4.2.1 La frontière-limite

Il ne s’agit pas vraiment ici d’une perception de la frontière-ligne de démarcation, mais plutôt comme une limite externe. Cette limite pouvant avoir la caractéristique d’être mobile si on considère par exemple la diffusion des innovations technologiques qui se font en différents lieux et à différents moments, dans une mesure inversement proportionnelle à l’existence de barrières, de coûts et de discontinuités dans le processus de communication. Cette première approche s’est surtout développée pour l’étude des barrières de communication, dans un but de réduction des coûts et d’accélération de la diffusion des innovations. Pouvoir réaliser des opérations à échelle mondiale permettrait d’atteindre l’objectif d’une intégration économique et spatiale.

On peut identifier quatre approches théoriques (Ratti, Reichman, 1993) dans cette vision de la frontière :

  1. Une approche spatiale micro-économique qui remonte à l’école classique allemande de la localisation et enrichie par August Lösch (1940). En effet, celui-ci donne l’image des effets de la frontière sur l’organisation spatio-économique et fait la distinction entre frontière politique (dont le rôle est de casser l’espace économique) et frontière économique (qui pour les néoclassiques est le lieu où coût marginal = prix). Cette frontière là est déterminée par des barrières de communication telles que la distance, les politiques (fiscale et douanière entre autres), les cultures... Pour Walter Christaller (1933) l’existence de barrières présente l’inconvénient de limiter l’expansion des zones de commercialisation des services des places centrales. Ainsi, même si les deux auteurs reconnaissent l’existence d’effets positifs liés à la frontière, les effets négatifs dus à l’existence de barrières introduisent des effets de distorsion spatiale et de non-intégration.

  2. Une approche par la théorie de la diffusion spatiale des innovations ; les théories dans ce domaine sont au goût du jour car aujourd’hui, l’innovation technologique est considérée comme une variable indispensable au développement économique et la communication est ramenée aux flux immatériels d’informations et de connaissance. De cette vision, trois modèles émergent : le modèle de l’épidémie (la diffusion se fait comme une contagion), le modèle hiérarchique (la diffusion suit une hiérarchie urbaine), et le modèle des réseaux (la coopération d’acteurs en réseau crée des synergies).

  3. Une approche par la théorie du commerce international inspirée par la théorie des échanges internationaux où se pose la question des effets de l’intégration économique sur les disparités régionales. Ici aussi, l’étude des barrières à la communication paraît importante, particulièrement dans le cas des politiques d’intégration économique. Les études existant à ce niveau ont souvent eu pour but d’évaluer les conséquences de la libéralisation des échanges entre les pays d’Europe. A ce propos, certains auteurs (Bourguinat, 1961) stipulent que le démantèlement des frontières économiques aurait dans de nombreux cas un effet non-équilibré sur le processus de croissance spatiale et pourrait n’avantager que les pôles et les régions centrales. En fait, certains modèles (comme par exemple celui développé par Keeble en 198213) qui tentent d’évaluer le potentiel des régions tendent à démontrer que l’effet d’une modification des barrières est simplement reflété par une variation des taxes douanières. Aussi, ce type de modèle prévoit de manière globale, plus un renforcement des places centrales par rapport aux zones périphériques. Il est néanmoins reconnu qu’une analyse plus empirique des zones périphériques frontalières montrerait une situation beaucoup plus complexe et sans doute moins défavorable.

  4. Une approche par le comportement vis-à-vis de l’espace qui identifie un espace subjectif individuel (construit autour de l’activité quotidienne, ainsi que d’un système de valeurs et d’informations) et un espace objectif (espace de développement plus large à l’intérieur duquel les processus socio-économiques fonctionnent objectivement) ; le but étant qu’en confrontant ces deux espaces, les économistes puissent trouver une approche idéale dans l’évaluation et l’interprétation du rôle de certaines barrières à la communication.

L’approche par la frontière-limite est assez moderne et très intéressante du point de vue des processus de diffusion des biens matériels et immatériels. Mais dès lors qu’une région est objet de l’étude et qu’on raisonne en termes de développement régional, l’approche par la ’zone-frontière’ devient plus pertinente.

Notes
13.

simplifié et présenté par Ratti, Reichman, 1993 : 33.