fonction ligne-de-front de la frontière n’est plus d’actualité, cette dernière est encore l’expression de souverainetés nationales. En temps de paix, d’autres fonctions vont être progressivement attribuées aux limites des territoires nationaux, comme autant de manifestions de la souveraineté des Etats. Si l’on se réfère à une problématique régionale de la frontière développée par Guichonnet et Raffestin (1974), par ces fonctions, la frontière va devenir ’un moyen de la politique générale, utilisé dans des domaines très diversifiés, tour à tour pour inciter, stimuler ou interdire’ (Jeanneret et Maillat, 1981 : 5).

Les frontières rempliraient alors au moins trois fonctions principales :

A travers ses fonctions, la frontière joue un rôle de traduction, de régulation, de différenciation et de relation. La limite est toujours la traduction d’une intention, d’une volonté, d’un pouvoir. Dans cette perspective, la frontière est trace, indice, signe et à l’extrême, signal. La limite traduit de l’information. En tant que traduction, la frontière assume, selon Raffestin (1992), une première fonction sociale. Les frontières de l’Europe communautaire avec les pays non membres seront ainsi ’chargées’ de toutes les informations de la communauté, et toute discordance par rapport à l’extérieur aura pour effet de déclencher tout l’appareil de contrôle. Dans ce cas, la frontière agira comme une ’membrane’ qui règle des échanges entre un territoire et son environnement. D’autre part, la limite est régulation dans la mesure où elle délimite une aire à l’intérieure de laquelle prévaut une autonomie relative pour ceux-là même qui l’ont instituée. Elle agit alors comme un commutateur qui ouvre ou ferme, permet ou prohibe. La limite est encore différenciation. Elle est fondatrice de différences qu’elle permet d’instituer ou de préserver. Aucune activité ne peut se passer de différences (ou à tout le moins, d’une certitude de différence). Enfin, la frontière est relation dans la mesure où elle juxtapose des territoires qui se confrontent, se comparent et se découvrent. Dans ces conditions, les relations peuvent être d’opposition, d’échange ou de collaboration.

Par ses fonctions la frontière va avoir des effets sur les régions qui l’entourent. Trois types principaux ont été identifiés, selon le degré de responsabilité du tracé même de la frontière dans leur survenue, par Raffestin, Guichonnet et Hussy (1975) qui les définissent de la manière suivante :

Certains des effets cités sont immédiatement visibles car ils se transcrivent dans le paysage et relèvent par conséquent de l’observation directe bien conduite ; les autres le sont moins, car ils intéressent surtout les structures économiques et démographiques. Ces effets doivent être qualifiés par rapport à leur portée territoriale mais également par rapport aux populations qui les subissent, selon qu’il s’agit d’effets positifs ou négatifs, qu’ils ont pour conséquence de stimuler les échanges ou au contraire de les restreindre. Ils doivent également être qualifiés quant à leur durée : ils peuvent s’inscrire dans le court, le moyen ou encore le long terme.

Ainsi, le facteur spatial n’est pas le seul déterminant, il faut également faire intervenir les caractéristiques socio-économiques des régions. Les travaux de plusieurs chercheurs tels que Lattimore et Gottman (Raffestin, 1974) ont largement contribué à faire naître l’idée de la frontière phénomène social et non plus exclusivement spatial. La frontière serait un objet spatial qui a une signification sociale complexe (Piermay, 1999).