Au Niger, les offices d’Etat ne contrôlent pas plus de 20% de la production céréalière en proposant des prix jusqu’à 50% inférieurs à ceux proposés par les commerçants privés. C’est pourquoi, si les échanges existent, aussi bien en ce qui concerne les denrées alimentaires que les produits manufacturés, il n’est pas toujours facile d’en évaluer l’importance ainsi que leur incidence sur l’économie nationale.
Ce qu’on peut dire ici, c’est que le secteur informel a favorisé l’émergence d’une intégration des marchés entre les deux pays. Cette intégration revêt deux caractéristiques fondamentales :
les économies d’échelle dont bénéficient les entreprises concurrentes du Nigéria du fait de la dimension du marché (avantage démographique). Les cas les plus évidents sont la société nigérienne de cimenterie malbaza qui a connu, quelques années après sa mise en place, un déclin aussi prévisible que l’essor de sokoto Ciment, sa concurrente nigériane, sise à une centaine de kilomètres.
le coût de l’énergie ; l’énergie à base de pétrole constitue un des principaux inputs dans la plupart des industries manufacturières. Or, les prix du pétrole et de ses dérivés n’ont aucune commune mesure entre les deux pays.
le problème monétaire : le gros du commerce entre les deux partenaires n’empruntant pas les circuits ’modernes’, notamment celui de la cedeao18, l’inconvertibilité de la naira face au problème de règlement des échanges est l’un des principaux accélérateurs des marchés parallèles et de la spéculation sur cette monnaie.
Malgré la méconnaissance statistique et comptable du commerce informel, on peut en répertorier un certain nombre d’effets (Djibo, 1989 : 202) :
Pour le Niger :
pertes de recettes fiscales du fait de la fraude ;
déflation importée grâce au taux de change naira/Fcfa et à la structure interne des prix ;
manque de compétitivité de certains produits nigériens sur les marchés du Nigéria ;
blocage de l’industrialisation : cimenterie malbaza, usines d’allumettes de Maradi, etc.
Pour le Nigéria :
possibilités de débouchés au Niger des industries locales, donc gain réel de compétitivité ;
fuite de devises car les produits importés en devises par le Nigéria sont achetés par des opérateurs informels du Niger avec des nairas ;
forte spéculation sur la naira.
Ainsi au niveau national, le principal avantage que tire le Niger (mais aussi les autres pays limitrophes du Nigeria) est d’ordre monétaire et lié à cette forte spéculation. Selon l’évolution du cours de la naira sur le marché parallèle, certains produits alimentaires fortement soutenus par le gouvernement fédéral comme le sucre, la farine de blé et le lait, reviennent moins chers dans les centres urbains des pays périphériques au Nigéria. Le Niger a ainsi économisé en 1986, 10 milliards de francs cfa, soit 11% du budget de l’Etat, en s’approvisionnant en vivres et en produits manufacturés au Nigeria. De plus le commerce frontalier est source de recettes pour l’Etat (près de 25 milliards de francs cfa de taxes douanières en 1987), parfois même lorsqu’il repose sur la fraude (Grégoire, 1992) - entre autres, par le biais des taxes prélevées lorsqu’ils sont mis en vente. Il est enfin à l’origine de l’essor de villes telles que Konni et Maradi, car au niveau régional les zones frontalières semblent être parvenues à une certaine intégration économique articulée autour des échanges de proximité.
Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest regroupant 16 pays : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone, Togo.