2.2 Les personnes reçues

Nous avons recensé au total 604 visiteurs dans les 196 ménages, soit les trois quarts de l’ensemble des ménages enquêtés, qui déclarent recevoir des gens chez eux. Chaque ménage accueillant héberge dans l’année 3,1 personnes en moyenne dont une forte majorité (tableau 45) vient pour rendre visite. Les autres viennent pour acheter, vendre ou encore travailler pendant la saison sèche. Les premiers viennent moins souvent (6 fois par an) que les seconds (en moyenne 14 fois par an).

La fréquence de venue dépend donc du motif (ici les actifs saisonniers sont les moins fréquents), mais également assez fortement de la provenance, soit en fait de la distance à parcourir. Pour déterminer le seuil de la distance dissuasive, nous avons observé le lieu de provenance des personnes les plus fréquemment présentes dans la ville. Nous avons ainsi pu constater que parmi les personnes qui viennent en moyenne entre une et quatre fois par mois, près des deux tiers habitent la Région de Konni (Niger et Nigéria confondus). Elles viennent pour faire des achats ou vendre, à Konni un peu plus de 2 fois par mois, au Nigéria environ 1 fois par mois. Du fait de cette proximité, nous le verrons plus loin, ces personnes ne restent pas longtemps à chaque fois. Ceux qui font les plus longs séjours viennent pour exercer une activité en périodes creuses. Ils viennent aussi, pour une majorité (près de 60%), de la Région de Konni. Certains viennent de plus loin, du reste du département, mais aussi de Dosso ou encore Diffa.

Au total, près de 4 personnes sur 5 viennent du territoire national (tableau 46), et 1 sur 5 de l’étranger, presque exclusivement du Nigéria. Les mouvements nationaux, bien qu’importants, sont très éclatés (de l’arrondissement même de Konni bien sûr - 27% - ou plus généralement du département de Tahoua - 45% - ou encore de Niamey d’où viennent 11% des visiteurs). Du Nigéria, les gens viennent principalement de lieux distants de moins de 100 km. De ce fait, en combinant Région de Konni au Niger et au Nigéria, on arrive à une polarisation relativement importante (51%).

On peut noter cependant que le phénomène de polarisation est plus fort au Nigéria. La frontière semble en effet bien jouer son rôle et la zone de proximité est plus attirée que les zones plus éloignées. Au Niger la proximité joue aussi, en revanche la frontière attire de plus loin. Konni reste donc, malgré sa dimension régionale, attachée au reste du pays, souvent par l’entremise des ménages immigrants qui s’y sont installés. En effet, plus de 4 chefs de ménages immigrants sur 5 accueillent des visiteurs en leur sein, visiteurs venant majoritairement d’autres régions. Les natifs accueillent un peu moins (3 ménages sur 4), et en général des personnes venant de la Région, les migrants étant légèrement moins exclusifs que les sédentaires.

Nous pouvons classer les visiteurs en fonction de leur motif de venue (le motif ’autre’ a été écarté par manque de précision), de leur fréquence et de leur lieu d’origine (tableau 47).

Les personnes reçues pour visite-vacances viennent, pour une grande part, occasionnellement. En effet, 7 sur 10 font environ 1 séjour par an. Parmi ces ’occasionnels’, une minorité vient de la Région de Konni. Ceux-là y passent alors un peu plus de 2 semaines, tandis que ceux qui viennent de plus loin restent 5 semaines (tableau 48). D’une manière générale, les visiteurs en provenance de la Région de Konni sont plus fréquemment en ville que les autres, et les deux tiers rendent visite aux ménages enquêtés au moins une fois par mois. Les durées sont alors bien plus courtes : pas plus de 2 nuits consécutives.

En ce qui concerne les personnes attirées par l’activité économique, la distribution des effectifs est moins tranchée, plus équilibrée. La grande différence se situe dans la durée de séjour de ceux qui viennent de manière fréquente (jusqu’à 40 fois en moyenne dans l’année) et qui restent alors au maximum 2 jours, et les autres qui viennent pour des activités saisonnières et restent (quelque soit leur lieu de provenance) plus de 2 mois dans la ville.

Les personnes reçues sont en grande majorité des hommes. Les femmes ne représentent qu’un individu sur cinq (tableau 49). Ce sont exclusivement des parentes du chef de ménage, et elles viennent principalement pour le motif de sociabilité. Seule une sur dix déclare se rendre à Konni pour y effectuer une activité économique, acheter ou vendre des marchandises. Les hommes sont plus concernés par ce dernier motif qui touche près d’un tiers d’entre eux. Pour eux, il s’agit aussi bien d’achat et/ou de vente régulières, que d’activités saisonnières. Ces dernières les amènent moins souvent à Konni, mais les y maintiennent plus longtemps.

Les hommes sont moins apparentés aux ménages qui les accueillent que les femmes : deux tiers sont parents et un tiers, amis. Ces derniers sont ceux qui viennent le plus des régions éloignées de Konni (57% des amis vivent hors de la Région, contre 49% des personnes apparentées au chef). Ils viennent aussi plus pour des activités économiques : 39% des amis sont concernés par ce motif contre seulement un quart des parents reçus.

Le déséquilibre entre la proportion de population masculine et féminine venant à Konni pour motif économique peut s’expliquer par les faibles taux d’activité professionnelle féminine enregistrés au Niger, ainsi que par la nature de ces activités : petit commerce féminin, grand commerce masculin. Mais le déséquilibre que l’on observe entre les genres sur la fréquentation de la ville pour des visites et des vacances peut laisser penser que des motifs non-exclusivement de sociabilité attirent ces personnes, plus précisément ces hommes, à Konni. Bosch (1985) fait remarquer qu’en Afrique de l’Ouest, le commerce fait partie de la vie quotidienne et que lorsque les gens partent en voyage, ils y combinent souvent un petit commerce, et profitent même souvent des relations dans la ville des membres de la famille qui les hébergent pour acquérir des produits avantageux.

En tout état de cause, quel qu’en soit le motif, ces visites entraînent à Konni un gonflement quotidien de la population présente en ville (tableau 50).

La ville contient ainsi en permanence 1 individu supplémentaire pour 20 de plus de 13 ans³⁸. Le tiers³⁹ de cette population supplémentaire quotidienne est présente pour motif économique, acheter/vendre au Nigéria ou à Konni, exercer une activité pendant la saison creuse. Les autres, venus pour motif de sociabilité, sont autant de consommateurs et d’acheteurs potentiels.

Dans ce pouvoir d’attraction, l’effet de proximité joue, en ce qui concerne les personnes reçues dont plus de la moitié des flux provient de la Région de Konni, mais peut-être plus encore en ce qui concerne les ’journaliers’. En effet si l’on considère l’offre de transport régional, plus importante que l’offre nationale, et les cadences plus fortes, il semble évident que la part de ’régionaux’ va être plus importante. Il y aurait donc une grande fréquentation de Konni par sa Région.