3.5 Les mouvements quotidiens : pratiques différenciées des citadins en fonction notamment du genre et de l’âge

Avec l’âge on constate, de manière générale, une moindre consommation de l’espace urbain dans sa totalité, et une consommation plus grande de celui non-urbain.

Le premier phénomène est relatif à un repli progressif sur le quartier d’habitation pour les hommes, malgré une mobilité totale accrue (tableau 62), et une mobilité plus faible accompagnée d’un repli sur le domicile pour les femmes.

Tableau 62 : Evolution de la mobilité en fonction du genre et de la catégorie d’âge
Sexe Catégorie d’âge Effectif Nb. déplacements urbains/jour Nb. déplacements non-urbains/jour
Hommes Jeunes 174 4,8 0,4
Adultes 170 5,2 0,4
Agés 129 5,7 0,5
Femmes Jeunes 54 4,3 0,1
Adultes 366 2,0 0,1
Agés 97 1,9 0,2

Si l’on prend le cas des adultes et plus spécifiquement des chefs de ménage et des épouses, on se rend compte que l’ancienneté dans la ville est corrélé à l’âge ; ainsi, ceux qui sont arrivés depuis moins de 6 ans sont les plus jeunes (42 ans pour les chefs et 28 ans pour les épouses), viennent ensuite ceux arrivés depuis 6 à 15 ans et enfin les plus anciennement présents à Konni (52 ans pour les chef et 37 ans pour les épouses). Cette corrélation permet de comprendre un peu mieux la consommation de l’espace urbain. En effet, les personnes les plus âgées, et donc les plus anciennement installées, logent en majorité dans le centre et sont presque tous propriétaires. Les moins âgés, qui sont plutôt des nouveaux arrivants sont le plus fortement locataires ou hébergés gratuitement (environ dans 2 cas sur 5) et vivent dans les quartiers périphériques nouvellement rajoutés à la ville. La pratique des espaces hétérogènes que constituent ces nouveaux quartiers va alors être plus faible car les populations qu’y s’y côtoient en ont une connaissance moindre que celle que peuvent avoir de leurs quartiers centraux, les populations plus anciennement installées. Il va y avoir un processus d’apprentissage et d’usage de l’espace urbain dans le but d’une plus grande insertion. Cette insertion prend toutefois des aspects différents selon le genre des individus et le contexte urbain dans lequel ils évoluent.

Pour l’homme, l’insertion se traduit à Konni par l’exercice d’au moins une activité professionnelle qui l’amène à se déplacer souvent hors de son quartier d’habitation. L’insertion se traduit également, au fil des années de résidence en ville, par l’acquisition d’un logement personnel, le conduisant à constituer un réseau social stable de proximité. Cette base de relation sociale est le moteur même de la mobilité de sociabilité dans le quartier et amène donc à s’y déplacer de plus en plus. Ainsi, la mobilité globale augmente, celle externe est de plus en plus professionnelle, tandis que l’individu privilégie et développe le réseau de sociabilité dans l’espace proche du lieu d’habitation.

En ce qui concerne les femmes au contraire, les déplacements diminuent avec l’âge et la durée d’installation. Cependant cette tendance n’est pas due à un effet d’âge ni de génération, car en regroupant les femmes de 25 à 30 ans, de 31 à 40 ans et de 41 à 50 ans, on arrive toujours à la même hiérarchisation de la mobilité interne : les nouvelles arrivantes sont plus mobiles que les autres. La diminution de la mobilité sociale de proximité avec l’augmentation de la durée de résidence n’est cependant pas la seule explication au faible niveau des déplacements des plus anciennement installées par rapport aux plus récentes. L’activité professionnelle joue également : en effet, on constate que sa pratique est de plus en plus courante avec le temps. Ceci est lié au contexte frontalier de la ville secondaire, contexte qui offre l’opportunité à la femme, à mesure qu’elle s’adapte et accroît sa connaissance de la ville, d’exercer une activité commerciale lui permettant de subvenir à ses besoins quotidiens, la rendant ainsi plus indépendante. Cette indépendance ne se traduit cependant pas par une plus grande mobilité, tout au contraire. Les causes en sont multiples. Aux facteurs religieux, il faut ajouter le fait que le travail, plus informel, se réalise principalement à domicile. La mobilité professionnelle est donc très faible de manière générale et à l’intérieur du quartier en particulier ; ainsi, près de 7 femmes sur 10, présentes à Konni depuis plus de 15 ans, travaillent, contre moins de 4 sur 10 pour les nouvelles arrivantes. Il s’agit d’activités principalement exercées la plupart du temps au domicile. Pour les femmes les plus actives, l’immobilité que peuvent favoriser les contraintes ménagères est renforcée par l’exercice d’une activité professionnelle localisée dans le domicile même.

Une autre raison est à évoquer pour expliquer la plus grande mobilité des nouvelles arrivantes : les achats de la vie quotidienne leur sont plus personnellement dévolus. En effet, plus jeunes, elles disposent moins que les autres de l’aide que peut constituer la présence d’un enfant pour les petites commissions de proximité. Or nous avons vu que le quartier d’habitation est l’un des principaux espaces des achats de la vie quotidienne, ce qui contribue alors à expliquer l’usage important qui en est fait. C’est néanmoins une tâche qui revient traditionnellement aux individus les plus jeunes des ménages. Ils ont en effet, garçons et filles, une forte mobilité, plus de 5 déplacements par jour en moyenne, qui diminue à mesure qu’ils grandissent et l’abandonnent aux plus jeunes. Cette diminution est progressive pour les garçons et plus rapide pour les filles (à 17 ans, les premiers font 4,4 déplacements quotidiens et les secondes, seulement 3,7). Elle se traduit pour tous par une baisse de la mobilité de proximité, une légère augmentation de la mobilité hors du quartier liée à une intensification des activités de loisir (cinéma, danse, sport) dont la localisation éparpillée entraîne un usage plus fort de l’espace urbain.

Si la consommation et l’usage de l’espace urbain sont divers et non uniformes en fonction de l’âge, du sexe, et de la durée dans la ville, ceux de l’espace hors de la ville ne le sont pas moins. Dans la Région, le pôle que constitue Illéla est le plus fortement fréquenté, pour des motifs d’achats (dans ce cas l’usage augmente avec l’ancienneté à Konni et les ressources financières), mais aussi pour des motifs de sociabilité principalement des sédentaires. Hors Région, on retrouve une fréquentation sur un large espace qui s’étend davantage avec l’âge. Mais l’usage de cet espace demeure faible et concerne plutôt une seule frange de la population : les immigrants. En ce qui concerne les autres individus, la sociabilité est assez fortement régionale.