Un centre urbain en général est un milieu hétérogène, où se côtoient des populations venant d’horizons divers. Ces flux sont dus à des raisons principalement économiques (trouver du travail, gagner de l’argent, subvenir aux besoins de sa famille), sociales (comme par exemple se libérer des contraintes d’un milieu trop restreint et trop familier), voire culturelles (dans certaines sociétés, vivre hors de sa communauté est un moyen pour l’homme de former son caractère avant le mariage - remuoa, 1997). Pour toutes ces raisons, la ville attire.
Nous allons ici tenter de voir, à travers les mouvements des individus, dans quelle mesure Konni attire, mais aussi stabilise ; dans quelle mesure son voisinage immédiat va profiter ou alors faire les frais de cette dynamique. Cela nous permettra de vérifier l’existence, la réalité de la ’Région de Konni’, région transnationale, avant de pouvoir l’étudier en tant que ’périphérie’. Pour cela, il nous faut d’abord en établir les limites spatiales.
Selon notre hypothèse d’étude, des hommes et des formes d’organisation groupés sur un territoire restreint possèdent une logique et/ou des intérêts propres, et certains phénomènes économiques prennent corps dans un cadre territorial non plus national, mais régional. Cependant, nous l’avions déjà souligné, la région, contrairement à d’autres concepts (comme la ville ou la nation), n’a aucune existence matérielle et constitue une création de l’esprit qu’aucune frontière naturelle ne vient dessiner. Sa pertinence va donc s’apprécier non pas par la référence à une réalité matérielle, mais en fonction de la problématique qui la fait émerger. Nous analyserons donc la région comme un système visant à un fonctionnement relativement autonome et complexe, et nous en déterminerons le champ d’action par des limites que nous fixerons a priori. Le contenu que nous y mettons est, ici, celui d’une ville moyenne, entourée de la zone qu’elle polarise, et à laquelle elle diffuse sa propre dynamique.
Du côté nigérien, il y a autour de Konni, à moins de 6 km, 8 villages officiellement attachés à la commune : Boulké, Tchérasa, Tsernawa, Dibissou, Massalata, Dada Garka, Daïgozo, qui forment une zone immédiatement adjacente à la ville et très facilement accessible par la route, les pistes ou encore à pied. Au-delà de ces villages, il y a ce qu’on peut considérer comme les alentours de la ville et qui restent encore accessibles par les lignes de transport local et de transport urbain. Ils se situent dans un rayon d’environ 15 km. Mais, en supposant par avance que la frontière sera un élément de polarisation supplémentaire, nous faisons l’hypothèse que la Région de Konni ne se réduit pas aux aires qui lui sont immédiatement proches ; nous prendrons donc une zone plus large.
Trois centres urbains de moyenne ou grande envergure sont proches de Konni : ce sont Illéla au Niger31 et Madaoua (carte 7), deux villes moyennes d’environ 12 000 habitants32 situées à moins d’une centaine de kilomètres, et Tahoua, chef-lieu du département et grande ville de 50 000 habitants (recensement 1988 [3]), à environ 150 km. Nous faisons le choix d’éviter autant que possible de les insérer dans la zone que nous constituons, mais pas forcément leurs aires respectives d’attraction. Compte tenu de leurs situations géographiques et des distances qui séparent Konni de ces villes, nous arrêter aux portes de Madaoua est donc selon nos objectifs, la situation optimale, car nous arrivons ainsi à en exclure deux de notre zone, Illéla au Niger restant incluse. En prenant comme rayon cette distance (elle est d’un peu moins de 100 km), notre Région sera ainsi constituée de l’ensemble de l’arrondissement de Konni, de celui de Illéla au Niger, et d’une portion des arrondissements de Bouza et Madaoua.
Du côté nigérian, nous avons décidé d’appliquer le même rayon d’un peu moins de 100 km autour de Konni. En effet, notre hypothèse est bien que la Région de Konni s’étend au-delà de la frontière et qu’elle a ses limites propres. Pour le vérifier, il nous faut également composer avec les zones proches de Konni, mais situées de l’autre côté de la frontière institutionnelle. Dans ce périmètre préétabli se trouvent Illéla, mais aussi Sokoto, principale ville de l’Etat qui porte le même nom et qui, dans de nombreux écrits, constitue un pôle assez systématiquement associé à la ville de Konni.
Ce découpage spatial, que nous appelé ’Région de Konni’, qui n’a pas grand chose à voir avec ceux administratifs, est un découpage arbitraire que nous allons utiliser comme un outil de travail. Il nous permettra de vérifier l’existence de la Région à travers l’usage réel qui en est fait. Nous allons tenter, à l’aide des données de l’enquête ménages et des entretiens, de vérifier les effets de la proximité de la frontière sur la ville de Konni, ainsi que le dynamisme qu’elle est supposée imprimer au reste de sa Région ; dynamisme à travers les mouvements de population intra et extra Région, à travers les activités économiques ainsi que les réseaux qui peuvent se former.
Il s’agira de mettre en évidence l’espace de vie qui se constitue autour de la vie et qui en fait un pôle de développement : un pôle stabilisateur d’abord (nous l’étudierons à travers les ’flux permanents’), un pôle attractif ensuite (par les ’flux temporaires’), un pôle dynamique enfin (par les flux quotidiens).
Il y a autour de Konni 2 villes du nom de Illéla de chaque côté de la frontière. Lorsqu’il sera question de la plus éloignée, nous spécifierons ’Illéla au Niger’, et quand il sera question de celle du Nigéria, à 5 km de Konni, nous dirons juste ’Illéla’.
Lors du recensement de 1988, lorsque Konni en comptait 29 000.