5.3 La mobilité du capital

Au niveau frontalier, le capital circule surtout par les stratégies de zone-franche et de ’tariff factories’, dont les objectifs sont d’une part la dynamisation de l’économie nationale, et d’autre part de surmonter les politiques protectionnistes de certains Etats. Il s’agit également de conquérir des aires de marché coupées en deux par la frontière. La conséquence peut alors être la constitution par des capitaux voisins, de véritables zones d’emploi au niveau régional.

Dans le cas du Mexique (dont l’étude est particulièrement intéressante du fait qu’il s’agit d’un pays du Tiers-Monde qui partage une frontière avec la nation la plus riche du globe), les régions de la frontière Nord ont très tôt connu un développement industriel singulier par le biais de l’installation de firmes américaines, grandes consommatrices de main-d’oeuvre et à la recherche d’un coût du travail moindre. C’est ce qu’on a appelé les ’maquiladoras’, résultat d’une politique volontariste aussi bien mexicaine qu’américaine (Hansen, 1994).

Cette stratégie permet aux firmes américaines de produire des biens intermédiaires à des prix très bas, leur permettant ainsi de minimiser le coût de leur production finale. Elle a également permis à des firmes d’autres nationalités de s’implanter au Mexique pour tenter une meilleure pénétration du marché américain par des coûts de production plus faibles que s’ils y étaient installés, ainsi que des coûts de transport intéressants.

L’industrie ’maquiladora’ est très liée à l’économie américaine et seulement 3% des matières premières qui y sont consommées sont acquises au Mexique ; le reste vient des USA. Les ’maquiladoras’ sont très pourvoyeuses d’emploi ; on passe ainsi de 672 usines et 200 000 travailleurs en 1984 (100 000 en 1982) à 2000 usines et 450 000 travailleurs en 1990 (mais les revenus ont également baissé : entre 1981 et 1987 le coût horaire du travail a pratiquement été divisé par 2, passant de $ 1.67 à $ 0.81).

Le modèle de concentration de l’industrie sur la frontière a fait l’objet d’analyses diverses, en tant qu’illustration de l’impact de l’ouverture économique sur la concentration géographique des activités. Certains auteurs, Krugman par exemple, soulignent qu’il peut alors s’établir un certain équilibre entre les cités primatiales (dont l’importance relative est réduite), et les autres.

En tout état de cause, la croissance généralement remarquée dans les localités de la frontière entraîne de nouveaux besoins en termes de services pour les populations, mais aussi pour les entreprises, et par conséquent la croissance de l’emploi dans ce secteur.