Proximité géographique et ethnique, langue et histoire communes ont permis, nous l’avons vu, une permanence des relations (même réorganisées) entre les populations sises d’un côté et de l’autre de la frontière. Après leur indépendance en 1960, la situation est restée la même entre le Niger et le Nigéria. Cependant on parle de plus en plus d’échanges à échelle nationale et de coopération entre pays de la sous-région pour impulser une dynamique de développement. Dans le cas du Niger et du Nigeria, ce discours se concrétise par la signature d’un accord commercial en 1969 qui stipule que les deux gouvernements s’accordent mutuellement le traitement de la nation la plus favorisée pour tout ce qui concerne les échanges commerciaux (Madougou, 1983). Les deux parties contractantes doivent accorder, sous réserve des lois et règlements en vigueur dans leur pays respectif et en conformité avec eux, toutes facilités possibles pour les exportations et les importations de marchandises nommément citées. Les deux parties s’accordent également des facilités de transit pour les marchandises. Une commission mixte de coopération, qui officialise la volonté d’échange entre les deux pays, est mise sur pied en 1971 à la suite de cet accord. La convention stipule alors qu’il est nécessaire de rechercher l’harmonisation des économies des deux pays par une coopération rationnelle et efficace (cilss-club du Sahel, 1993). Malgré cela, les échanges demeurent en grande partie informels et très souvent de proximité. Pour tenir compte de cette donne, des comités locaux bilatéraux sont crées en 1990 dans l’objectif de stimuler la coopération économique, sociale et culturelle au niveau des régions administratives (les départements pour le Niger et les Etats pour le Nigéria). Cette nouvelle entité de coopération qu’est la région correspond certainement mieux que celle nationale, à la réalité des choses, car on trouve sur cette frontière Niger-Nigéria, des espaces actifs avec constitution en certains lieux de ce que John Igué (1995) appelle des ’périphéries nationales’.
Cependant, cette configuration d’espace frontalier n’est pas la seule, et comme partout dans le monde, la frontière en Afrique n’offre pas un visage unique. Nous allons le voir maintenant, la localisation géographique d’une frontière, les logiques qui ont conduit à son tracé, les caractéristiques des populations qu’elle sépare sont autant d’éléments de différenciation des zones qui la jouxtent.