Fruits, légumes, condiments et autres produits alimentaires sont le principal commerce de ces femmes qui exercent leur activité pratiquement sans sortir de leur domicile. En effet, lorsque la vente n’est pas effectuée à domicile, comme c’est le cas des deux tiers d’entre elles, elle se fait dans le quartier d’habitation même, ou encore de manière ambulante. Dans ce dernier cas, la vente est confiée à un jeune membre du ménage (ou, moins couramment, à un employé) chargé alors de sillonner toute la ville.
L’échelle de ces activités, assez petite de par le revenu qu’elles génèrent et les sommes investies (de 1 000 Fcfa à 10 000 Fcfa à chaque approvisionnement), justifie un approvisionnement de proximité. Sur 10 petites commerçantes, 4 s’approvisionnent uniquement à Konni, 3 à Konni et Illéla, et moins de 3 à Illéla exclusivement. L’approvisionnement à Illéla a lieu entre une et plusieurs fois par semaine, mais très peu de femmes font le déplacement personnellement ; la majorité (80%) envoie quelqu’un ou profite d’une personne qui y va. A Konni, l’approvisionnement se fait aussi, assez fréquemment, auprès de fournisseurs de Konni, mais aussi de fournisseurs venant d’autres régions du Niger et qui apportent des marchandises que l’on ne trouve pas à proximité. La fréquence élevée de l’approvisionnement est liée, en dehors de la proximité des lieux, au peu de moyens dont disposent ces commerçantes pour constituer un stock ; celui-ci n’est d’ailleurs pas forcément nécessaire puisqu’il s’agit dans bien des cas de produits frais, impossibles à conserver compte tenu du faible équipement des ménages que nous avons évoqué dans le chapitre 3, ou de l’investissement que la commerçante peut réaliser pour ’équiper’ son activité professionnelle.
L’exercice de cette activité peu rémunératrice, mais où les femmes n’ont pas besoin de s’investir fortement en temps, n’est pas fortuit. Les personnes concernées sont en effet principalement des femmes mariées (83%) appartenant à de grands ménages de 10 individus en moyenne (il n’y a pratiquement pas de ménage nucléaire). Or, la moitié des résidents y a moins de 14 ans ; pour ces femmes majoritairement épouses (moins de 4% sont chefs), cela suppose une importante charge de taches ménagères laissant peu de temps à consacrer à une autre activité. Le petit commerce, tel qu’elles le pratiquent ici, pourrait alors être considéré comme un moyen de disposer d’une petite ressource financière permettant une relative autonomie sur certaines dépenses personnelles, et l’amélioration du quotidien. Elle font pourtant partie de ménages où le chef gagne assez bien sa vie (environ 40 000 Fcfa, soit plus de deux fois le revenu moyen déclaré par les actifs) et dans lesquels les membres ont pratiquement tous une activité professionnelle (en moyenne 4/5ème des individus de plus de 13 ans travaillent). Développer leur commerce n’est alors pas forcément une priorité pour elles (elles auraient eu le temps de le faire : elles sont soit nées à Konni, soit présentes depuis plus de 10 ans), mais le maintenir oui. Pour une petite moitié, c’est la première et la seule activité professionnelle qu’elles aient pratiquée, et pour une autre moitié, c’est la seconde, pratiquée depuis plus d’une dizaine d’années en moyenne. Il faut noter que pour ces dernières, l’activité antérieure correspond à d’autres types de commerce ou à la restauration, et a été abandonnée au bout de quelques années (en moyenne 4 ans) soit pour motif familial, soit parce qu’elles ne gagnaient pas assez.
Le petit commerce féminin est donc en général un commerce de quartier, pratiqué de longue date par des ménagères adultes ou âgées utilisant ce moyen pour gagner un peu d’argent sans que cela empiète sur leurs taches ménagères. Mais en dehors de ces femmes, d’autres personnes (39%) font également du petit commerce.