3.2.2 Adaptabilité du secteur en temps de crise

L’objectif avoué est ici, de conserver le mieux possible et quelle que soit la situation, une clientèle acquise par le dynamisme frontalier. Pour cela, plusieurs techniques sont utilisées.

Tout d’abord, il s’agit d’éviter la trop grande fluctuation des tarifs. Ainsi, sur les lignes régionales, les tarifs sont restés relativement stables toutes ces dernières années.

‘Nous n’avons pas pour coutume d’augmenter nos tarifs et cela même si le prix de l’essence augmente car dans ce cas les villageois ne pourraient pas payer.’

Les autres lignes nationales ont quant à elles plus répercuté l’inflation importante enregistrée consécutivement à la dévaluation de 1994 (inflation de plus de 40% au niveau national sur les 6 premiers mois). Pour les transporteurs, cette hausse touchait le carburant, les pièces de rechange, et même l’assurance, mais n’a pas été entièrement répercutée et est restée modérée, de l’ordre de 20 à 25%. En ce qui concerne la ligne Konni-Illéla, la donne est différente car les tarifs sont indiqués et payés en nairas. La fluctuation constante de cette monnaie, ainsi que l’incidence à la hausse de toute dépréciation de la naira sur les prix, ne favorisent alors pas la stabilité des prix. Il y a donc une plus grande flexibilité, car l’acceptation des ajustements par les usagers est plus grande, conscients qu’ils sont de la volatilité du cours de la naira. Les transporteurs n’hésitent alors pas à refléter dans leurs prix l’état réel du marché. Ainsi, lors de la fermeture de la frontière, pour compenser la raréfaction de la clientèle et le risque encouru, les tarifs ont été multipliés par dix.

‘Avant la fermeture le tarif était de 2 à 3 nairas, après il a fait un bond à 20, 30 voire 40 nairas selon les véhicules.’

Il faut noter cependant qu’en dehors de cet événement exceptionnel, la variation des tarifs en naira traduit bien souvent une certaine stabilité en Fcfa. Ainsi, lorsque la dévaluation du Fcfa s’est soldée par une très forte dépréciation de cette monnaie par rapport à celle nigériane (de l’ordre de 50% au moins au début), les tarifs en nairas ont baissé d’au moins 25%, limitant de cette façon leur hausse réelle en Fcfa.

Hormis cette tendance, plus ou moins forte selon les lignes, à modérer la hausse de leurs prix, les transporteurs pratiquent également la continuité du service pour éviter la perte de leur clientèle. Ainsi, tant qu’il y a des clients, il y a des véhicules, quels que soient l’heure ou le jour. Cette politique s’est traduite lors de la fermeture de la frontière en 1984-86 par le maintien de toutes les lignes et de toutes les gares ouvertes. L’offre s’est ajustée à la demande décroissante, et la ligne Konni-Illéla a seulement modifié son itinéraire.

‘On passait par la brousse mais c’était vraiment dur car si on se faisait attraper, tout ce qu’on transporte - marchandise comme argent - est réquisitionné et en prime on nous battait. D’autres moins chanceux se faisaient tirer à vue : c’était réellement dangereux.’

Les risques énormes et une durée de trajet qui passe de 10 minutes à 1 heure, ont bien sûr découragé une part importante de la clientèle, mais l’offre de transport existait et répondait à une demande néanmoins devenue plus individuelle que collective.

‘On n’avait même pas besoin d’attendre que le véhicule se remplisse car on pouvait facilement négocier avec un seul client qui veut qu’on le transporte.’

Les ajustements réalisés au fil du temps dans ce secteur du transport permettent de constater une flexibilité certaine qui garantit à ses acteurs un revenu de survie, voire une réelle rentabilité.