1.2.5 La moyenne restauration

Elle consiste exclusivement en la vente de mets cuisinés. Ce type de restauration a une grande incidence sur l’activité économique, principalement privée à Konni. Les acteurs économiques tirent leur subsistance de leur présence permanente sur les lieux de vente, offrant constamment leurs marchandises à la vue des clients potentiels. Ainsi, commerçants, artisans, chauffeurs, agents de change, ou encore les nombreux visiteurs que compte quotidiennement la ville, ont recours à ces restauratrices pour éviter de rentrer chez eux dans la journée. De fait, la moitié de ces restauratrices habitent les trois quartiers qui se trouvent le plus près du marché central (Sabongari marché, Tagagia et Malamawa). En effet, là où le commerce de nourriture est une occupation féminine, ’il n’est pas inhabituel de voir au marché certaines femmes préparer des plats prêts à être consommés sur place. La plupart des places du marché dans les pays en voie de développement sont aussi des restaurants en plein air’ (Boserup, 1983 : 110).

A Konni, les moyennes restauratrices sont principalement des épouses (82%) qui pratiquent leur activité à domicile ou dans un lieu fixe à proximité. Moins d’une moyenne restauratrice sur dix va vendre ou fait vendre sa marchandise à l’extérieur de son quartier d’habitation. C’est une activité qui se pratique tout au long de l’année, et près de 3 femmes sur 5 la considèrent comme leur activité principale, ce qui n’est généralement pas le cas des autres actives. En effet, dans les autres types (ou niveaux) de commerce, c’est le statut de ménagère qui est mis en avant par les trois quarts des épouses actives. Les moyennes restauratrices s’impliquent plus fortement que les autres, par le temps consacré à la confection des aliments, par leur stratégie d’approvisionnement qui s’apparente à celle des hommes moyens commerçants. Dans la mesure du possible, elles vont acquérir les produits là où ils sont moins chers. Une moitié d’entre elles vont ou envoient quelqu’un hors de Konni, principalement à Illéla. Leur investissement personnel peut être très important, à l’instar de cette vendeuse de friture de poissons que nous avons interviewée49 et qui se rend dans toute la région de Konni  :

‘Les différents lieux de pêche sont ouverts les uns après les autres. Dès que les poissons commencent à pondre, on ferme un lieu et on en ouvre un autre. Alors, chacun organise le déplacement de son pêcheur en assurant son transport et celui de sa pirogue. Chacun des sites reste ouvert quelques mois par an. (Compte tenu de la qualité du poisson) nous n’allons au Nigéria que lorsqu’il n’y a pas de poisson au Niger. Je vais toujours acheter le poisson moi-même et avec une autre vendeuse, nous avons un pêcheur attitré (c’est la pratique) qui nous vend l’intégralité de sa pêche. J’y vais tous les jours et quand je suis empêchée, je confie mon panier à une des femmes avec l’argent, ou même sans, pour qu’elle l’amène à mon fournisseur qui se charge alors de m’envoyer le poisson.’

Outre les contraintes de l’approvisionnement, les contraintes administratives peuvent aussi être très importantes pour les restauratrices :

‘On est contrôlé tous les jours (...). Nous devons avoir tous nos papiers en règle (à savoir ceux attestant de l’acquittement) :

Cette forte implication personnelle dans l’activité professionnelle fait de ces femmes celles qui gagnent le mieux leur vie (en dehors des quelques ’grosses’ commerçantes). Avec environ 20 000 Fcfa de revenu mensuel, elles participent à concurrence de 20% au revenu de leur ménage (contre une participation de moins de un dixième pour les autres actives). Leurs ménages sont, toujours en dehors de ceux des ’grosses’ commerçantes, les plus nantis de la ville, avec un revenu mensuel de près de 100 000 Fcfa contre environ 50 000 Fcfa pour les ménages des autres catégories d’actives.

Si la restauration est une activité féminine, il n’en demeure pas moins qu’un peu plus de un individu sur dix la pratiquant est un homme. En règle générale, ces hommes sont soit des boulangers (employés ou artisans), soit des jeunes de 20 ans et moins qui vont vendre de manière ambulante de l’eau fraîche, des boissons sucrées ou de la restauration légère, marchandise préparée et confiée par une parente ou une patronne. Ils fréquentent alors les lieux publics tels que les marchés ou les gares.

La restauration est donc une activité indispensable à l’activité économique au sein de la ville. Cette dernière est en effet bien souvent un vivier de ’journaliers’, de migrants ruraux habitant seuls en ville, et parfois de ménagères trop occupées (Bernus, 1969). A Niamey, ’les hôtelières’ comme elles sont appelées, ont très tôt exploité cela en se localisant dans les marchés et près des gares (Sidikou, 1980). Dans les villes où il y a une quantité excessive d’hommes seuls, beaucoup prennent leur repas au marché (Boserup, 1983) ou chez les restauratrices de quartier. Il en est ainsi à Konni où les journaliers, les visiteurs et les actifs pratiquant leur activité hors domicile, sont en majorité des hommes. C’est donc une activité qui se révèle rémunératrice pour celles qui s’y impliquent. Celles-ci sont en général les épouses de chefs commerçants ou artisans, qui semblent accepter sans problème le fait qu’elles exercent une activité qui parfois les entraîne hors de leur domicile.

Notes
49.

C’est d’ailleurs la seule femme que nous ayons interviewée, de même qu’elle est le seul actif dans la restauration. Les entretiens réalisés dans les lieux publics (rue, marché, gares) ne nous ont pas permis a priori de rencontrer les femmes qui, pour une grande part, exercent leur activité à domicile.