Un chef sur quatre à Konni est migrant. L’exode n’est donc pas pour eux un phénomène marginal, même si nous n’avons ici que ceux de retour. Dans cette catégorie, comme dans la précédente, les chefs sont des hommes haoussas d’une cinquantaine d’années en moyenne. Ils ont réalisé au moins une migration pendant leur vie d’adultes. Un individu sur six est néanmoins parti de Konni avec ses parents avant de finir seul son parcours. Pour une petite majorité de chefs, la migration adulte, c’est-à-dire la migration sans les parents, se réduit à une destination34 unique avant de revenir à Konni (tableau 34). Deux sur cinq ont en revanche fréquenté au moins 2 lieux.
Nbre de destinations | Effectifs | % | Durée totale (ans) |
0* | 2 | 3 | - |
1 | 35 | 56 | 7 |
2 | 11 | 17 | 15 |
3 et + | 15 | 24 | 17 |
1,75 | 63 | 100 | 11 |
*Il s’agit ici des individus qui n’ont connu que des migrations avec leurs parents. |
Les individus restent assez peu dans la Région, et la migration adulte est d’autant plus lointaine que le nombre de destinations est important. Leur exode conduit les chefs de ménage en moyenne vers un peu moins de 2 destinations, le lieu privilégié étant Niamey : 3 sur 5 s’y sont rendus (tableau 35Tableau ). Jusqu’à la deuxième, la durée moyenne de chaque migration est de l’ordre de 7 années ; ceux qui en ont fait plus y sont restés au total 17 ans. Il semble y avoir une durée maximale à l’exode qui fait que la multiplication des destinations entraîne à partir de ce seuil, moins une prolongation, qu’une réduction du temps passé sur les derniers lieux. La différence d’âge est à cet égard, moins importante parmi les migrants à plusieurs destinations (respectivement 53 ans et 55 ans), qu’entre ceux-ci et les migrants à destination unique (qui ont aujourd’hui en moyenne 47 ans).
De façon globale, le départ en exode se fait relativement jeune, vers 22 ans en moyenne, et la migration dure un peu plus d’une dizaine d’années.
Destinations | % de migrants s’y étant rendus |
Niamey | 59 |
Nigéria | 31 |
Département de Tahoua | 25 |
Ailleurs au Niger | 41 |
Ailleurs à l’étranger | 20 |
Niamey constitue un lieu de passage et de résidence attractif, même si depuis 1988 on a pu observer une réduction de sa place de pôle attractif dominant (Clément, 2000). La capitale demeure cependant une destination recherchée, comme nous pouvons le constater ici. Bien que deux tiers des migrants se soient rendus dans d’autres régions du Niger, aucune destination particulière ne ressort très clairement, en dehors du département de Tahoua qui a attiré un quart des migrants à un moment de leur parcours. Une moitié de chefs a aussi migré à l’étranger, principalement en Afrique, avec une prédominance du Nigéria. Cette dernière destination (avec la Côte d’Ivoire) est au Niger majoritairement choisie par les migrants qui sortent du pays. Ces tendances sont le résultat d’une évolution rapide de la répartition de la richesse économique en Afrique. En effet, le Ghana, longtemps grand pays d’accueil des migrants nigériens, est éclipsé par les autres pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, après la récession économique de la décennie 1970 (Robin, 1992). Il faut remarquer que les personnes qui quittent leur pays se dirigent en priorité vers ceux qui sont les plus aptes à satisfaire leur besoin de travail et d’argent. Autant pour les migrants nationaux que pour ceux internationaux, cette motivation est, en général, celle qui pousse au départ.
A Konni, les motifs de départ sont très peu diversifiés : ceux qui ont quitté la ville l’ont fait majoritairement pour des motifs professionnels (tableau 36). Les études sont le deuxième motif de migration, et on en note les conséquences sur le taux de scolarisation : un quart des chefs migrants sont scolarisés en français, soit pratiquement un taux double de celui des sédentaires.
Motifs | % |
Exercer une activité/chercher du travail/affectation | 71 |
Etudes/formation | 13 |
Autres motifs | 16 |
Total | 100 |
Si les raisons de partir sont bien tranchées, celles du retour le sont un peu moins. Dans le cas de Konni, de nombreuses raisons sont mises en avant pour expliquer celui-ci (tableau 37). Les raisons familiales (rejoindre parents, épouse et enfants, ou encore mariage/divorce pour les femmes) sont les principales, suivies des motivations professionnelles.
Motifs | % |
Rejoindre famille-parents/changement de situation familiale | 45 |
Exercer une activité/chercher du travail/affectation | 18 |
Retour d’exode | 13 |
Chômage/retraite | 8 |
Fin ou arrêt d’études | 8 |
Autres motifs | 8 |
Total | 100 |
En fait, les motivations de retour des migrants sont très dépendantes des conditions dans lesquelles ils ont vécu et de leur situation économique. Ainsi, il est souvent invoqué des raisons liées à la famille qui peuvent cacher en fait une impasse financière (Clément, 2000). Cela est certainement le cas à Konni aussi, même si l’on retrouve des expressions un peu plus explicites pour avouer l’échec personnel (retour d’exode, chômage, arrêt des études...). Echec ou lassitude à l’exode (atteinte du seuil dont nous avons parlé plus haut), conduisent alors à revenir tenter sa chance à la maison. La chance est visiblement tentée avec succès car, même s’ils sont moins actifs que ceux qui ne sont partis nulle part, 81% des chefs migrants ont actuellement une activité principale et près de deux tiers ont pu se constituer une activité secondaire (tableau 37). Ainsi, seuls 7% sont à la recherche d’un emploi, les autres inactifs étant surtout des retraités, ou des inactifs de plus de 75 ans. Il est possible que le retour des chômeurs ne soit pas définitif.
Pour tous, la stabilisation actuelle a été bien souvent précédée de retours temporaires pour voir la famille, s’occuper des travaux des champs pendant la saison des pluies, ou encore pour se marier avant de repartir en exode, la plupart du temps seul. De ce fait, les personnes présentes dans les ménages où le chef est un migrant sont essentiellement des sédentaires (tableau 38), les épouses cependant moins que les enfants et les autres parents car il arrive qu’elles suivent leur époux sur son lieu d’exode ou qu’elles les y aient rencontré et épousé.
Sédentaire (%) | Migrant (%) | Immigrant (%) | Total (%) | |
Chefs | - | 100 | - | 100 |
Autres adultes | 66 | 15 | 19 | 100 |
Jeunes | 74 | 3 | 22 | 100 |
Total | 51 | 34 | 15 | 100 |
Les ménages de chefs migrants sont plus souvent des ménages élargis que les autres ; près de 60% le sont contre 50% pour les sédentaires ou les immigrants. Cela est dû au fait qu’ils hébergent des personnes issues de leur parentèle locale et de leur réseau de connaissance proche, mais également des personnes liées à des réseaux qu’ils ont constitués lors de leur exode. De même, ils accueillent de manière occasionnelle, plus que les sédentaires, des individus en provenance de zones situées hors de la Région de Konni (Graphe ). Ainsi, bien que les visiteurs originaires de la Région soient encore majoritaires, on assiste chez cette catégorie de chefs de ménage, à une plus grande dispersion spatiale des réseaux sociaux qui les conduisent à héberger plus et à recevoir des personnes venant d’horizons plus lointains. Cela commence par leur descendance directe qui semble plus migrante que celle des chefs sédentaires. A cet égard, près d’un cinquième des migrants reçoivent au cours de l’année un de leurs enfants, contre à peine un dixième pour les sédentaires, comme nous l’avions vu plus haut. Les autres personnes reçues sont surtout des parents et aussi des amis.
Il s’agit bien de destination et non de séjour, et même en fait de zone de destination : c’est-à-dire que l’individu déclare avoir déjà séjourné plus de 6 mois par exemple au Nigeria, à l’étranger.... Il ne dit pas s’il a effectué des migrations à l’intérieur même des zones, ni s’il est revenu à plusieurs reprises dans une zone en particulier. Le nombre de destinations (ici une pour chaque zone) est donc un nombre minimal.
Pour l’information sur les destinations d’exode, nous avons soumis un nombre défini de destinations à cocher oui/non. Pour une bonne compréhension par l’enquêté, il s’agissait de zones ayant une réalité administrative. Nous n’avons donc pas pu retrouver les espaces ’Région’ et ’hors Région’, car il aurait fallu poser une question ouverte, avec tout ce que cela peut comporter comme lourdeur, et risque d’oubli.