Là encore, les tentatives de formalisation ne sont pratiquement pas centrées sur un développement global et intégré, mais plutôt sur des approches micro-économique et ’méso-économique’.
La première concerne l’étude de la frontière par l’analyse du comportement stratégique des acteurs économiques de ces régions ; elle se base sur la théorie de l’organisation industrielle. Elle stipule qu’une frontière de quelque nature qu’elle soit, est toujours caractérisée par une situation d’incertitude accrue et de complexité croissante qui signifie souvent information imparfaite ou manque de transparence. L’existence de ces distorsions de marché et des coûts de transaction ou d’accès au marché, va obliger l’entreprise à faire des arbitrages entre plusieurs degrés d’intégration. En dessous d’un certain niveau de coût, l’entreprise aurait intérêt à développer son organisation interne et au-delà de ce même point, une collaboration inter-entreprises constituerait une alternative moins coûteuse par rapport à la solution du marché.
A côté de l’optique micro-économique, la seconde interprétation théorique de la frontière dans sa fonction de contact est représentée par une lecture en termes d’analyse spatiale : étude des espaces stratégiques des entreprises qui sont au nombre de trois, déterminés par trois espaces fonctionnels.
Il y a d’abord l’espace de production déterminé par la division spatiale du travail selon le modèle de la théorie des segments qui voit une entreprise acheter à l’extérieur, voire y délocaliser sa production, selon les caractéristiques technologiques, économiques et socioculturelles propres à chaque segment et chaque région de production.
Il y a ensuite l’espace de marché, déterminé par les relations que l’entreprise entretient avec ses différents marchés ; ces relations sont caractérisées par le nombre, l’intensité, les caractéristiques structurelles ainsi que par le processus d’évolution de ces marchés, relativement à leur environnement.
Il y a enfin l’espace de soutien c’est-à-dire l’ensemble des facteurs-cadres et des relations qui précèdent le marché. Il décrit trois types de relations non-marchandes : les relations qualifiées ou privilégiées au niveau de l’organisation des facteurs de production (origine du capital, source d’information, savoir-faire technologique...) ; les relations stratégiques de l’entreprise avec ses partenaires, fournisseurs ou clients (échange privilégié d’informations, collaboration, partenariat, alliance...) ; les relations stratégiques avec les acteurs de l’environnement territorial (institutions publiques, associations privées ou semi-publiques...). Parmi les trois espaces fonctionnels de l’entreprise, l’espace de soutien se révèle particulièrement crucial pour l’orientation stratégique de l’entreprise. La dynamique des espaces de soutien va pousser les entreprises soit à rechercher des intérêts communs, soit à collaborer avec les institutions territoriales pour la création d’un environnement favorable.
Les approches par le concept de la frontière ’zone de contact’ n’ont pas (du moins pas plus que les autres) amené à la formalisation de théories globales du développement régional. Elles se sont souvent axées sur un domaine particulier de l’économie, en l’occurrence l’industrie, ou sur un acteur économique, l’entreprise. Cependant, même s’il manque encore une vue d’ensemble des effets de la frontière sur l’économie de la région, ce type d’approche a l’avantage d’éviter de mettre en avant l’aspect séparateur de la frontière. En effet, à l’aube du 21ème siècle, à l’heure de la globalisation et des débats sur l’ouverture des frontières pour favoriser la libre circulation des biens et des personnes, la ligne-frontière en elle-même mérite sans doute moins d’attention que les effets qu’elle a sur les régions qui lui sont plus ou moins proches. Cela, d’autant plus que des études empiriques ont montré, dans les pays les moins développés, que certaines frontières ’ont favorisé l’apparition de régions géographiques dynamiques. Citons à ce propos l’exemple des frontières de la Gambie, du Bénin et du Togo... Dans ces différents cas, elles entraînent la distribution entre pays voisins de richesses provenant de ressources naturelles dont disposent abondamment certains Etats. Cette distribution est à la base de la création et du développement de ces régions géographiques’ (Igué, 1990 : 595). Ainsi dans le cas où les facteurs de contact - effets de proximité économique, sociale et culturelle - sont dominants ou volontairement mis en avant, la probabilité que des synergies apparaissent au niveau régional sera forte, bien que dépendant également de la volonté des acteurs locaux.
De ce fait, même s’il ne suffit pas qu’il y ait frontière pour voir se constituer un espace dynamique, nous verrons, que dans certains contextes, elle fournit aux régions qui l’entourent l’élément nécessaire à la prise en charge de leur propre développement. Nous allons alors tenter, dans la section qui suit, de regrouper ce qu’un ensemble spatialisé (ici une région matérialisée par une ville et son arrière-pays) peut attendre de la présence plus ou moins proche d’une frontière internationale.