Il s’agit essentiellement de la vente sur commande et de la vente de pièces détachées ou de véhicules. Ce sont des activités qui tirent un grand profit de la frontière en fournissant en grande quantité l’un ou l’autre côté de celle-ci.
Il s’agit des commerçants qui répondent à des appels d’offres de fourniture de grosses quantités d’un bien quelconque, ou aux commandes de particuliers. Les ONG de la région (Konni, Bouza...) ou hors région mais encore proche (Madaoua, Keïta...), sont en fait les principaux clients (par exemple pour les matériaux de construction47). La clientèle de particuliers est très faible et se résume souvent à une clientèle étrangère (les algériens par exemple commandent souvent des condiments). Une des particularités de cette activité est qu’il n’y a pas de stock de marchandises à constituer, on ne s’approvisionne que lorsqu’une commande a été passée. Les lieux fréquentés se situent alors exclusivement au Nigéria, à Sokoto bien sûr, mais surtout à Kano, Kaduna, Katsina ou Lagos.
‘D’une manière générale on a un fournisseur attitré dans les différentes villes et pour les différents produits. Quand on arrive en ville, on va le voir et s’il n’a pas le produit qu’on veut, c’est lui qui nous conduit chez quelqu’un d’autre. Le fait d’être un habitué permet d’acheter à des prix qu’on n’aurait pas autrement. Seulement il peut arriver que les prix dans une ville nous semblent trop élevés, dans ce cas nous allons ailleurs. On fait le calcul de ce qu’on gagne (de par la différence des prix) et de ce qu’on perd (de par notre voyage et le transport des marchandises).’De fait, c’est une activité où l’information sur les prix est très importante, voire indispensable pour pouvoir accepter sans délai une commande. C’est pourquoi, même si le nombre de commandes par an est très aléatoire et souvent faible,
‘(...) mes employés et moi allons régulièrement au Nigéria pour nous informer sur les différentes filières d’approvisionnement, les prix.... Nous connaissons tous les lieux où l’on peut trouver telle ou telle marchandise et en général nous y avons un fournisseur attitré auprès duquel nous sommes habitués à acheter et chez lequel nous nous rendons en premier (pour recueillir l’information).’L’achat effectué, la marchandise sort du territoire nigérian par des véhicules immatriculés dans ce pays, car ceux à immatriculation étrangère sont pratiquement ”rackettés” à la sortie. Deux arrangements sont possibles : louer des camions nigérians pour livrer les biens sur le territoire nigérien, ou alors payer les fournisseurs pour les faire sortir du Nigéria.
Le poste frontière choisi pour traverser est fonction du lieu d’achat : on choisit généralement le poste le plus proche, la marchandise y est alors déclarée et dédouanée. En dehors des frais de douane, le commerçant doit aussi s’acquitter d’une patente de l’ordre de 200 000 à 400 000 Fcfa par an, ainsi que d’une TVA sur les marchandises vendues qui, en l’absence d’une comptabilité claire, s’élève forfaitairement à un montant mensuel de 50 000 Fcfa, à moins qu’une déclaration de non activité n’ait été faite pour le mois.
Les commerçants avouent avoir de plus en plus recours à cette déclaration de non activité, car non seulement l’argent devient rare, mais en plus,
‘(...) beaucoup de commerçants font cette activité en annexe de leur activité habituelle. Comme les appels d’offre sont publics, celui qui s’en sent capable peut postuler et les commerçants ne s’en privent pas.’Cependant, même dans la conjoncture actuelle, avouent-ils sans autre indication sur leur revenu, c’est une activité où l’on gagne bien sa vie, surtout
‘quand on connaît tous les réseaux d’achat et qu’on se tient informé. Cela minimise les coûts et dans ces conditions on peut gagner pas mal d’argent.’Les commerçants du Niger et du Nigéria, nous y reviendrons plus loin, ont en effet recours à une organisation en réseaux dans la conduite de leurs affaires. Dans le cas du commerce en territoire haoussa, une abondante littérature (Grégoire principalement, mais aussi Labazée, Amselle, Stary...) fait référence à l’usage de longue date ainsi qu’à la persistance aujourd’hui, de ce type de structure dans les relations d’échange.
L’achat à Konni, Maradi et Zinder de matériaux de construction venant du Nigéria couvre environ la moitié des besoins du secteur des BTP du Niger, soit un chiffre d’affaires de plus de 10 milliards en 1993. Chacune des villes compte de un à trois importateurs contrôlant la filière (Labazée, 1996).