1.3.2 ...au colonial...

Les colonisateurs profitent alors des nombreux clivages qui existent durant cette période à l’intérieur de cette zone pour s’installer. Ainsi, au moment où se négociait la frontière Nigéria-Niger entre Français et Anglais, ce sont les frontières, mises en place vers la fin du 19ème siècle, qui ont principalement été considérées comme les frontières traditionnelles du territoire haoussa. Les colonisateurs ont tiré parti de ces lignes de fracture politique de manière à rendre les négociations entre puissances rivales plus aisées. En fait, après la conférence de Berlin en 1884-85, Français et Britanniques se livrent à une compétition sévère pour l’acquisition des territoires de l’ouest soudanais. La politique de la France est d’étendre son influence sur la savanne ouest-soudanaise de manière à relier ces territoires à ceux déjà acquis en Afrique Equatoriale, tout en protégeant les frontières sud de l’Algérie et ses possessions nord-africaines. Les Anglais par contre, tentent en Afrique de l’Ouest et particulièrement au Nigéria, de gagner un droit exclusif sur le delta du Niger et la partie basse du fleuve, ce qui constitue une excellente voie de pénétration des territoires intérieurs (Nuhu-Koko, 1989).

Durant les négociations entamées très tôt (1880) pour la délimitation des sphères d’influence des deux puissances impérialistes, une première limite conventionnelle avait séparé deux sphères d’influence au long du 40ème parallèle (ce qui recoupait le sultanat de Sokoto au nord-ouest), procédé classique qui avait déjà été utilisé pour la limite Ghana/Haute-Volta. Or ‘’curieusement, la frontière nord du Nigéria n’est pas rectiligne, mais sinueuse. Pourquoi ? La convention finale de 1903-1904, qui ménageait des compensations en faveur de la France (en échange de l’abandon de ses droits de pêche à Terre-Neuve !), modifia les tracés qui furent reportés vers le sud. Le tracé final et actuel fut fondé sur celui des limites nord de Sokoto, Gwandu et Bornu, qui correspondait soit à la ligne de front Gwandu-Kebbi à l’ouest, soit aux aires frontalières séparantes et aux marchés situés au sud d’une ligne Kebbi-Maradi-Zinder. (...) les raisons du changement sont données dans le texte de la convention d’avril 1904 qui fait explicitement référence non plus aux grandes routes ou rives commerciales, mais aux divisions politiques, afin que les territoires de Tessaoua-Maradi et de Zinder reviennent à la France et les autres à la Grande-Bretagne’’ (Foucher, 1991 : 189). Un traité de 1906 établit les bases de la frontière actuelle.

En introduisant une ligne de partage au coeur de cette zone, les colonisations britannique et française vont avoir une incidence sur le développement du commerce à grande distance ainsi que des échanges locaux organisés autour d’un système de marchés périodiques.

Cette séparation va avoir pour conséquences immédiates :

La première tentative pour matérialiser la frontière par une barrière douanière est faite en 1913 du côté nigérien, face à la province de Katsina. Un réseau de postes douaniers est mis en place afin de prélever des taxes sur les marchandises. Les effets sont immédiats : la hausse des prix au Niger entraîne un trafic lucratif et l’abandon de cette politique après cinq ans de surveillance stricte de la frontière. A l’opposé, l’administration britannique ne cherche pas à contrôler les flux de marchandises et la frontière reste avant tout une ligne de partage entre deux administrations. Elle symbolise également la séparation de deux espaces économiques dont les évolutions différentes vont encourager certains mouvements de marchandises qui n’existaient pas avant la ligne de démarcation.