2.2 L’acquisition des devises

Dans l’achat de devises, on peut faire la distinction entre deux types de fournisseurs : ceux qui approvisionnent la place de Konni de manière générale, et ceux qui fournissent les détaillants ; dans certains cas, ce sont néanmoins les mêmes individus qui remplissent ces deux fonctions.

2.2.1 Fourniture de la place de Konni et fixation du taux à l’achat

Deux types d’opérations entrent en jeu dans la fourniture de la place de Konni : le commerce et les transferts directs de capitaux.

Les gros commerçants sont les principaux fournisseurs de devises. Ils commercent avec le Nigéria et sont de Konni ou d’autres régions du Niger et passent la frontière par le poste de Konni pour leurs affaires. Les transactions effectuées (vente de bétail, voitures, produits de réexportation...), Konni est alors le lieu où ils échangent les nairas reçues en paiement de leurs marchandises, contre des Fcfa. Hormis ces commerçants nigériens, il y a également les nigérians. Ils viennent de Sokoto ou de Kano et vont à l’intérieur du pays et plus généralement à Niamey, pour approvisionner leur commerce principalement en produits manufacturés de réexportation (cigarettes, cubes-bouillon...) et en céréales. Contrairement aux commerçants nigériens, les nigérians combinent activité commerciale et change. Cependant, la seconde étant liée aux nombreuses transactions financières que requière la première, l’approvisionnement en nairas par ces commerçants n’est en rien relative à la demande de devises de la place de Konni, mais seulement au rythme du commerce qui les sous-tend.

Pour s’assurer une certaine régularité, les cambistes de Konni ont recours à de simples transferts de capitaux entre eux et d’autres places au Nigéria (tel est le cas lorsqu’un patron du change de Kano décide d’expédier des nairas à son correspondant de Konni - Grégoire, 1994), ou au Niger. Dans ce dernier cas, le plus courant aujourd’hui, ils font appel à leurs collègues de Maradi. Ceux-ci acquièrent la naira auprès de commerçants ou de correspondants nigérians. L’approvisionnement se fait alors principalement les samedi et dimanche car ce sont les jours où la demande est la plus forte. Maradi étant la principale place du commerce transfrontalier au Niger ainsi qu’un important lieu de passage, l’offre de devises y est souvent plus importante que la demande ; l’excédent peut alors être, à tout moment de la semaine (tous les 2 jours en général), amené à Konni pour y être vendu. Les agents de change du Nigéria se déplacent également pour fournir Konni, avec une plus grande fréquence que celle des places telles que Gaya et Diffa au Niger ou encore Mallanville au Bénin qui n’interviennent que sur commande, lorsqu’il y a pénurie, car leurs tarifs sont plus élevés. Les agents en provenance du Nigéria sont néanmoins moins réguliers que ceux de Maradi. Aujourd’hui, la plupart des fournisseurs sont donc de Maradi ou du Nigéria, et si ce sont eux qui font le déplacement aujourd’hui, il n’en a pas toujours été ainsi :

‘Il fut un temps où les ’grands’ nous envoyaient chercher la naira là où elle était la moins chere (car ils étaient quotidiennement en contact téléphonique avec les autres places pour connaître leur cours).’

Aujourd’hui encore, les contacts sont quotidiens, mais il s’agit surtout pour les fournisseurs de s’informer sur le cours de vente, afin de voir si le cours à l’achat qu’ils pensent fixer pour les devises peut en permettre un écoulement rapide. Lorsque ce sont des agents de change, ils s’assurent avant de venir qu’il y a accord sur les tarifs.

‘(...) nous savons à combien ils vendent leurs nairas sur place et vice-versa ; nous leur indiquons à combien nous sommes prêts à leur vendre le Fcfa. S’ils l’acceptent, ils viennent, sinon ils font affaire ailleurs ou attendent un moment plus propice où le cours est tel qu’ils peuvent acheter sans y perdre.’

En ce qui concerne les commerçants, bien qu’ils se tiennent informés sur les cours, l’accord est conclu seulement à leur arrivée en ville.

En général, le fournisseur impose ses prix. Cependant, lorsqu’il s’agit des gros commerçants nigérians, pressés d’aller conclure leurs affaires, ils baissent leurs tarifs lorsqu’ils trouvent sur place les agents de Maradi, de manière à pouvoir disposer rapidement des Fcfa qui leur sont nécessaires. Faire jouer la concurrence est donc le principal moyen de négocier de meilleurs prix.

‘Lorsque les fournisseurs arrivent presque en même temps de plusieurs places (...) par exemple, nous indiquons au deuxième arrivé (en général du Nigéria) à combien le premier (en général de Maradi) est prêt à nous vendre sa marchandise ; il arrive alors qu’il accepte de baisser encore plus les prix pour vite écouler sa marchandise. Le premier est alors aussi obligé d’ajuster ses prix.’

Il peut arriver que le prix proposé soit réellement trop excessif pour que les cambistes de Konni puissent prétendre gagner un quelconque bénéfice. Les fournisseurs en tant que partenaires d’affaires, essayent alors de le baisser dans la mesure du possible, mais si cela leur est matériellement impossible ils repartent avec leurs devises.