Il s’agit essentiellement d’insécurité et de pollution. Toutes les études faites sur ce mode de transport évoquent ces deux aspects. Godard et Ngabmen (1998), dans une enquête sur Douala, font référence au fait que les usagers citaient presque exclusivement l’insécurité comme inconvénient majeur. Ils mettent en cause le jeune âge des conducteurs (aucun de ceux enquêtés à Konni n’a atteint 30 ans), leur manque d’expérience, l’état parfois défectueux des véhicules et l’absence d’équipements adaptés, comme l’éclairage urbain ou le mauvais état de la voirie qui oblige à ’slalomer’ dangereusement entre les nids de poule. Ce problème, associé à celui de la pollution sonore, est souvent réglementé mais difficilement contrôlé dans la mesure où l’encadrement de l’activité par les autorités est en général très faible, comme c’est le cas à Konni.
Il faut aussi évoquer parmi les nuisances la pollution de l’air. Cette dernière qui augmente en général avec la densité et la taille de la ville, commence à créer des conditions de vie réellement négatives à partir d’une agglomération de 500 000 habitants dans le cas des pays en développement (Bairoch, 1977). Cette limite est certainement aujourd’hui plus basse, mais peu d’études s’essayent à ce type d’estimation. En tout état de cause, même avec sa forte densité de population, Konni avec 40 000 habitants est encore loin de ce seuil. Néanmoins, le développement de transports en commun de type individualisé, comme les kabu-kabu, est un facteur accroissant la pollution, compte tenu du fait qu’en règle général le transport par deux-roues concerne des véhicules vétustes car d’occasion, utilisant comme carburant des mélanges très polluants. Dans le cas de Konni cependant, le parc semble assez bien se renouveler du fait certainement de la légèreté de l’investissement qui facilite la revente et le rachat dès lors que le véhicule ne se satisfait plus de réparations légères. Le carburant utilisé est l’essence bon marché en provenance du Nigéria, moins polluante que les mélanges traditionnels à l’huile. Aujourd’hui, la question de la pollution ne se pose donc pas encore avec acuité, même si la vigilance est de mise. Les problèmes seraient plutôt le manque de moyens techniques pour la mesurer, et de volonté politique pour la prévenir ou la réduire. La pollution atmosphérique ne constitue en effet pas encore une priorité dans la politique urbaine à Konni, ni d’ailleurs dans d’autres villes du Niger. Cela est partiellement dû au fait que les populations, peu sensibilisées à ce problème, n’en demande pas forcément la solution. Notons que même dans les pays occidentaux où les habitants sont plus au courant des phénomènes de pollution, le niveau d’appréciation de leur environnement dépend de la taille de la ville. Une étude réalisée en France en 1998 (ifen, 1999) montre que dans une agglomération de moins de 2 000 habitants, 5% seulement jugent mauvais l’état de l’environnement dans leur région. Ils sont 10% entre 20 000 et 100 000 habitants, et 30% dans une agglomération plusieurs fois millionnaire comme Paris. Ainsi, dans les villes relativement peu peuplées du Niger, abritant des citadins peu informés, les autorités n’ont pratiquement aucune pression publique les forçant à considérer plus sérieusement le problème de la pollution de l’air, même dans le cas de Niamey qui compte aujourd’hui plus de 600 000 habitants et a le taux de motorisation le plus fort du pays.
Il paraît donc évident que l’usage de ce mode a un coût pour la collectivité, aujourd’hui en termes d’insécurité et de nuisance sonore, demain en terme de pollution de l’air. Ce coût est encore peu facilement mesurable, et donc difficilement comparable aux bénéfices qui découlent de l’existence du mode. Il n’en demeure pas moins que ce moyen de transport représente aussi un gain en termes de services offerts, d’emplois directs et indirects, de revenu.
Les kabu-kabu sont donc pour le moment le mode de transport le mieux adapté à une ville comme Konni : peu de voies praticables en voiture, une ville en pleine expansion géographique qui vit du lien qu’elle crée entre les deux parties d’une Région transnationale, et entre sa Région et le reste du pays. Les besoins de déplacement engendrés par cet état de fait ont permis aux kabu-kabu d’exister et de se développer depuis une quinzaine d’années. L’existence de ce mode est assurée par un renouvellement fréquent des agents, même si l’on a constaté une certaine stagnation des immatriculations depuis la dévaluation du Fcfa en 1994. La pérennité de l’usage semble quant à elle également garantie, cependant plus chez les hommes, qui l’utilisent à tout âge, que chez les femmes où les moins jeunes ont encore des réticences. On peut néanmoins penser que ces réticences vont tendre à disparaître avec le renouvellement des générations.
Du côté de l’administration publique, il reste encore à trouver un niveau d’encadrement ’juste assez’ institutionnalisé pour permettre l’identification des véhicules et des individus. Il faut en effet pouvoir assurer la sécurité et maîtriser les nuisances sans pour autant pousser l’ensemble de l’activité dans la clandestinité, ce qui est forcément le cas lorsque les autorités cèdent à la tentation d’un encadrement trop fort des activités à caractère spontané.
Tant que l’administration publique ne prendra pas à sa charge l’organisation d’un quelconque mode de transport ou ne facilitera pas l’instauration par le secteur privé d’un système plus élaboré, le taxi-moto peut être considéré comme un des modes convenant le mieux au contexte que nous étudions. Dans une ville en expansion, le transport urbain est une condition nécessaire à toute forme de vie économique et sociale. Mais, dans le cas de Konni, peut être plus qu’ailleurs eu égard à sa position de pôle dans une périphérie transnationale, le transport interurbain est également très important.